CH: Une chaire universitaire se consacrera aux mutilations génitales féminines (MGF)

CH: Une chaire universitaire se consacrera aux mutilations génitales féminines (MGF)

Plus de 125 millions de femmes vivent avec des séquelles de mutilations génitales. L’organisation l’Alliance globale contre les MGF va créer une chaire universitaire dédiée à cette problématique. Elle ouvrira probablement ses portes dans une université suisse en 2014.

«Nous ne sommes pas là pour juger les pays et les ethnies qui emploient ces pratiques, mais pour y mettre fin», explique Elisabeth Wilson, co-fondatrice et directrice de la communication de l’Alliance globale contre les MGF. Actuellement, entre trois à quatre millions de jeunes filles subissent l’excision chaque année.

«Nous manquons de données précises à l’échelle mondiale», déplore Holger Postulart, le co-fondateur et directeur exécutif de l’Association. «Une chaire universitaire est en préparation pour approfondir les recherches sur ce sujet». Elle sera probablement créée en Suisse, en 2014, et se posera comme la première chaire universitaire mondiale entièrement dédiée aux MGF. Actuellement, il existe quelques centres de recherches sur cette problématique, notamment à Barcelone et à l’Université de Gent en Belgique.

«Il ne s’agit plus de regarder uniquement vers l’Afrique. En Indonésie, en Inde, en Malaisie et en Colombie, ces mutilations sont pratiquées», explique Holger Postulart. De plus, avec l’immigration, les pays européens sont aussi concernés par la question.

Au moins 29 pays d’Afrique

Néanmoins, l’Afrique est le continent le plus touché. Bien que les Nations Unies aient voté une résolution bannissant mondialement ces traditions violentes et néfastes, le 20 décembre 2012, au moins 29 pays africains continuent de les pratiquer. La Somalie, où 98% des femmes subissent ces mutilations génitales, prend la tête du classement, suivie par la Guinée avec 96%, le Djibouti avec 93% et l’Egypte avec 91%, présente le dernier rapport de l’UNICEF de juillet dernier. La plupart des filles qui endurent ces pratiques ont entre quatre et quinze ans.

Pourtant parmi ces 29 pays, l’excision est illégale dans 25 d’entre eux. «La pratique est tellement enracinée dans la tradition que les gens contournent la loi». Certaines personnes n’hésitent pas à aller dans un pays voisin où la pratique est encore légale. Mais dans la plupart des cas, «ces mutilations deviennent clandestines et sont pratiquées sur les bébés, car c’est plus discret que sur des filles de 10 ans», observe le co-fondateur de l’Alliance globale.

En Egypte, 91% des femmes sont excisées

En Egypte où 91% des femmes sont excisées, la situation est un peu différente. Contrairement aux autres pays d’Afrique, le 77% des interventions ont lieu dans des hôpitaux et sont pratiquées par des médecins. «Les normes sociales jouent un rôle très important et cela a une valeur suffisamment forte pour que les médecins soient d’accord de pratiquer ces opérations malgré le fait qu'elles produisent des dommages».

L’Organisation mondiale de la Santé lutte particulièrement contre cette médicalisation des MGF car bien qu’elle limite les conséquences à court terme comme les infections et les hémorragies, elle n’évite pas les conséquences à moyen et long terme, telles que, par exemple, des problèmes menstruels, des fistules obstétricales, des rapports sexuels douloureux, une infertilité et des traumatismes psychologiques.

Les causes des MGF

«Les causes de ces pratiques sont diverses», souligne Holger Postulart. «On les associe souvent à l’Islam mais c’est une erreur». Le Coran ne demande pas l’excision. «Par contre, avec le temps, cette pratique s’est installée dans plusieurs communautés musulmanes et on croit que la pratique est directement liée à l’Islam». Pourtant, ces traditions sont anté-islamiques et anté-christiques. Lors de fouilles archéologiques en Egypte, des traces de mutilations génitales ont été retrouvées sur des momies.

Actuellement, les mutilations sont pratiquées chez différents groupes religieux, comme les animistes, les chrétiens, les musulmans et d’autres encore. Elles font parties de la tradition et des normes sociales. «On ne peut pas pointer du doigt nécessairement un peuple ou une civilisation», ajoute Elisabeth Wilson. En Arabie Saoudite, le berceau de l’Islam, les femmes ne subissent pas l’excision.

Une pratique ancrée dans les traditions

Dans la plupart des ethnies africaines, l’excision est considérée comme «un rite de passage et constitue une condition pour le mariage». Cette pratique persiste aussi à cause de certaines croyances telles que si l’homme touche le clitoris de la femme pendant l’acte sexuel, il pourrait attraper des maladies. Ou encore, «le bébé pourrait mourir s’il touche le clitoris à l’accouchement», relate Holger Postulart.

Ces traditions existent en Afrique dans une culture qui est proche des traditions et font partie des normes culturelles. «Pour trouver un mari ou parler avec des femmes plus âgées, une fille doit être excisée. C’est une condition pour faire partie de la société». En Egypte, les superstitions sont moins présentes que dans les autres pays africains mais les filles doivent aussi être excisées pour pouvoir se marier.

Si les données concernant le continent africains sont assez précises, elles sont presque inexistantes pour le reste du monde, notamment en Indonésie où le phénomène est très présent. «La future chaire universitaire nous permettra de récolter des données concernant l'Asie également», ajoute Holger Postulart.

Changer les mentalités

«De tout temps, le corps de la femme a été assujetti à toutes sortes de violences et toutes les parties du corps ont été touchées. Une partie hautement symbolique, comme le clitoris, allait forcément y passer aussi», constate Elisabeth Wilson. «Il faut énormément de temps pour changer les mentalités. Et ce n’est certainement pas en ayant une approche accusatrice qui juge des cultures très anciennes qu’on va y arriver», ajoute la co-fondatrice de l’Alliance globale.

Pendant longtemps, l’excision a été considérée comme un problème de femmes, pratiquée par des femmes sur des fillettes. Pourtant, cette problématique concerne toute la population. Dans les sociétés patriarcales, la plupart des décisions sont prises par des hommes. «Dès le moment que l’homme arrêtera de vouloir épouser uniquement une fille qui a subi la tradition, cette pratique pourra s’arrêter», souligne Holger Postulart.


L’excision en Europe et aux Etats-Unis

Jusqu’en dans les années 1950, l’excision a été pratiquée dans des hôpitaux psychiatriques en Angleterre et aux Etats-Unis pour soigner essentiellement des cas d’hystérie. «L’oppression d’un désir sexuel était une des principales raisons de la pratique de ce traitement dans les pays européens et aux Etats-Unis». L’excision du clitoris servait surtout à empêcher les femmes de se masturber.


L’Alliance globale contre les mutilations génitales féminines

L’Alliance globale contre les MGF, une initiative canado-allemande, est une association à but non-lucratif, œuvrant à Genève. Elle a été créée en 2010 à Ornex en France. Cette association lutte pour l’abolition des mutilations génitales féminines à travers le monde. Elle souhaite agir comme une organisation carrefour pour les petites ONG sur le terrain, en collaboration avec les Agences des Nations Unies, la société civile, le secteur privé et les donateurs.

Ses actions se situent au niveau de la communication et de l’éducation. Ses campagnes de sensibilisation utilisent la culture, la musique et les arts, ce qui lui a valu rapidement le soutien de la Commission suisse pour ll’Unesco. L’Association développe aussi des programmes éducatifs dont le projet d’une chaire universitaire dédiée aux MGF.

Parmi ses principaux projets, un portail informatique sur les MGF sera prochainement sur la toile. Il regroupera toutes les informations disponibles sur les MGF: un accès à une base de données avec les études qui ont été faites, des statistiques, la littérature sur le sujet et surtout une cartographie des ONG et leurs projets.

«Pour la première fois on va savoir combien d’ONG travaillent sur ce sujet, ce qu’elles font, quels sont leurs résultats et quels sont les projets futurs», explique Holger Postulart. Les personnes qui travaillent dans ce domaine pourront aussi ajouter des informations en ligne et les donateurs auront la possibilité de suivre les projets qu’ils soutiennent. «Il n’existe rien de tel actuellement».
Cartographie des pays concernés, en Afrique


Lien sur la carte complète, issue de l'enquête de l'Unicef de juillet 2012.