Au Venezuela, l'Église peine à répondre à l'appel du pape
Les réfugiés fuyant l'effondrement économique actuel du Venezuela traversent les frontières de leur pays vers la Colombie et le Brésil, ajoutant un nouveau front à la situation migratoire déjà critique de l'Amérique latine, où des milliers de personnes sont confrontées à des voyages dangereux pour échapper à la famine, la pauvreté et le chaos politique.
Les mormons, les baptistes, les bouddhistes et d'autres groupes religieux ont intensifié leurs programmes d'aide à travers l'Amérique latine, mais pour les dirigeants de l'Église catholique, le flux de réfugiés a ruiné les efforts menés jusque-là pour répondre à l'appel du pape François à offrir «hospitalité et acceptation» aux immigrants sur son continent natal.
Plusieurs congrégations catholiques se consacrent à l'immigration, comme le réseau Scalabrini International Migration Network. «D'autres groupes, parmi lesquels les Jésuites, les Franciscains, les organisations Caritas et quelques conférences épiscopales nationales, travaillent dur sur cette question», a déclaré le Révérend Paolo Parise, responsable de Missão Paz (Mission Notre-Dame de la Paix), un centre d'accueil pour migrants et réfugiés à São Paulo. Et d’ajouter: «Mais, dans l'ensemble, l'Église doit encore se réveiller à cette réalité et suivre le rythme du pape.»
Lors de la Journée mondiale de la jeunesse en janvier, le pape François a insisté auprès des évêques d'Amérique centrale au Panama sur les questions sociales les plus urgentes de la région, dont les migrations.
Accueillir, protéger, promouvoir et intégrer «peuvent être les quatre mots avec lesquels l'Eglise, dans cette situation de migration massive, exprime sa maternité dans l'histoire de notre temps», a dit le pape.
Au cours des dernières années, la région a connu des vagues de migration massive. En 2010, un tremblement de terre majeur a frappé Haïti, amenant des centaines de milliers d'immigrants désespérés en Amérique du Sud, en particulier au Brésil. Aujourd'hui, les Vénézuéliens fuient le régime instable du président Nicolás Maduro, à la recherche à la fois de travail et de calme, alors que les caravanes d'Amérique centrale se dirigent vers les États-Unis.
Les analystes estiment que 100 000 Vénézuéliens se sont installés au Brésil, la plupart d'entre eux depuis 2017, fuyant les troubles dans leur pays d'origine. A Missão Paz, à 3000 miles de la frontière vénézuélienne, 29% des demandeurs d'asile viennent du Venezuela, constituant la plus grande communauté nationale parmi les 17 nationalités qui y sont actuellement représentées.
Selon Mgr Mário Antônio da Silva, évêque du diocèse de Roraima, qui borde le Venezuela, la situation a atteint un point de rupture l'été dernier. «En août, il y avait une énorme tension à la frontière. De nombreux Vénézuéliens vivaient dans la rue sans abri. La violence a explosé, avec des incidents xénophobes regrettables. Nous avons suivi la situation avec beaucoup d'inquiétude et nous avons essayé de la pacifier», a déclaré Silva.
Cinquante mille Vénézuéliens vivent aujourd'hui à Roraima, dans le nord du Brésil, sur une population totale d'environ 600 000 habitants.
Silva rapporte que le diocèse offre un petit déjeuner gratuit à 700 personnes par jour, en plus de donner des vêtements, un abri et une assistance médicale à beaucoup d'entre elles.
L'an dernier, la Conférence nationale des évêques brésiliens a décidé que 40% des dons reçus pour la Campagne pour la fraternité, une campagne de Carême, seraient versés au diocèse de Roraima pour financer une allocation mensuelle versée aux familles migrantes.
«Mais ce n'est pas assez», insiste Silva. «Nous devons aider trop de gens et nous fonctionnons à pleine capacité. Il n'y a pas de plan B.»
Au moins 1,5 million de personnes sont passées du Venezuela en Colombie, la moitié d'entre elles continuant vers l'Équateur, le Pérou, le Chili et l'Argentine.
Le diocèse catholique de la ville frontalière de Cucuta a ouvert un centre de réfugiés de 3000 mètres carrés avec des installations sanitaires. Dans ses paroisses locales, le diocèse a créé huit restaurants qui servent 10 000 repas chauds chaque jour. Les Scalabriniens ont également créé un centre de migration de 180 lits, qui peut accueillir des personnes pendant cinq jours au maximum.
Mgr Victor Ochoa Cadavid, évêque de Cucuta, compte sur 800 volontaires, grâce aux dons de l'archidiocèse de Miami, du Secrétariat de la Conférence des évêques catholiques des États-Unis pour l'Amérique latine, de Caritas, du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés et de l'Agence américaine pour le développement international.
Mais ce n'est pas assez. «Ils arrivent affamés et souvent malades. Nous essayons d'être un hôpital de campagne pour eux, comme le pape nous l'a dit. Nous ne pouvons pas faire plus que ce que nous faisons déjà, honnêtement», dit l'évêque, qui précise encore que les réfugiés reçoivent de l'aide dans la région de la part des baptistes, des mennonites et des groupes juifs aussi.
Silva et Ochoa font un effort supplémentaire pour offrir une assistance spirituelle en plus de l'aide humanitaire. A Roraima, le diocèse célèbre des messes en espagnol et en warao, la langue parlée par un peuple indigène de la région frontalière. A Cucuta, l'Église organise des activités pour aider les Vénézuéliens à s'installer dans la ville.
À Missão Paz, à São Paulo, le centre pour migrants offre des cours de portugais, des conseils juridiques, une assistance médicale et psychologique et une formation professionnelle. Il offre également des messes en italien, français, anglais et espagnol.
Eduardo Campos Lima, RNS/Protestinter