Croix de bois, croix de fer, rendez-vous au sommet
«En redescendant, on n’est plus le même qu’avant l’ascension», lâche Etienne Jeanneret, passionné de montagne. Ce pasteur genevois a profité d’un congé sabbatique de cinq mois pour partir à la découverte des croix situées au sommet des montagnes de Suisse romande et de Haute-Savoie. Jeudi 2 mai, il partagera son expérience et ses découvertes au Centre de Sornetan, dans le canton de Berne.
C’est la polémique suscitée par un guide fribourgeois qui avait abattu des croix sur certains sommets au nom de la laïcité en 2010 qui a poussé ce randonneur hors pair à se questionner. «L’action de ce guide n’a pas du tout eu l’impact qu’il souhaitait. Il a été condamné pour atteinte à la liberté de croyance. Dès lors, je me suis vraiment demandé si on pouvait ainsi imposer des croix sur les sommets», se souvient Etienne Jeanneret.
Entre la fin février et juillet 2018, le pasteur est parti à la recherche de croix, lors d’excursions journalières, dont certaines à peau de phoque. Du Cervin au Crêt de la Goutte dans le Jura, en passant par le Môle près de Genève, Etienne Jeanneret a pris des clichés de toutes ses découvertes. Si la croix représente le but pour le randonneur, elle endosse d’autres significations pour le pasteur. «Elle nous rappelle que le Christ est allé jusqu’au bout. La symbolique de la montagne est également importante dans la Bible, elle signifie la rencontre. Trouver des croix sur les sommets éveille la dimension de rencontre avec Dieu», explique ce père de trois enfants.
D’ailleurs, Etienne Jeanneret raconte une expérience forte qu’il a vécue au sommet du Linleu, dans le Chablais. «En arrivant à la cime, j’ai vu cette croix et j’ai vraiment ressenti un appel. Quelque chose de très fort avec la barre verticale qui me signifiait la présence de Dieu et en même temps la force de la barre transversale qui me montrait ma limite, que ma place était ici et que je ne pouvais aller au-delà.»
Le pasteur a découvert pas moins de 58 croix arrimées aux sommets. Mais à quand remonte cette habitude? «Il me semble que la première croix a été posée en 1799, en Autriche. En Suisse, c’est en 1819, sur la pointe Zumstein, un des sommets du mont Rose, en Valais. En fait, cette pratique coïncide avec les premières ascensions. Mais c’est surtout au XXe siècle, en particulier dans les dix années qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale que le plus de croix ont été posées, notamment pour rendre mémoire des morts.»
Si actuellement, on ne pose plus de nouvelles croix, car les sommets ont tous été conquis, on en remplace beaucoup. «La croix reste attachée à la montagne et associée au sommet, c’est bien plus qu’un symbole chrétien. Toutefois, dans les pays qui n’ont pas été christianisés, par exemple le Népal, on ne trouve pas de croix aux sommets», explique ce photographe amateur de 49 ans. Etienne Jeanneret s’est prêté au jeu de l’intervieweur, interrogeant les marcheurs sur ce que représentait la croix pour eux. «Leurs réponses n’avaient pas de lien avec le christianisme. Une seule fois, un homme m’a dit en regardant la croix avoir été catholique, mais ne plus être croyant aujourd’hui.»
Infos pratiques
La conférence d’Etienne Jeanneret «Nos sommets et leurs croix sont-ils des lieux de spiritualité? Ou quand atteindre un sommet permet la “croix-sens”» se déroulera, jeudi 2 mai, au Centre de Sornetan à 20h. Elle sera précédée, à 17h30, du vernissage de l’exposition de peintures de montagnes de Jérémie Liechti et Stéphane Bichsel. Un repas sur inscription aura également lieu à 18h30.
Le blog d’Etienne Jeanneret
Etienne Jeanneret a partagé son expérience, ses photos et ses recherches dans son blog croix-sens.