Pro-gay, l’Eglise épiscopalienne des Etats-Unis est suspendue de la Communion anglicane

Pro-gay, l’Eglise épiscopalienne des Etats-Unis est suspendue de la Communion anglicane

Après une semaine de rencontre, les primats de la communion anglicane évitent le schisme sur la question du mariage homosexuel. Mais jugée trop éloignée de la ligne générale de la communion, la principale Eglise anglicane des Etats-Unis est privée de droits pour trois ans.

Photo: L’archevêque Justin Welby est allé discuter avec les manifestants défendant la cause des Africains gays autour de la Cathédrale de Canterbury. ©RNS/REUTERS/Toby Melville.

, Cantrbury, RNS/Protestinter

A l’issue de quatre jours de débat enflammés, les responsables mondiaux de la Communion anglicane ont voulu donner une image d’unité malgré la décision prise durant cette rencontre d’exclure l’Eglise épiscopalienne des Etats-Unis des décisions clés du mouvement. Cette mesure est une réponse à l’acceptation par la province américaine du mariage homosexuel. Justin Welby, l’archevêque de Canterbury, chef suprême du corps anglican, insistait vendredi 15 janvier en conférence de presse, que l’Eglise avait choisi de rester unie, mais des divergences internes. «La décision de continuer à marcher ensemble a été unanime», a déclaré Justin Welby ajoutant que la rencontre des responsables d’une Eglise de 85 millions de membres dans 165 pays et 38 provinces donnait obligatoirement «un message confus.»

La communion anglicane est la troisième plus grande dénomination chrétienne après le catholicisme romain et l’Orthodoxie.

Justin Welby a minimisé la décision qui avait fuité un jour avant de suspendre l’Eglise épiscopalienne américaine des prises de décisions sur les sujets de gouvernance et de principes pour une période de trois ans. Il a déclaré que «cela a été sorti de son contexte et très fortement interprété» comme une sanction de la province américaine. «Nous n’avons pas le pouvoir de sanctionner qui que ce soit», a-t-il ajouté. «Nous avons simplement dit que si une province est hors des habitudes de l’Eglise sur une question majeure, cela a des conséquences sur sa participation complète à la Communion anglicane.» Il a insisté «ce n’est pas une sanction, c’est une conséquence.»

Justin Welby a déclaré qu’il voulait «prendre l’opportunité qui lui était donnée de dire combien il est désolé de la peine que l’Eglise a causée» aux personnes qui ont souffert en raison de leur sexualité. Mais il a souligné que la crainte de la majorité des anglicans à travers le monde est «la violence à laquelle eux et leur famille sont confrontés quotidiennement», en raison de conflits armés et d’extrémisme militant.

Ne pas se mêler du débat moral africain

Lors de la conférence de presse, Justin Welby était accompagné de plusieurs ministres d’Eglises membres, dont l’évêque Josiah Idowu-Fearon, secrétaire général de la Communion anglicane. Ce dernier a déclaré que les Eglises occidentales ne devraient pas se mêler du débat moral africain. «L’Ouest devrait laisser les Africains avec leurs différentes cultures. Nous savons comment vivre ensemble avec nos différences», a-t-il déclaré ajoutant que les Eglises en Afrique ont «toujours fait place pour de l’aide pastoral et de l’intérêt pour ceux qui ont une orientation sexuelle différente.»

A l’extérieure de la cathédrale de Canterbury, quartier général de la dénomination, de nombreux Africains chantaient des chants de protestation et des slogans appelant à la fin des l’homophobie et des violences faites aux gays. Un Nigérien, prénommé Chijioke, a déclaré que les responsables religieux du continent feraient mieux de concentrer leurs efforts sur des sujets tels que la pauvreté et les mauvais gouvernements plutôt que d’être obsédés par des questions d’orientation sexuelle. «Ils nous font nous sentir n’être personne. Ce n’est pas ce qu’une Eglise devrait faire. Dieu nous a tous créés» a-t-il déclaré à l’agence Reuters sur le parvis de la cathédrale.

Déception des défenseurs de la cause homosexuelle

Dans une déclaration vidéo depuis Canterbury, Michael Curry, le primat de l’Eglise épiscopalienne, reconnaît que ce n’est pas «la décision à laquelle ils s’attentaient». «Il y aura du chagrin et de la douleur pour beaucoup», a-t-il déclaré. «Mais il est important de se rappeler que nous faisons toujours partie de la Communion anglicane. Nous sommes l’Eglise épiscopalienne, nous sommes part du mouvement de Jésus, et ce mouvement continue».

Sur les ondes de la quatrième chaîne de la radio de la BBC, l’archevêque de Buckingham, Alan Wilson a exprimé ses regrets quant à la mise de côté des chrétiens LGBT. Il était l’un des 107 responsables anglicans qui signaient une lettre, envoyée la semaine passée à Justin Welby, lui demandant que les anglicans se repentent de la façon dont les gays ont été traités par l’Eglise. Alan Wilson a expliqué que le message était «Souvenez-vous des personnes qui vivent cela. Pas les politiciens ecclésiaux, pas les évêques réunis à Canterbury, mais les personnes LGBT tout autour du monde qui expérimentent la discrimination, l’injustice, la haine et la violence.»

La suspension de l’Eglise épiscopalienne a d’abord été annoncée par Anglican Ink, une publication basée dans le Connecticut qui déclare que sa source est une fuite lui ayant donné accès à projet de communiqué. Le vote a été obtenu à la majorité des deux tiers, selon cette publication. Cela comprenait des voix importantes parmi les évêques africains qui ont lourdement condamné l’Eglise américaine pour ses positions libérales concernant les gays.

Une suite de différends

Cette rétrogradation spectaculaire fait suite à une série de décisions spectaculaire de l’Eglise épiscopalienne remontant à 2003, quand Gene Robinson, un homme ouvertement gay, a été nommé évêque du New Hampshire. Cette décision avait poussé une douzaine d’Eglises des Etats-Unis à quitter l’Eglise épiscopalienne et à s’affilier à des mouvements concurrents tels que l’Eglise anglicane d’Amérique du Nord.

En juillet, l’Eglise épiscopalienne a voté pour autoriser son clergé à procéder à des mariages de couples de même sexe, une possibilité qui n’est pas offerte dans la majorité des Eglises de la Communion anglicane. «Compte tenu de la gravité de ces questions, nous reconnaissons formellement la distance prise par l’Eglise épiscopalienne et pour une période de trois ans cette Eglise ne nous représentera plus dans les activités œcuméniques et interreligieuses», peut-on lire dans une prise de position de la Communion anglicane. «Ils ne prendront pas part aux décisions concernant la doctrine ou la conduite d’Eglise.

Une Eglise influente

L’Eglise épiscopalienne, prédominante dans les treize colonies britanniques qui donnèrent naissance aux USA, garde une influence disproportionnée aux Etats-Unis. Son influence sur la scène politique américaine dépasse largement les 1,8 million de membres américains qui se retrouvent aujourd’hui sans voix dans les décisions de la Communion anglicane.

La période de trois ans correspond au temps nécessaire jusqu’à la prochaine réunion plénière de l’Eglise épiscopalienne, où un vote de réponse aura lieu. D’autres entités de l’Eglise pourraient répondre avant. La décision de suspension a été prise après 4 jours de discussions entre responsables d’Eglises —ou “primats” en vocabulaire ecclésial — au sujet de la position de l’Eglise épiscopalienne sur le mariage gay en lien avec la position plus largement admise dans la Communion anglicane.

Les réunions ont apparemment été agitées. Des médias d’Eglise britannique ont rapporté que l’archevêque d’Ouganda, une Eglise parmi les plus conservatrices de l’anglicanisme, aurait quitté la rencontre en désaccord. L’évêque Ian Douglas de l’Eglise épiscopalienne au Connecticut s’est demandé si les primats anglicans souhaitaient que l’Eglise épiscopalienne se repente de sa position sur le mariage homosexuel “ou ont-il demandé des excuses pour comment les autorités e l’Eglise ont ouvert tous les rôles et rites, mariage inclus, aux épiscopaliens lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres?”

Vers une rupture?

Kevin Eckstrom, porte-paroles responsable de la cathédrale nationale de Washington, siège de présidence épiscopalienne nouvellement élue, a déclaré que cette suspension sera accueillie avec tristesses dans l’Eglise épiscopalienne qui a été sur des voies parrallèles avec la communion anglicane depuis un moment déjà.» Il ajoute «un peu comme un couple qui aurait des problèmes conjugaux, nous dormons dans des chambres séparées. Peut-être que maintenant ils vont décider des formaliser la séparation.»

Michael Curry a déclaré à l’agence de presse épiscopalienne que cette sanction sera douloureuse pour beaucoup de fidèles. «Beaucoup parmi nous se sont engagés pour faire de nos Eglises une “maison de prière pour tous”, comme le dit la Bible, où tous sont réellement bienvenus.»

Les responsables de la Communion auraient également souhaité censurer l’Eglise anglicane du Canada, mais comme elle n’a pas encore adopté le mariage homosexuel, aucune action n’a été prise.

Justin Welby a annoncé que les primats ont convenu d’organiser la prochaine Conférence de Lambeth en 2020. La dernière avait eu lieu en 2008. La question gay avait été au centre de cette rencontre alors que Rowan Williams était archevêque de Canterbury.