Fribourg: les minorités religieuses proches d’acquérir de nouveaux droits
Débattue au Grand Conseil fribourgeois ce mardi 19 mars, la loi fribourgeoise sur les relations entre Eglises et Etat (LEE) s’apprête à changer de nom. Et pour cause: cette nouvelle mouture vise précisément à s’ouvrir à d’autres communautés religieuses. En effet, actuellement ne sont reconnues dans ce canton que les Eglises catholique et réformée ainsi que la communauté israélite.
«Il n'y a pas d'enjeu fondamental pour les catholiques et protestants. Ce projet de loi concerne surtout les conditions d'octroi des prérogatives de droit public aux autres communautés religieuses», explique Jean-Baptiste Henry de Diesbach, président du conseil d'administration du Diocèse de Lausanne Genève et Fribourg, qui a participé au groupe de travail conjoint avec les représentants du monde politique fribourgeois.
Pierre-Philippe Blaser, président de l’Eglise évangélique réformée du canton (EERF) qui a également participé à la réflexion préliminaire, rappelle que «l’idée est de permettre l’accès des minorités religieuses à certaines prérogatives (comme l’accès aux services d’aumônerie ou l’exonération fiscale, ndlr.), plutôt que de viser la reconnaissance pleine et entière, ce qui est une démarche très longue et pas forcément souhaitée par bon nombre de minorités.»
Dès le début de la séance, les tensions se sont fait sentir entre les deux pôles de l’échiquier politique, entre les partisans d’une méfiance extrême à l’égard de certaines communautés – pour ne pas les citer – et les défenseurs d'une large ouverture.
Les échanges ont ainsi parfois été violents entre le groupe UDC, qui souhaitait refuser l’entrée en matière, estimant que chaque demande provenant d’une communauté religieuse devrait être examinée par le Grand Conseil, et le groupe des minoritaires, représenté par le socialiste Grégoire Kubski, qui n’a pas manqué d’accuser les porte-voix du groupe UDC de «cibler une communauté en particulier». Et Stéphane Peiry (UDC) de répondre que «les communautés musulmanes sont très revendicatives concernant leurs droits et leurs valeurs parfois incompatibles avec les nôtres».
«En trente ans, aucune communauté religieuse n’a déposé de demandes de prérogatives», a toutefois souligné Regula Hayoz Helfer, députée du groupe VERT.E.S et allié.e.s
Malgré les échanges nourris, le Grand Conseil s’est au final largement rangé derrière la proposition du Conseil d’Etat, acceptant le projet de loi, lors de cette première lecture, avec une seule petite modification. Exit donc les amendements de l’UDC visant à inscrire comme condition l’interdiction de «tout financement direct ou indirect de l’étranger» ou à retirer de la liste des prérogatives l’accès à des locaux scolaires.
Exit également la proposition du groupe de la minorité de maintenir le seuil du nombre de membres requis pour déposer une demande de prérogatives à 100 – le projet de l'exécutif veut l'élever à 1000 en raison de l'évolution démographique du canton (tout en maintenant l'exemption proposée par le Conseil d'Etat pour les communautés présentes dans le canton depuis plus de 30 ans, alors que les deux conditions doivent être remplies selon la loi actuelle.) Refusée également la demande d’inscrire dans la loi une reconnaissance symbolique pour «les communautés confessionnelles qui ne cherchent pas nécessairement à obtenir des prérogatives de droit public au sens strict mais simplement à être reconnues par l'Etat».
L’assemblée a donc choisi de suivre «la voie de la raison», celle du «juste milieu», selon les termes de Didier Castella (PLR), représentant du gouvernement. Une deuxième lecture aura lieu vendredi matin, mais tout semble désormais sur les rails pour l’adaptation de ces conditions d’octroi de prérogatives de droit public à davantage de communautés religieuses ainsi que la création d’une table ronde des religions, baptisée le Conseil cantonal pour les questions religieuses. Il devrait, pour sa part, s’ouvrir même aux communautés non-éligibles dans le cadre de cette loi.
«Cette modification de la loi est importante. Elle représente une ouverture, modeste, mais intéressante, pour les minorités religieuses», exprime encore le président des réformés fribourgeois. Avant de rappeler qu’«être une Eglise ou une communauté religieuse reconnue signifie prendre part à la mission du bien commun. Et donc aussi des devoirs, des travaux administratifs et des personnes disponibles pour représenter l’institution. La reconnaissance, c’est aussi une lourde responsabilité!»