La spiritualité chrétienne débarque dans les amphis genevois
«Deux grandes tendances se dessinent dans le monde religieux actuel: identitaire et ouverte. Nous voulons manifester notre ouverture. Notre souci est de cultiver les relations entre les religions», explique Ghislain Waterlot, doyen de la Faculté de théologie de l’Université de Genève. Dès le 23 septembre, l’Université de Genève propose un cours d’introduction à la spiritualité chrétienne. Une première en Suisse romande pour une branche qui n’avait guère sa place dans le milieu académique. «Nous commençons par les fondamentaux de notre tradition, mais c’est pour aller vers les autres traditions», précise ce professeur de philosophie de la religion et d’éthique. Au semestre de printemps, un cours abordera la question des femmes et de la spiritualité en sens large. Un cours public «Spiritualités en dialogue» aura également lieu dès le mois de février.
«La pluralité des convictions et des fois est irréductible dans notre société. Soit on lutte pour l’exclure, soit on fait le pari qu’on pourra s’enrichir les uns auprès des autres à partir d’une connaissance de ce qu’on est soi-même.» Si ces nouveaux cours ont une visée multiculturelle, il s’agit également de redonner une place à cette pratique chrétienne. «Le christianisme en Europe a perdu le contact avec la spiritualité à partir du XIXe siècle. Il est devenu soit très cérébral, soit très rituel», relève Ghislain Waterlot qui définit la religion comme l’ensemble de l’organisation sociale et ecclésiale qui exprime une certaine foi dans une société. La spiritualité, quant à elle, est la dimension du religieux qui touche l’expérience personnelle de l’individu. «On assiste à un phénomène dans nos sociétés sécularisées où de plus en plus de personnes vivent une spiritualité «laïque» ou en lien avec une origine religieuse, mais détachée des institutions», explique Mariel Mazzocco, chargée de ces nouveaux cours.
Entre le yoga, le zen et la multitude de pratiques méditatives, l’offre est large. «Je remarque une sorte de syncrétisme spirituel avec parfois beaucoup de confusion. Les chrétiens eux-mêmes ignorent souvent les trésors de leur spiritualité. C’est le cas pour la méditation qui est très à la mode de nos jours. Souvent, ils se tournent vers des dérivés du bouddhisme, alors que la méditation a des racines profondément chrétiennes», ajoute cette collaboratrice scientifique à la Faculté de théologie qui estime qu’en donnant plus de place à la spiritualité, les Églises traditionnelles pourraient atteindre un public laïc. «Et si les Églises deviennent un lieu où se réactualise le spirituel, on évite des dérives comme les sectes où un pseudo-mysticisme devient un enjeu économique et un business.»
Plus largement, Ghislain Waterlot pointe une inquiétude fondamentale sur la façon dont la société actuelle a conçu son style de vie. «Face à la crise écologique et la montée des populismes, nous voulons promouvoir une ouverture à l’autre et une volonté de vivre autrement notre manière d’être au monde. Les enjeux sont vitaux!»
Informations sur les cours
Dès le 23 septembre, la Faculté de théologie de l’Université de Genève propose un cours d’introduction à la spiritualité chrétienne. Destiné aux étudiants de toute la faculté et aux auditeurs libres, ce cours abordera notamment la conciliation entre vie intérieure et vie active, la méditation orientale et occidentale ainsi que la question du discernement entre les différentes formes de spiritualité. Les discussions et débats auront une place importante durant ces rencontres.
Au semestre de printemps, un séminaire sur les femmes et la spiritualité sera également proposé aux étudiants ainsi qu’un cours public sur les différentes formes de spiritualité.
Publication
Mariel Mazzocco est l’auteure de l’ouvrage «Le joyau de l’âme», publié en 2019 aux éditions Albin Michel. Ce livre explore les trésors de la littérature spirituelle.