Arnaud sur le ring de la foi
Fais-moi un bon crochet!» lance Marie, pads aux mains, au grand gars posté en face d’elle. Au rythme d’une musique rap, la séance de boxe sans contact bat son plein en ce jeudi soir de juin. Des binômes coach-élève boxeur exercent des enchaînements style «gauche, droite, uppercut». À l’étage, le pasteur Luc Badoux est en réunion avec des paroissiens. Car contre toute attente, ce cours de boxe sans combats est donné dans un local de la paroisse réformée de Corsier-Corseaux, au-dessus de Vevey. Importé d’Angleterre et déjà mis sur pied à Moudon et Yverdon, le concept «Box Up Crime*» permet à des jeunes entre 14 et 25 ans de pratiquer une activité physique saine et gratuite, dans un cadre bienveillant.
«L’objectif de base est de mettre en valeur les capacités et potentiels des jeunes, de développer chez eux la confiance, une discipline de vie, le respect des autres et de transmettre un message d’espoir», explicite avec enthousiasme Arnaud Limat, 23 ans. Également actif au sein du groupe de jeunes de la paroisse réformée, il fait partie des huit coachs qui se sont formés pour encadrer le cours. Tous les jeudis depuis septembre 2020, le jeune chrétien et son équipe viennent préparer le matériel dans la salle, habituellement utilisée pour l’accueil des enfants.
Après des échauffements énergiques, c’est l’heure de l’entraînement. Les coachs transpirent autant que les participants (une majorité de garçons mais aussi quelques filles) – proposant des séquences de mouvements, montrant la bonne position de jambes, distillant conseils et encouragements. «Chaque jeune vient avec ses capacités physiques, dans le but de progresser ou de se dépasser. Mais l’idée est aussi de se défouler et de laisser sortir les frustrations», partage le Veveysan. «Cela arrive que des émotions telles que la colère ressortent. On est aussi là pour en discuter avec eux. Il n’y a pas de jugement entre nous.» L’essentiel à ses yeux, c’est qu’un lien de confiance s’établisse. «À ce que j’entends, ils se sentent bien et osent être authentiques ici.»
La séance de sport se termine par un «circle time». Installés en cercle, les jeunes reçoivent une courte impulsion positive pour les accompagner dans leur semaine. Ils peuvent ensuite exprimer librement une difficulté, un défi, un rêve… Parfois, les coachs les invitent simplement à mentionner un sujet de reconnaissance. Pour Arnaud, «ce moment crée un esprit de cohésion et de famille». Car si certains apprentis boxeurs se connaissaient déjà, d’autres ont découvert «Box-Up» par le bouche-à-oreille ou par le biais d’Instagram.
Mais une question suscite notre curiosité: qu’est-ce qui motive Arnaud à s’engager au service de ses pairs? «J’ai toujours aspiré à ce que les gens autour de moi se sentent bien et en paix. Qu’ils soient dans la joie et la reconnaissance», répond-il spontanément. Deux attitudes que le jeune coach, d’ailleurs, cherche à cultiver dans sa propre vie: «J’essaie de toujours trouver un point positif à ce que je vis, d’avoir une vision plus globale de la situation, même si c’est compliqué au début. Un sourire, une parole bienveillante, ce sont déjà des sujets de reconnaissance.» Toutefois, Arnaud sait que cultiver la gratitude, ça se travaille; et que le stress du quotidien n’aide pas. Alors il encourage à prendre du temps pour souffler, pour regarder ce qui nous entoure et qu’on ne voit parfois plus: la nature, une vue magnifique – comme celle de sa Riviera –, un coucher de soleil… «Lorsqu’on lève les yeux de nos vies pressées, on remarque souvent des choses magnifiques.»
Pour revenir à notre question, Arnaud ajoute que c’est aussi sa foi qui le pousse à prendre du temps pour d’autres jeunes: «J’ai été transformé par Dieu et je pense qu’il peut aussi transformer la vie des autres», confie-t-il, avant de poursuivre que «le but de Box-Up est d’abord d’aimer les gens. Et transmettre cet amour fait une réelle différence dans la société qui nous entoure.» Pourtant, le jeune Veveysan n’a pas grandi au sein d’une famille chrétienne. Son cheminement spirituel est parti de ses questions existentielles, qui ont encore été ravivées lors de son service civil dans un hôpital de soins palliatifs. «J’avais besoin de réponses concrètes.» Mais c’est aussi le témoignage de son ami Lucas, devenu tétraplégique à la suite d’un accident en 2014, qui a impacté Arnaud: «Lucas a accepté ce qui lui arrivait avec une force déconcertante. Sa façon de vivre, sa confiance, sa paix dans cette situation difficile constituent une leçon de vie. Sa relation avec Jésus en est ressortie approfondie.»
À l’époque de l’accident, Arnaud terminait son apprentissage de mécanicien. Inspiré par l’engagement d’autres copains de Lucas, il a eu à cœur de s’impliquer lui aussi dans l’accompagnement quotidien de son ami. Depuis 2017, il est même devenu l’un de ses assistants personnels, aux côtés de soignants. «Je l’accompagne dans ses activités et je fais souvent des veilles, pour que tout se passe bien durant la nuit.» Un jour probablement, Arnaud reprendra une formation dans le social ou la théologie. Avec toujours le même objectif: continuer à prendre soin des autres.
Passé, présent, futur....
C'était mieux avant?
Ça dépend du domaine. Au plus profond de lui, l’être humain n’a pas changé. Ce qui a changé, c’est ce que la société nous inculque. Par exemple, elle nous pousse à travailler beaucoup, au point parfois de sacrifier notre vie de famille. Il y avait peut-être moins de stress avant. Mais ce qui fait la différence, c’est aussi notre façon de vivre, notre vision de la vie, ce dans quoi on veut investir: la famille, le travail, les relations… On a toujours le choix de vivre avec moins de stress, en acceptant de vivre plus simplement.
Une bonne raison de vivre dans le moment présent?
Vivre dans l’instant présent permet l’épanouissement. Cela nous permet de développer plus pleinement nos relations, et non de manière virtuelle ou par procuration.
Un rêve pour l'avenir?
Un de mes rêves serait que la nouvelle génération soit moins individualiste et développe l’altruisme et l’entraide. J’espère qu’un jour, les gens prendront conscience que tout ne tourne pas autour d’eux, que l’autre est aussi important. Même au point de faire passer l’autre avant soi. Si tout le monde agissait ainsi, il y aurait moins de frustrations et de problèmes.