Sylvie Arnaud, des chemins de montagne au parcours des autres
«Pour désigner les anciens du Synode, on parle de dinosaures, mais je me vois plutôt en mammouth», s’amuse Sylvie Arnaud alors qu’elle prend place dans un wagon CFF, faisant ainsi référence à sa marque d’habits préférée. La présidente du Synode (organe législatif) de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) nous rencontre dans le train. «Quand j’ai réalisé que je faisais trois pleins d’essence par année, j’ai lâché ma voiture», note cette écolo «pas militante mais lucide» pour qui les trajets ferroviaires sont utilitaires, ou autant de chances de rejoindre les Grisons. «J’en aime les paysages, les sentiers et les vins. J’aime la montagne. L’effort de l’ascension et la verticalité me connectent avec ma foi.» Elue au parlement ecclésial vaudois en 1999, Sylvie Arnaud en a pris la présidence en 2014. Elle est la première femme à avoir occupé cette fonction.
Pour autant, Sylvie Arnaud n’est pas encore arrivée au faîte de sa «carrière bénévole» au sein des institutions réformées. En effet, samedi dernier, en plus de l’élection attendue de Philippe Leuba au Conseil synodal, qui, selon elle «incarne la solidité attendue par le Synode», Sylvie Arnaud a également été plébiscitée. Désormais déléguée de l’EERV au Synode de l’Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS), cette ancienne conseillère de la paroisse d’Yvonand - elle y était élue à 20 ans - devient à 52 ans l’une des représentants des réformés vaudois lors des assemblées de la faîtière religieuse sise à Berne.
«Je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre», confie-t-elle en fixant le lac qui défile sous son regard bleu ciel. En tout cas déterminée à «habiter cette fonction avec [sa] personnalité», comme elle l’a fait pour la présidence du Synode qu’elle quittera l’an prochain au terme de l’actuelle législature, Sylvie Arnaud s’exprime avec délice sur ses années passées au perchoir de l’EERV. «De tempérament plutôt timide et réservé, je me suis découvert un monstre plaisir dans cette fonction de facilitatrice. Je préside et recadre par touchettes, laissant du mou dans les débats nourris, mais tenant fermement la corde. Avec le sourire et une pointe d’humour.»
Questionnée sur l’actuelle crise de gouvernance traversée par l’EERV, qui faisait pointer aux conseillers synodaux démissionnaires une trop grande résistance de la part du législatif, Sylvie Arnaud ne se défile pas: «C’est le propre d’un parlement que d’être critique. Débattre vigoureusement est sain. Et si le Synode, aux yeux de certains, a pu sembler n’être que dans la réprobation par rapport aux propositions du Conseil synodal», Sylvie Arnaud trouve trop simple de réduire la crise de l’Eglise à «des antagonismes entre exécutif et législatif».
«Si tu veux que les choses changent, engage-toi!», lui souffle un jour son père, lui-même actif au sein du Synode en son temps. C’est le début de l’aventure, de la paroisse d’Yvonand, son village où vivent encore sa maman et la famille de sa sœur, au conseil régional du Nord vaudois, pour finir au Synode «Il me manque le Conseil synodal», sourit-elle. «L’Eglise réformée m’a permis de voir toujours plus large, de prendre des responsabilités et de côtoyer des équipes formidables». Vincent Guyaz, vice-président du Conseil synodal de l’EERV, parle d’ailleurs d’une «femme d’Eglise», quand il évoque Sylvie Arnaud: «Elle connaît tous les étages de l’institution et son fonctionnement. Travailler avec elle est sécurisant.»
Fille d’enseignants, elle suit la voie de ses parents. Après des études de lettres à l’Université de Lausanne, elle devient prof de français et de latin au secondaire. Toujours en contact avec certains de ses élèves, Sylvie Arnaud, aujourd’hui installée à Yverdon, a d’ailleurs récemment rendu visite à l’un d’eux à Stuttgart. Elle se souvient aussi avec émotion d’une année scolaire un peu particulière. «Deux élèves ont perdu l’un de leurs parents, à quelques semaines d’intervalle. Cela soude les liens.» L’enseignement, elle l’arrête à la naissance de son aînée, et se forme en management afin d’être «mieux outillée» pour ses activités bénévoles.
Elle-même liée à d’anciens professeurs, dont le charisme a parfois su la marquer durablement, Sylvie Arnaud suit sa prof d’anglais et son mari guide de montagne, l’année de ses vingt ans, pour une expédition au Népal «avec sherpas et yaks», histoire de gravir un sommet de 6200 mètres situé dans la région de l’Everest. A l’époque, dans «ces lieux qui n’étaient pas encore devenus le dépotoir du monde, mais où régnait déjà une grande pauvreté», l’Yverdonnoise dit avoir vécu un «décentrement, une expérience formatrice et fondatrice».
Férue de bonnes tables, Sylvie Arnaud aime la convivialité et la joie du partage. En famille d’abord, avec ses filles Clarisse et Daphné, et avec Pierre, son mari, directeur d’une entreprise développant un logiciel de gestion. Avec ses amis aussi, comme en témoigne Laurence Utermann-Béguin, infirmière reconvertie dans la thérapie animale, que Sylvie Arnaud a rencontrée dans un groupe biblique, à l’adolescence: «Sylvie est d’une immense fidélité, et sa curiosité pour les autres est gigantesque». Se souvenant de petits mots anonymes que Sylvie Arnaud avait placés dans son sac en guise de premier contact, Laurence Utermann-Béguin, très vite, en vient à mentionner le total engagement de son amie pour l’Eglise. «Hallucinant, non?» Véritable touche-à-tout du milieu ecclésial, Sylvie Arnaud est également membre de la commission de consécration de l’EERV depuis 2009, laquelle apprécie «la vocation» des pasteurs et diacres arrivés à la fin de leur formation. Une mission «très gratifiante». Car Sylvie Arnaud, en plus de ses chers chemins de montagne, se montre avide de «découvrir le riche parcours des autres».