Figures évangéliques en vue, ils renient leur foi via Instagram
Cet été, deux figures évangéliques anglo-saxonnes de premier plan ont annoncé qu’elles ne croyaient plus, à quelques jours d’intervalle. Signe des temps, ces annonces ont été faites sur Instagram, le réseau social des moins de trente-cinq ans.
D’un côté, il y a Joshua Harris, ancien pasteur d’une méga-Église et auteur il y a vingt ans du best- seller controversé J’ai tourné le dos au flirt, parangon du mouvement de pureté étatsunien. De l’autre, Marty Sampson, un compositeur et musicien australien du groupe évangélique Hillsong.
La désaffiliation de leaders est quelque chose de rare mais ce n’est pas une nouveauté. «C’est l’usage des réseaux sociaux et la médiatisation qui s’en est suivie qui sont originaux», observe David Vincent, doctorant au Groupe Sociétés, Religions et Laïcités du CNRS, lequel a abordé cette actualité sur sa chaîne YouTube.
Ce n’est pas parce que l’information est rendue publique un jour en particulier que le reniement est soudain. Jörg Stolz, professeur de sociologie des religions à l’université de Lausanne, a dirigé une thèse sur ce thème. Il observe que «le processus est le même que pour la conversion: en général, le changement de groupe de référence est graduel et long, même s’il est symbolisé à un moment précis.»
Samuel Path, premier éditeur du site en français du mouvement de jeunesse lancé par les frères jumeaux de l’ex-pasteur Joshua Harris (La Rébellution), est du même avis. Ce connaisseur du dossier estime possible, avec le recul, de voir une certaine évolution dans le cheminement du pasteur qui a retourné sa veste: «Pour ceux qui ont gardé un œil sur son parcours au fil des années, cette annonce reste certes surprenante, mais pas choquante.»
Le calendrier a pu rapprocher les deux annonces de l’été dernier. Les situations n’étaient toutefois pas exactement les mêmes. Aux yeux de David Vincent, Joshua Harris a préparé sa déclaration. Il cherche à en faire un tremplin pour sa reconversion professionnelle et semble encourager d’autres à faire comme lui. Marty Sampson paraît davantage partager son désarroi, sans véritable arrière-pensée.
Les cas d’apostasie de responsables spirituels font couler beaucoup d’encre. Il semble en effet y avoir un besoin de comprendre ou d’expliquer de tels cas, que ce soit pour prévenir ou simplement se rassurer.
Dans les causes liées à l’environnement ecclésial et donc pointant une responsabilité collective, il a pu notamment être évoqué un manque de formation initial ou le risque à donner trop tôt des responsabilités importantes. Pour ce qui est du chanteur de Hillsong, David Vincent signale que «les Églises qui insistent sur le côté émotionnel doivent faire attention à ne pas négliger l’aspect de réflexion par rapport à la foi». Il est en effet intéressant de voir que ce sont des sujets comme l’enfer ou les miracles que Marty Sampson a avancés pour justifier son éloignement de Dieu.
Samuel Path met cependant en garde contre une volonté de tout expliquer. Ce sont des cheminements personnels. «Maintenant que l’on connaît le dénouement, on avance toute sorte de théories... mais cela peut aussi être vain, voire dangereux.»
De telles défections alimentent aussi un débat théologique millénaire quant au fait de savoir si l’on peut perdre son salut ou non. Sur ce point, les évangéliques sont divisés. En conséquence, une interrogation fondamentale peut ressurgir chez les fidèles:, qui s’interrogent quant à leur propre situation – actuelle et future. «Quand les leaders se désaffilient, c’est d’autant plus dur pour le milieu», conclut Jörg Stolz.