Ulrich Zwingli (1484-1531)
Dans son enfance, Ulrich se révèle être heureux de vivre, vif d’esprit et avide de connaissance. Né en 1484 à Wildhaus, dans le Toggenburg, il grandit jusqu’à 5 ans auprès de ses parents et ses 10 frères et sœurs. Il rejoint alors son oncle et parrain Barthélémy, curé à Weesen, pour y entamer sa formation. Il apprend, avec l’aide de l’instituteur de village, la lecture, l’écriture et le latin.
Entre Bâle, Berne et Vienne, il fréquente écoles et universités prestigieuses, côtoyant des savants et des humanistes qui le sensibilisent à la nouvelle façon d’aborder les études. Sa facilité à assimiler les différentes notions n’est pas toujours une bonne chose: elle attire l’attention des dominicains de Berne qui veulent le prendre chez eux. Mais le père d’Ulrich refuse et l’éloigne en l’envoyant le plus loin possible, à l’université de Vienne.
L’esprit critique d’Ulrich lui permet de trier dans tout ce qui lui est enseigné. Il poursuit son parcours académique sans difficulté et obtient à Bâle un diplôme de Maître es Arts.
Ordonné prêtre en 1506, il se dirige naturellement vers le ministère et trouve un premier poste à Glaris. À côté de ses activités pastorales, il trouve encore le temps d’étudier et de créer une école de garçons. Il s’intéresse particulièrement aux préréformateurs tels que Jean Hus, Wicliff et Guillaume d’Occam.
En 1516, le futur Réformateur obtient un poste d’enseignant à Einsiedeln. Son influence sur l’administrateur du lieu, Théobald, est suffisamment grande pour qu’il arrive à faire adopter des changements importants dans l’abbaye. Il se contente d’argumenter avec conviction. Ainsi, le culte des reliques et les indulgences sont supprimés. De plus, les femmes du couvent doivent lire le Nouveau Testament en allemand.
La notoriété d’Ulrich Zwingli atteint Zurich et un poste de prédicateur lui est proposé en 1518. Il accepte et marque d’emblée les esprits en remettant au centre l’Évangile. Il découvre les écrits de Martin Luther et les lit avec beaucoup d’intérêt. Dans les premières modifications qu’il met en place, il fait chasser toutes les prostituées par les magistrats de Zurich et obtient l’expulsion du prédicateur d’indulgences Samson auprès des 13 cantons suisses.
Petit à petit, les mentalités changent sous l’impulsion du Réformateur. En 1522, quelques citoyens zurichois rompent le jeûne en mangeant de la saucisse pendant le carême. Zwingli les soutient face aux catholiques horrifiés. Il envoie aussi une lettre à la diète helvétique afin de présenter sa doctrine. Cette missive, au ton paisible, rassure les gouvernants de son pays et il obtient leur appui.
Dans un même temps, le Réformateur s’attaque au célibat des prêtres. Lui-même épouse Anna Reinhart en avril 1522, déjà mère de 3 enfants. Regula, Guillaume, Ulrich et Anna naîtront de cette union.
C’est avec la tenue de trois disputes que la Réforme se met en place à Zurich. Zwingli y participe activement et son aisance à débattre l’aide à prendre l’avantage sur ses adversaires.
Pour la première dispute (29 janvier 1523), Zwingli publie 67 thèses qui serviront de base à la discussion. Le sujet tourne autour de l’autorité de l’Évangile et l’inutilité des indulgences. Après de vifs débats, le Grand Conseil décide de laisser Zwingli continuer à prêcher. Ce soutien est une première étape vers la Réforme, mais cela ouvre aussi la porte à certains extrémismes: un crucifix placé à l’entrée de la ville est renversé.
La deuxième dispute a lieu en octobre 1523 pour traiter la question de la messe et des images. Aucune décision n’est prise et il faut attendre l’année suivante, lors d’une troisième dispute, pour que le Grand Conseil zurichois décide de supprimer toute image des lieux de culte.
Pour avancer dans la mise en place la Réforme, il faut de l’argent; dès 1524, Zwingli redirige la dîme, un impôt destiné à l’Église catholique, vers les hôpitaux, les pauvres, l’école de théologie et le salaire des pasteurs. Puis les cloîtres sont fermés, la messe est abolie et remplacée par la sainte cène. Celle-ci prend la forme qu’Ulrich Zwingli envisage depuis quelque temps déjà; en effet, pour lui, pain et vin sont des symboles du corps et du sang de Jésus. Selon lui, lorsque Jésus partage le dernier repas avec ses disciples, il leur dit: «Ceci est (signifie) mon corps, mon sang.» Il donne aussi le rythme auquel est célébrée la cène: 4 fois par an, à Pâques, à Pentecôte, à Noël et un dimanche durant l’automne.
Le sujet de la sainte cène est même l’occasion d’une rencontre et d’une discussion avec Martin Luther, en 1529, au colloque de Marburg. Au terme de trois jours de débat, les deux hommes repartiront sans avoir réussi à se mettre d’accord sur la présence — ou non — du Christ dans le pain et dans le vin.
Ulrich Zwingli est très vite confronté à des conflits internes au mouvement réformé, en particulier avec les anabaptistes. Dès 1523, ceux-ci sont apparus en Allemagne, avec à leur tête Thomas Münzer. Rejetant toute forme de pouvoir, ils se trouvent très vite en porte-à-faux avec les autorités en place. La guerre des paysans éclate, faisant des milliers de morts.
Les survivants se dispersent, répandant leurs idées au-delà des frontières. Thomas Münzer, avant d’être emprisonné, avait eu l’occasion de rencontrer deux Zurichois, Grebel et Mantz. Ceux-ci, de tendance extrémiste, avaient un contentieux avec Zwingli. Ils décident de mettre en place une communauté anabaptiste à Zurich et refusent le baptême des enfants. Ils vont jusqu’à casser un baptistère! Suivant les arguments d’Ulrich Zwingli, le Conseil de Zurich leur ordonne de baptiser les enfants ou de partir; la plupart des membres de cette communauté choisissent la deuxième solution et migrent vers Berne ou le Jura. Certains résistent toutefois et Grebel, Mantz et Blaurock sont emprisonnés. La disparition des meneurs décourage ceux qui sont restés et le mouvement disparaît de lui-même.
Dès ses débuts dans le ministère, Ulrich Zwingli a été rattaché à l’armée des soldats suisses embauchés par les princes européens. Il est présent à Novarre, en 1513 et à Marignan en 1515. Le carnage est tel lors de ces deux batailles qu’il décide de lutter contre le mercenariat, source de grands profits, mais de grandes pertes humaines pour la Confédération. Jusqu’au bout de sa vie, il dira que rien ne peut justifier la guerre.
On le retrouve aussi auprès des contingents zurichois lors des deux batailles de Kappel, en 1529 et 1531. En effet, à deux reprises, les cantons restés catholiques (Schwytz, Unterwald, Lucerne, Uri et Zug) tentent de bloquer l’expansion de la Réforme en Suisse. La première tentative n’aboutit pas, car les soldats des deux côtés sympathisent et refusent de tuer des compatriotes. Un nouveau conflit apparaît entre Zurich et les cantons catholiques autour de l’appartenance religieuse du Toggenburg, région acquise à la Réforme, mais sous tutelle catholique. La querelle débouche sur une bataille, à Kappel, en octobre 1531. Les protestants, mal préparés, perdent et de nombreux soldats sont tués de leur côté. C’est au cours de cette bataille qu’Ulrich Zwingli perd la vie, à 47 ans.
La bataille de Kappel mettra fin à l’essor de la Réforme en Suisse, de manière brutale. Après la signature du traité qui fige la carte religieuse de la Confédération, un certain nombre de mesures sont prises pour canaliser l’énergie protestante. À Zurich, par exemple, les pasteurs sont priés de ne plus se mêler de politique.
Dans ce même canton, c’est Heinrich Bullinger qui succède à Ulrich Zwingli pour continuer à réformer l’Église. De tempérament calme et posé, il arrive à détendre l’atmosphère vis-à-vis des autorités de la ville et du canton. En signant avec Théodore de Bèze la confession de foi postérieure, en 1566, il obtiendra une reconnaissance du travail effectué par Ulrich Zwingli. Ainsi, celui-ci fait désormais officiellement partie des grands noms de la Réforme.