Antenne LGBTI: un accueil en forme de mea culpa
«C’est un événement historique», a lâché avec émotion Emmanuel Rolland, secrétaire général adjoint à la mission de l’Eglise protestante de Genève (EPG), chargé d’introduire jeudi 16 mars la demande formulée par l’Antenne LGBTI de bénéficier d’une délégation au sein du Consistoire (organe délibérant). Le but? Lui permettre ainsi de prendre part aux décisions stratégiques de l’EPG.
Obtenant la quasi-totalité des voix en faveur de son accès à une délégation, contre une abstention et aucune voix contre, l’Antenne LGBTI a donc désormais «voix au chapitre», se réjouit Emmanuel Rolland. Et de souligner qu’avec cette décision, «la page de l’exclusion se referme, pour que s’ouvre celle de l’accueil et l’inclusion».
Inaugurée en 2021, l’Antenne LGBTI de Genève, sise dans la paroisse Rive-Droite, tient lieu de «bureau cantonal de l’EPG pour les questions LGBTIQ+» en tant que «plateforme de partage, d’information et de ressources». S’étant donné pour mission de «prévenir l’homophobie, la biphobie et la transphobie», ce ministère cantonal était représenté, lors de cette dernière session du Consistoire, par son responsable et chargé de ministère Adrian Stiefel, ainsi que par sa présidente Erin Lederrey, première aumônière transgenre de l’armée suisse.
Se félicitant de l’accueil par les protestants genevois d’«une des communautés ayant été les plus persécutées par les religions au cours de l’histoire», Emmanuel Rolland a encore exprimé voir dans cette avancée «le signe que l’Eglise bouge, vit et ne va pas toujours vers le pire».
«C’est une grande joie pour nous d’être ainsi accueillis», a déclaré Adrian Stiefel, qui a brièvement retracé l’histoire de l’Antenne LGBTI, partie d’un simple groupe de parole au sein du ministère pionnier du LAB en 2016. «Nous avons rapidement fait face aux besoins d’une population qui ne trouvait pas sa place en Eglise, n’y bénéficiant pas encore d’un cadre safe.» Devenue «un interlocuteur crédible auprès de partenaires institutionnels ecclésiaux et associatifs», comme l’a souligné Erin Lederrey, l’Antenne LGBTI s’occupe aujourd’hui, en plus de l’organisation de soirées de débats, «d’accompagnements individuels et familiaux pour des personnes victimes de discriminations en raison de leur orientation ou de leur genre», a complété Adrian Stiefel. Selon Erin Lederrey, «la foi doit être un support pour de tels parcours de vie».
Malgré le très bon accueil reçu lors de leur présentation, les deux représentants de l’Antenne LGBTI ont eu l’occasion de répondre à quelques questions et inquiétudes formulées par des consistoriaux qui se sont succédé à la tribune. Interpellé sur la possibilité d’une «forme de ghettoïsation» de la communauté LGBTIQ+, Adrian Stiefel a balayé cette hypothèse, rappelant que «de nombreuses personnes pas concernées par ces réalités de vie fréquentent également l’Antenne». Et de rappeler que sa structure met également l’accent sur «l’ouverture au dialogue interreligieux». «Nous avons notamment reçu un imam homosexuel marseillais, le temps d’une rencontre qui a plus que jamais favorisé les connexions entre communautés.»
A propos de l'impact financier de leur structure sur l'EPG, actuellement en grandes difficultés sur ce plan, Erin Lederrey note que «le gain est avant tout celui de l’image». «A la dernière Pride, les gens nous ont remercié, en voyant les logos de l’EPG, d’être une Eglise accueillante, au contraire de toutes les communautés religieuses situées en bordure de cortège, et qui se positionnaient contre le mode de vie LGBTIQ+», raconte-t-elle. Par ailleurs, Adrian Stiefel rappelle que, depuis 2020, l’Antenne LGBTI est partiellement subventionnée par la Ville de Genève. «Un lien d’amitié et de confiance s’est tissé avec la Ville, qui reconnaît notre mission comme étant d’intérêt public.»
Enfin, la consistoriale Elisabeth Schenker, par ailleurs pasteure-aumônière, a demandé à Adrian Stiefel et Erin Lederrey de se positionner par rapport aux événements récents survenus à l’Université de Genève. Elle faisait référence à la perturbation par des militants transactivistes d’une conférence donnée par les psychologues Caroline Eliacheff et Céline Masson, dont le livre voulait alerter sur la médicalisation précoce des enfants transgenre. «Ces mouvements refusent la remise en question et l’ouverture d’esprit, alors que nous sommes une Eglise dont ces valeurs sont le fond de commerce», a relevé Elisabeth Schenker. «La réaction violente de ces groupes m’a exaspérée», a regretté Erin Lederrey, qui a toutefois voulu rappeler que, selon elle, les deux psychologues chahutées en mai 2022 «n’avaient jamais reçu de jeunes personnes trans en consultation», et que malgré cela, «l’Université leur avait déroulé le tapis rouge».
La prochaine activité proposée par l’Antenne LGBTI aura lieu le 30 mars. Intitulée «Sur le sentier arc-en-ciel d’une identité restaurée», la rencontre proposera le témoignage du philosophe et écrivain Alexandre Jollien, qui a fait son coming out en juin 2021.