Dieu non-binaire: la réflexion se poursuit à Genève

Dieu non-binaire: la réflexion se poursuit à Genève

Ce jeudi 5 octobre, l’Eglise protestante de Genève et l’UNIGE organisent une journée d’étude afin de discuter des langages pour dire Dieu, quitte à relancer le débat.

Démasculiniser nos représentations de Dieu? Ce chantier de la Compagnie des pasteurs et des diacres, autorité théologique de l'Eglise protestante de Genève (EPG), avait choqué au-delà de la communauté protestante. Révélée en 2022 par Protestinfo, cette réflexion sera publiquement relancée ce jeudi 5 octobre, grâce à une journée d'études intitulée «Quels langages pour dire Dieu» en partenariat avec l'Université de Genève (UNIGE). L'occasion d'écouter chercheurs et pasteurs aborder sous l'angle critique la question du genre de Dieu et d’ouvrir un dialogue entre ceux que l'idée que Dieu puisse être «Notre Mère» scandalise et ceux pour qui la conception d'un Dieu uniquement masculin dérange. Explications avec Laurence Mottier, modératrice de la Compagnie.

L'EPG organise conjointement avec l’UNIGE une journée d'étude autour des «langages pour parler de Dieu», et s'ouvre notamment sur la question de «Dieu notre Père ou Mère». Pourquoi continuer cette réflexion?

Cette réflexion fait partie de l’attention permanente de l’Eglise et des théologiens de chercher les langages les plus adéquats pour dire Dieu aujourd’hui. Notre idée est que l’Evangile est une parole vivante, en dialogue avec notre époque. Aborder la question de Dieu et des des noms qui lui sont attribués participe de cette quête du sens à donner à notre héritage chrétien et à la foi en Christ.

Initiée fin 2021 par la Compagnie des pasteurs, où en est cette réflexion aujourd'hui?

Après la controverse début 2022, le groupe de travail qui s’occupe de cette question au sein de la Compagnie a pris le temps de discerner comment poursuivre sa réflexion de la meilleure façon. C’est à ce moment-là que nous avons fait appel à la faculté de théologie, afin de faire avancer la réflexion. En effet, cette journée d’étude se veut un espace de débat et de questionnement commun, où les chercheurs aborderont de façon critique la thématique du genre et du langage. Elle est ouverte à toute personne, protestante ou non.

Il y a une nécessité que je perçois de pouvoir exprimer, depuis l’expérience humaine, une façon différente de vivre la transcendance et pour laquelle le le langage traditionnel est devenu un obstacle.
Laurence Mottier, modératrice de la Compagnie des pasteurs et des diacres

Pourquoi ce débat est-il essentiel à vos yeux?

La question de Dieu, qui n’est plus une évidence dans notre société, souffre d’une conception assez figée. Chez un certain groupe de personnes, la jeune génération mais pas seulement, il existe un besoin fort de tisser un lien plus vital au divin, qui passe notamment par ces questions de genre. Il y a une nécessité que je perçois de pouvoir exprimer, depuis l’expérience humaine, une façon différente de vivre la transcendance et pour laquelle le le langage traditionnel est devenu un obstacle. Cette journée d’étude organisée avec l’UNIGE sera donc l’occasion de nourrir cette quête de diversité.

Comment comprenez-vous la controverse qui a eu lieu?

Je la comprends comme une crispation liée à des enjeux intergénérationnels. Tout le monde ne vit pas sa foi de la même façon, et il se trouve que le fait de ne pas se référer uniquement à Dieu en des termes masculins est justement un réel enjeu pour certaines personnes aujourd’hui. Comment ne pas le comprendre? C’est vraiment ce qui m’a frappée au moment de cette controverse: le manque de dialogue.

Avez-vous discuté avec des personnes réfractaires?

Oui. J’ai compris que pour ces personnes, le lien à Dieu et le moment du culte étaient un espace de sécurité et d’identité. Je suis donc très attentive à cela et au droit qu’ont ces protestants de se sentir dérangés par cette réflexion. Interroger les représentations de Dieu n’est pas une obligation, rien n’est imposé. Mais le fait que certaines personnes aient envie d’ouvrir ce débat doit aussi être entendu. J’essaie donc de prôner la tolérance. Il n’est pas question de se rejeter parce qu’un sujet dérange. D’un côté comme de l’autre.

Ce besoin n’est-il pas minoritaire chez les protestants?

C’est difficile à évaluer. Mais le groupe de travail estime qu’il est intéressant de se pencher sur le sujet. Et je suis reconnaissante à la faculté d’offrir ses compétences dans ce but.

La nouvelle présidente de l’EPG a déclaré récemment qu’aucune décision n’était à l’ordre du jour sur ce point. Y a-t-il un rapport de force entre la Compagnie et votre Eglise sur cette question?

Pas du tout. Les autorités de l’EPG reconnaissent à la Compagnie la liberté d’ouvrir des champs théologiques et d’en débattre, mais nous sommes à ce titre force de propositions. Notre groupe de travail n’a d’ailleurs pas de visée institutionnelle à ce jour mais souhaite susciter une discussion calme, sereine et tonique. Ce sera au Consistoire (Législatif), le moment venu, de se prononcer et de décider.

N'avez-vous pas peur de relancer la polémique?

Notre ambition est au contraire d’ouvrir un dialogue de qualité par des éclairages bibliques, historiques et théologiques. Ce n’est pas en mettant sous le tapis certaines problématiques que nous pourrons avancer en Eglise.

N’est-il pas problématique que tous les intervenants semblent plutôt acquis à votre cause?

Ce n’est pas le cas. Il s’agit d’universitaires et de chercheurs, et pas de personnes engagées ou militantes. Le milieu académique est neutre. Le but de cette journée est de questionner de manière critique les façons de nommer Dieu dans l’histoire et à l’époque contemporaine, et d’instaurer un dialogue constructif avec des points de vue spécifiques à chaque intervenant. On n’offrira donc pas de réponse exhaustive ou dogmatique. La faculté de théologie n’est pas là pour ça.

 

«Quels langages pour dire Dieu»
Jeudi 5 octobre, 9h15-17h
Paroisse Saint-Pierre
Auditorium Barbier-Müller
Entrée libre sans inscription