Pierre-Philippe Blaser, engagé pour la vérité
Son goût pour les histoires bibliques, Pierre-Philippe Blaser le doit indéniablement à sa maman. En effet, au cœur du couple parental, la religion est un vrai terrain de discordances. Petit dernier d’une fratrie de trois garçons – «j’ai 10 ans de différence avec mes frères, je suis le post-scriptum» –, le jeune Neuchâtelois grandit à Peseux entre
une mère «engagée dans l’Eglise protestante, organiste et monitrice de catéchisme» et un père «enseignant, souvent critique à l’endroit du christianisme».
Très jeune, celui qui deviendra pasteur avant de devenir l’actuel président de l’Eglise réformée du canton de Fribourg ainsi que vice-président l’Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS) apprend l’échange contradictoire, le débat d’idées. Il en fait son terrain de jeu préféré, notamment avec ses camarades de l’Ecole d’arts appliqués de La Chaux-de-fonds, où il suit une formation en gravure sur métaux.
«A l’adolescence, j’ai un peu décroché scolairement», confie-t-il. «J’étais en opposition vis-à-vis de mon paternel qui pensait bien faire en se montrant autoritaire.» Passionné par le dessin et la bande dessinée, qui ont rempli son enfance vécue «un peu seul», c’est donc tout naturellement qu’il se dirige dans cette direction. S’il devait choisir une série en particulier, il opte sans hésiter pour «Achille Talon». «Parce qu’il est extrêmement maladroit, hyper intellectuel ainsi qu’en perpétuel décalage avec le monde qui l’entoure. J’adore cet anti-héros qui apporte du contraste!»
Pierre-Philippe Blaser se révèle également adepte de la caricature et du dessin de presse – «cette autre manière de présenter le monde et d’aborder la vérité, tout en annonçant la couleur. Contrairement à la caricature non déclarée qui sévit si souvent dans la désinformation».
A force de débattre philosophie et spiritualité, le jeune homme réalise qu’il ne peut s’arrêter là. C’est alors qu’avec sa future femme – «rencontrée dans les groupes de jeunes du Val-de-Travers» – ils forment le projet de partir en Belgique étudier la théologie. De belles années, marquées par les rencontres multiculturelles («notamment avec les étudiants d’Afrique») et «l’autodérison des Belges».
Au retour, avec sa femme Florence, ils décident de former un couple pastoral dans la même paroisse. «On ne voulait pas vivre dans des temporalités différentes et ne faire que nous croiser au petit-déjeuner», explique-t-il. Ils s’occuperont alors ensemble pendant sept ans de la paroisse de Châtel-Saint-Denis, puis pendant une décennie à Môtier-Vully. Une organisation familiale, avec leurs deux enfants, qui avait «ses bons et mauvais côtés, même si cela est devenu un peu lourd pour eux.»
Animé par le sens des responsabilités, le pasteur s’est vu petit à petit happé par le versant institutionnel de l’Eglise. S’il n’aurait jamais imaginé un tel parcours, il lui apparaît «nécessaire de s’engager aussi dans les questions structurelles».
Au niveau cantonal, il sera notamment reçu, ce 1er mai, par la conseillère d’Etat fribourgeoise en charge de la Formation pour évoquer la question de l’enseignement confessionnel au sein de l’école obligatoire. Sur le plan national, c’est le Synode de l’EERS des 9-11 juin et le débat autour d’une potentielle enquête sur les abus commis en milieu réformé, qui concentre toutes les attentions. «Notre rôle, dans la faîtière nationale ,est aussi de donner des impulsions et de coordonner certaines actions», présente-t-il. Une prise de position a dans ce sens été communiquée, ce 26 avril, aux délégués des différentes Eglises cantonales. «Nous les invitons à voter en faveur de notre proposition concrète d’une étude qui serait confiée à l’Université de Lucerne et qui va au-delà de l’enregistrement quantitatif.»
Pour le vice-président, cette étude est nécessaire pour deux raisons. «Il faut que les personnes concernées puissent être entendues de manière digne, c’est la priorité», affirme-t-il. «Par ailleurs, nous avons besoin de connaître précisément les mécanismes et constellations à risque pour que notre prévention soit sans failles.»
S’il ne saurait prédire le résultat de ce scrutin, Pierre-Philippe Blaser constate que les dossiers concernant les relations humaines sont toujours les plus lourds à porter: «On n’a pas le droit de se tromper.» Pour autant, la réflexion ne doit pas être prétexte à l’inaction. Des histoires bibliques qui l’accompagnent depuis son enfance, le ministre se souvient avoir été marqué par la parabole des talents, «qui invite à l’engagement sans calcul». Pas étonnant dès lors de retrouver, au cœur de ses combats au sein de l’institution réformée, la question écologique.
«Je crois qu’il y a quelque chose de très protestant à s’intéresser aux données scientifiques que présente régulièrement le GIEC. Au milieu de l’amoncellement de communication fait par les industries, il est bon de retourner à la source», explique-t-il. «Nous pouvons être fiers de notre tradition, qui correspond bien à notre époque et son besoin de transparence. Je suis parfois déçu qu’elle ne soit pas transmise avec l’enthousiasme qu’elle mérite.»
En dates
1968 Naissance le 24 février
1989 Se marie avec Florence, avec qui il aura deux enfants, Elisa et Charly
1997 Devient pasteur, après des études de théologie en Belgique
2012 Devient président de l’Eglise évangélique réformée du canton de Fribourg (EERF)
2019 Entre au Conseil (Exécutif) de l’Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS)