Les Églises dénoncent la «judaïsation» des quartiers chrétiens de Jérusalem
Les Églises chrétiennes de Terre Sainte ont une nouvelle fois mis en garde contre la «judaïsation» des quartiers chrétiens de la vieille ville de Jérusalem, dans la partie de la ville sainte occupée et annexée par Israël. Elles dénoncent les manœuvres du groupe extrémiste juif Ateret Cohanim, qui tente de s’emparer des propriétés orthodoxes de la Porte de Jaffa.
Les attaques d’Ateret Cohanim portent non seulement sur les droits de propriété de l’Église orthodoxe de Jérusalem, mais aussi sur la protection du statu quo datant de l’époque ottomane pour tous les chrétiens de la ville sainte.
Si les membres d’Ateret Cohanim prennent effectivement possession des dites propriétés, des facteurs de tension pourront apparaître dans ce passage largement fréquenté par les chrétiens et les pèlerins souhaitant se rendre à la Basilique du Saint-Sépulcre et aux autres lieux saints de la vieille ville, souligne l’agence vaticane Fides.
Le principal intéressé, le patriarche grec-orthodoxe Theophile III, estime que «si ce groupe radical, Dieu nous en garde, est capable d’expulser et de saisir les locataires protégés (ndlr : qui bénéficient d’un statut inscrit dans une loi de l’époque ottomane régissant les locations de biens immobiliers pour éviter les évictions arbitraires), les chrétiens et les pèlerins perdront leur principal couloir d’accès au quartier chrétien de la vieille ville de Jérusalem, mais surtout, ils perdront également leur principal accès à l’église du Saint-Sépulcre».
Les menées de ce groupe juif ultra-nationaliste «menacent la présence chrétienne originelle en Terre Sainte», écrivent dans une déclaration conjointe les chefs des 13 Églises chrétiennes de Jérusalem. Elles apportent leur soutien au patriarcat grec-orthodoxe, débouté par la Cour suprême israélienne dans une affaire complexe de vente de propriétés à l’association juive Ateret Cohanim, qui promeut la judaïsation des propriétés non encore juives. La crainte est de voir l’accès à la basilique du Saint-Sépulcre, à terme, compromis, estiment les patriarches et évêques de Jérusalem, dont l’administrateur apostolique du Patriarcat latin de Jérusalem, Mgr Pierbattista Pizzaballa, et le custode de Terre Sainte, le Père Francesco Patton.
Les chefs chrétiens affirment que porter atteinte à la présence chrétienne à Jérusalem, «c’est s’attaquer à cette diversité religieuse propre à la ville trois fois sainte, et donc, in fine, à son caractère éminemment universel». S’ajoute à cela une autre crainte, exprimée par le patriarche grec-orthodoxe Théophile III: le risque que les pratiques d’expulsion, dont est coutumier le groupe extrémiste Ateret Cohanim, ne fassent perdre aux pèlerins le principal couloir d’accès au quartier chrétien de la vieille ville, voire à la Basilique du Saint-Sépulcre, rapporte Vatican News.
Les chefs des Églises chrétiennes rappellent avec force que «l’existence d’une communauté chrétienne vivante à Jérusalem est essentielle à la préservation de la communauté historiquement diverse de Jérusalem et constitue un préalable à la paix dans cette ville». Ils rappellent que toutes les tentatives visant à «restreindre la capacité des Églises à traiter librement de [leurs] biens» menacent leur existence même.
Tout a commencé en 2004, lorsque le patriarcat grec-orthodoxe, alors sous la houlette d’Irénée Ier, conclut la vente de trois de ses propriétés situées en vieille ville de Jérusalem, dont deux à la Porte de Jaffa, dans le quartier chrétien, et une dans le quartier musulman. Ces biens ont été vendus à l’association juive Ateret Cohanim.
Cette organisation, fondée en 1978, procède dans la plus grande discrétion, via des sociétés écran, à l’achat de propriétés palestiniennes en faveur de juifs israéliens, et participe de fait à une judaïsation toujours plus prégnante de la partie orientale de Jérusalem. Dans un communiqué publié en arabe le 12 juin 2019 sur le site du Patriarcat grec-orthodoxe de Jérusalem, Ateret Cohanim est désigné comme faisant partie «des groupes de colonisation extrémistes».
Quand la transaction fut révélée par un quotidien israélien en 2005, elle provoqua la colère des fidèles orthodoxes palestiniens, ce qui entraîna la destitution du patriarche contesté. Son successeur, Théophile III, décida d’en appeler à la justice, arguant que l’opération avait été entachée d’irrégularités, conclue sans l’aval des autorités orthodoxes et qu’elle s’avérait, en conséquence, illégale et non-valide.
Non seulement parce que ces ventes avaient été réalisées sans l’autorisation du Conseil synodal (collège supérieur qui s’occupe des questions ecclésiastiques et des détails liés à l’administration de l’Église grecque-orthodoxe de Jérusalem), mais aussi parce que son directeur financier aurait été soudoyé par Ateret Cohanim. Il aurait reçu des pots-de-vin et aurait fixé le prix de vente des immeubles à un niveau inférieur de leur valeur marchande.
En février 2018, en signe de protestation, les Églises avaient fermé la basilique du Saint-Sépulcre de Jérusalem.
En 2017, le Tribunal de district de Jérusalem avait approuvé cette vente, faute de preuves étayant son caractère frauduleux. La décision de la Cour suprême israélienne, rendue le 10 juin 2019, vient clore une bataille juridique de quinze ans. Les trois immeubles en question – notamment les emblématiques Imperial Hotel et Petra Hotel situés à l’entrée-ouest de la vieille ville – restent donc aux mains d’Ateret Cohanim.
Pour les Églises de Jérusalem, «essayer de saper l’existence d’une seule Église ici saperait toutes les Églises et la communauté chrétienne élargie au monde entier». Les Églises s’inquiètent particulièrement du changement concret qu’un tel transfert de propriété peut occasionner dans la ville sainte. Les deux hôtels en question, qui se trouvent dans le quartier de la Porte de Jaffa, sont situés dans un endroit stratégique, car cette porte est considérée comme l’entrée la plus directe (avec la Porte Neuve) pour accéder au quartier chrétien de la vieille ville. (Protestinfo/cath.ch/fides/terrasanta/be)