Laurence Cretegny: la paysanne consacrera son labeur à Dieu
Elle cherchait un nouveau défi. Attablée sur la jolie terrasse de sa maison, au milieu de son Denens natal, Laurence Cretegny nous avoue qu’avant de se lancer dans sa prochaine aventure professionnelle, elle avait prié Dieu pour qu’il mette sur son chemin une opportunité stimulante. «Très peu de temps après, des personnes sont venues me chercher, en me proposant de poser ma candidature au Conseil synodal.» Quelques semaines plus tard, elle est élue. Le 29 juin dernier, la députée PLR au Grand Conseil, ancienne présidente de ce dernier et agricultrice Laurence Cretegny, 57 ans, devient l’une des sept membres de l’Exécutif de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud (EERV), où a été réélu, à la même date, un camarade de parti, l’ancien conseiller d’État Philippe Leuba.
Pionnière vaudoise de l’agritourisme, Laurence Cretegny a développé la «Ferme-aux-Cretegny», à Bussy pendant plus de trente ans, notamment avec son mari dont elle s’est séparée depuis quelques années. Réinstallée à Chardonney, l’exploitation aujourd’hui gérée avec deux de ses enfants et son beau-fils comprend des grandes cultures, des animaux. Elle propose des brunchs et des animations pour les enfants et les jeunes. Ce sont ces activités que Laurence Cretegny a été l’une des premières à développer sur le canton, recevant notamment des classes, souvent lausannoises, afin de «sensibiliser les jeunes au travail agricole, et abattre un peu les clivages entre ville et campagne».
Sa grande chienne, l’affectueuse «Ficelle», lui passe entre les jambes, réclamant quelques caresses. Un instant tendre qui nous fait oser une question vache. Bientôt responsable du département Santé et solidarité et des «lieux-phares» de l’EERV, Laurence Cretegny, agricultrice et politicienne, ne fait-elle pas figure de complète «outsideuse» pour ce nouveau poste? «Pas du tout», répond-elle avec le sourire. Car - on le sait peu - Laurence Cretegny a fait partie du Conseil de la paroisse Pied du Jura pendant trois ans. Elle y est d’ailleurs entrée d’une façon assez inattendue, arrivée en dernière minute lors d’une séance de présentation des nouveaux candidats, qui n’étaient pas assez nombreux, elle a tout de suite accepté de rejoindre l’équipe: «Concernée par la vie locale, elle s’est montrée disponible et toujours prête à trouver des solutions collégiales, se rappelle son ancienne présidente Julie de Montvallon. C’est une femme de cœur, de liens et de foi.»
L’enthousiasme de Julie de Montvallon pour la personne de Laurence Cretegny rappelle notamment les récents plébiscites qu’elle a rencontrés dans les urnes, sauf lorsque, par deux fois, elle s’est présentée au Conseil national. «Pour l’instant, lors de ces campagnes, on m’a cantonnée à des listes secondaires qui ne me permettaient pas d’être élue.» Pour autant, en 2022, elle réalise le meilleur résultat du canton en se représentant au Grand Conseil, où elle est entrée pour la première fois en 2012. Un vrai petit triomphe qui s’explique peut-être par le fait qu’elle a sillonné à plusieurs reprises son district lors de ses campagnes, accompagnée des ânes ou des chevaux de sa ferme, nouant ainsi des contacts. «Ce n’est pas parce que je suis libérale-radicale que je ne suis pas sociale!»
Justement, qu’est-ce qui fait de Laurence Cretegny une PLR, c’est-à-dire une femme issue de la «droite du centre»? «Si j’aime le social, je suis contre la politique de la pomme d’arrosoir.»
Elle s’explique, filant la métaphore agricole: «Je pense qu’il ne faut arroser que les plantes qui en ont besoin.» Et quid des 33 millions de subventions publiques versées à l’EERV pour ces cinq prochaines années, alors que tant de gens ne vont plus à l’Église? Laurence Cretegny rappelle alors que «l’EERV œuvre pour l’ensemble de la société, notamment grâce au travail essentiel des aumôniers dans les prisons, les EMS ou les hôpitaux».
Et sa foi personnelle, alors? Peut-elle être d’un quelconque secours dans les moments compliqués de la vie, à l’instar de la tempête médiatique et politique qu’elle a vécue en 2021, lorsqu’elle rend hommage au chancelier Vincent Grandjean pour son départ en retraite? Citant «Tintin au Congo» depuis son siège de présidente en imitant l’accent d’un personnage congolais dessiné par Hergé. Une maladresse jugée raciste par une partie du spectre politique. «Je ne sais pas comment j’aurais survécu sans le Seigneur.»
Remise depuis, elle y identifie aujourd’hui une «manœuvre politique». Selon elle, une partie de la gauche souhaitait la «dégommer». Mais Laurence Cretegny a tenu bon. «Elle est courageuse. Elle ne lâche pas. Et surtout pas les autres», nous confie encore Antoine Sauty, président du comité de la Fête des épouvantails de Denens, qui l’a choisie pour marraine de cette association où petits et grands s’attellent à la création d’un épouvantail original. La bienveillance des paroles de ce vigneron à l’endroit de l’agricultrice en dit long sur sa confiance, malgré cet incident.
Présidente du TCS Vaud depuis juin, «une occupation à 10%» qu’elle conservera, Laurence Cretegny se voit toutefois contrainte de quitter son emploi de vendeuse et de préparatrice des commandes à la Fromagerie Kämpf, pour laquelle elle travaillait depuis deux ans, entre Bière et Cottens. «Ils font une fondue absolument délicieuse», s’amuse-t-elle, s’avouant alors triste de quitter cette équipe «jeune et motivée». En effet, Laurence Cretegny avait eu de la peine à trouver ce job. «Quand on a présidé le Grand Conseil, il n’y a rien à faire: on impressionne un petit peu.»