Le rite pour partenaires enregistrés de l’Eglise vaudoise ne déchaîne pas les passions
photo: Samir Luther (CC by-sa)
par Joël Burri
«La procédure ne prévoit pas de validation au niveau cantonal, par contre les ministres sont censés annoncer, à un moment donné, les demandes reçues. Aujourd’hui, nous savons que deux célébrations pour partenaires enregistrés sont en cours de préparation», relève Paolo Mariani, responsable de l'Office information et communication de l’EERV. «Par contre, pour l’instant, je suis presque sûr qu’aucune célébration n’a déjà eu lieu, nous l’aurions tout de même su.»
Mais Paolo Mariani reconnaît aussi que ce faible engouement n’est pas une surprise. «Durant les débats, nous avons toujours dit que cela ne concernerait qu’une poignée de cas par année. Quand on voit le désintérêt pour le mariage dans notre société, nous ne nous attendions pas à une explosion des demandes de la population homosexuelle.» Malgré tout, cela était nécessaire: «du point de vue des autorités ecclésiales, il fallait le faire. Elles avaient reçu le mandat du synode de mener cette réflexion en 2008. Le Conseil synodal savait qu’il empoignait un dossier sensible, qui allait provoquer des remous et des réactions, pour mettre en place quelque chose de confidentiel.»
Le lourd passif des EglisesPour Jean-Paul Guisan, théologien et président d’honneur de l’association genevoise «chrétiens + homosexuels», la question de la «demande» pour un tel rite est à séparer de la question de la nécessité théologique de le faire. «Au moment où les églises, les réformés en particulier, réfléchissaient à l’ordination, respectivement à la consécration de femmes, il n’y avait certainement pas une demande qui d’un strict point de vue numérique justifiait cette démarche», donne-t-il en exemple.
«Indépendamment du nombre de demandes, les homosexuels représentent en Suisse une minorité probablement équivalente au nombre de paysans en Suisse (environ 4%). Les Eglises ne peuvent pas être indifférentes à cette population.» Jean-Paul Guisan note également que la création de ce rite «permet simplement de rattraper le lourd passif que les Eglises ont, en matière d’homophobie.»
La question de l’alliance n’est pas clairement tranchéeFin janvier, le Conseil synodal a adopté une série de recommandations concernant la célébration pour les partenaires enregistrés. Ce texte censé guider les ministres dans l’application du rite nouvellement créé donne, en fait, bien peu de réponses.
Ainsi, alors que le texte adopté par le synode précise que «le ministre chargé de la célébration veillera à pondérer les éléments symboliques de manière à éviter la confusion avec une bénédiction de mariage», le Conseil synodal dans sa recommandation déclare simplement que «le ministre fait montre de sagesse et de créativité en vue de proposer aux partenaires enregistrés des éléments symboliques spécifiques. Le Synode n’a pas voulu en établir une liste; il a en revanche clairement demandé que soit évitée l’accumulation dans une même célébration de signes qui pourraient évoquer trop clairement le mariage et créer de la confusion.» Les officiants sont donc laissés seuls quant à la question d’autoriser ou non un échange d’alliances. «Nous avions envie d’échanger des anneaux lors d’une fête où nous avions invité nos amis pour célébrer notre partenariat», relate Jean-Paul Guisan. Bien que l’Eglise protestante de Genève n’offre pas de rite similaire, le couple avait intégré une dimension spirituelle à la célébration de leur union en invitant un pasteur à dire quelques mots et en témoignant eux-mêmes de leur foi. «Mais l’échange d’anneaux n’a pas eu lieu à ce moment-là. Lorsque nous avons essayé nos alliances chez le bijoutier qui nous les avait créées, nous n’avions plus envie de les retirer.»
Les réticences disparaîtrontJean-Paul Guisan comprend toutefois la volonté de ne pas choquer les fidèles que les autorités ecclésiales vaudoises mettent en avant. «J’ai assisté à l’union d’un couple d’amis en 2007 dans une église bernoise. Cette cérémonie était géniale: les gens du village étaient là, la fanfare locale attendait à la sortie. C’était un vrai mariage réformé. Je comprends que des personnes aient des questions et des inquiétudes concernant ce nouveau rite, mais si elles avaient pu assister à cette célébration, elles auraient vu combien tout cela allait de soi. Je suis sûr que les réticences de beaucoup disparaîtront quand les fidèles auront pu assister à de telles célébrations.»
Cet article a été publié dans:Le quotidien fribourgeois La Liberté dans son édition du 19 février.
Le quotidien genevois Le Courrier dans son édition du 19 février.
Le quotidien vaudois 24 heures dans son édition du 19 février.