Nouvelle Constitution: les Eglises valaisannes hésitent
Soutenir ou ne pas soutenir le projet de nouvelle Constitution, telle est la question qui taraude les Eglises valaisannes depuis la fin des travaux de la Constituante le 25 avril dernier. Pourtant très actives en amont de la réflexion, notamment avec leur «Contribution des Eglises au travail de la Constituante», les responsables de l’Eglise catholique et de l’Eglise réformée évangélique du Valais (EREV) ont cependant décidé de ne pas se prononcer pour l’heure quant à leur sentiment à l’endroit du texte final.
«Selon nos informations, le vote populaire n’aura lieu qu’au début de l’année 2024. De fait, il nous semble encore trop tôt pour donner un mot d’ordre, comme une consigne de vote», explique Pierre-Yves Maillard, vicaire général du diocèse de Sion. «Actuellement, nous parlons davantage des votations du 18 juin», ajoute-t-il.
Une rencontre de concertation entre les représentants des deux Eglises historiques valaisannes a cependant eu lieu le 1er mai, dans le but précisément de se déterminer sur une prise de position commune. «La majorité du groupe a estimé que c’était mieux de reporter cette communication au mois de septembre, soit après les vacances d’été, au moment où la campagne risque de démarrer concrètement», indique Robert Burri, membre du Conseil synodal (exécutif) de l’EREV.
Une façon de temporiser qui ne manque pas d’interpeller, ce d’autant que des différences d’appréciation sont apparues lors des débats internes à ce groupe de réflexion Eglises-Constitution. A l’occasion du Synode (assemblée législative) de l’EREV, le 29 avril dernier, Robert Burri évoquait, en effet, «trois points plus ou moins problématiques entre les deux Eglises».
«On a pas mal débattu sur la formule de "fin de vie digne librement choisie" (art. 16), qui laisse place à l’intervention d’associations comme Exit et qui nous convenait côté protestant», relate Robert Burri. «Les catholiques souhaitaient quant à eux retirer le terme "librement choisie". Pour eux, c’est un sujet sensible.»
Autre sujet de divergence, l’enseignement religieux et plus particulièrement l’article 27 qui inscrit que «nul ne peut être contraint (…) de suivre un enseignement religieux». Et dans la même idée, la garantie de la «neutralité confessionnelle de l’enseignement» (art. 150).
«Nous n’avons, en effet, pas été suivis sur ces points par la Constituante et nous ne pouvons que le regretter», exprime Pierre-Yves Maillard. «Après, chacun est libre d’agir selon sa conscience par rapport à ça…»
De son côté, Robert Burri précise que ces articles ne font pas non plus l’unanimité au sein de l’Eglise réformée. «On pensait que la question de l’enseignement religieux ne poserait problème qu’aux catholiques, mais on s’est aperçu qu’entre le Bas et le Haut du Valais, c’était deux mondes bien différents», rapporte-t-il. Tandis que le Bas est habitué à travailler dans le cadre d’une école laïque, se contentant d’offrir un enseignement neutre en «éthique et cultures religieuses», «le Haut-Valais est encore dans une optique de préparer aux sacrements, comme la confirmation», détaille cet ancien président de l’EREV.
Il semblerait qu’il y ait un plus grand consensus du côté catholique. L’impression générale apparaîtrait moins clivée géographiquement, du moins sur ces questions: «On ne perçoit pas une grande différence entre le Haut et le Bas-Valais sur ces objets qui concernent directement les Eglises», observe le vicaire.
Pour sa part, Gilles Cavin, actuel président de l’EREV, soulève une autre problématique qui pourrait pousser les paroisses réformées à apprécier différemment le texte. «Le financement des paroisses par l’Etat et non plus par les communes va pas mal chambouler le fonctionnement de nos Eglises», explique-t-il. «Pour l’Eglise cantonale c’est évidemment une bonne chose. Du côté des paroisses, cela va beaucoup dépendre de comment elles s’en sortent aujourd’hui financièrement, notamment de leurs capacités à relever des fonds.»
Autant de points qui rendent toute prise de position officielle complexe. Ce d’autant plus que «si la Constitution donne le cadre, ce sont les lois d’application qui se révéleront souvent déterminantes, notamment quant à la gestion RH ou le patrimoine immobilier», pointe encore Gilles Cavin.
Pour autant, d’un point de vue général, les deux Eglises du Valais se disent globalement satisfaites, «heureuses du bon accueil qui a été réservé à beaucoup de propositions des Eglises dans le cadre de la réflexion de la Constituante», note Pierre-Yves Maillard. «Tel qu’il existe, ce texte permet aux Eglises de vivre et nous en sommes reconnaissants.» Le projet stipule en effet que «l’Etat tient compte de la dimension spirituelle de la personne humaine» (art.195). Il reconnaît en outre les Eglises catholique et réformée et s’engage à leur «assurer les moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs tâches au service de la population».
Lors du Synode de l’EREV, Robert Burri s’est également dit «très reconnaissant» du retrait de l’article qui permettait à tout contribuable valaisan d’être exonéré de l’impôt ecclésiastique «par une procédure simple».
Il n’en reste pas moins que les deux Eglises ne se sont pas encore déterminées sur une prise de position commune. «C’est simplement une question de timing», assure Pierre-Yves Maillard. «On a toujours parlé d’une seule voix et on va continuer ainsi.» Pour le vicaire, «être dans la nuance de certaines phrases et de certaines tournures» nécessite naturellement du temps. Et de pointer que «l’époque où Le Nouvelliste publiait un bulletin de vote pour dire ce qu’il fallait voter est révolue».
De son côté, Robert Burri conclut: «On est globalement satisfaits – et du côté réformé on aurait plutôt tendance à se dire qu’un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. Mais l’est-on suffisamment au point de s’impliquer dans la campagne, au risque de froisser dans nos rangs? La question n’est pas tranchée.» Rendez-vous est pris pour septembre.