HET-Pro: le stage de la discorde
En février dernier, l’Église évangélique réformée vaudoise (EERV) annonçait, dans sa newsletter institutionnelle, l’ouverture de ses stages d’observation aux étudiants de la Haute école de théologie de Saint-Légier (HET-Pro). Concrètement, le stage d’observation s’effectue sous la responsabilité d’un maître de stage – un ministre de l’EERV volontaire – pendant une dizaine de jours ouvrables.
L’information était alors passée quasiment inaperçue, mais n’avait pas manqué d’inquiéter la Faculté de théologie et sciences des religions de Lausanne (FTSR). Pour rappel, dès l’ouverture de la HET-Pro en 2017, les facultés de théologie de Genève et Lausanne avaient annoncé qu’elles ne collaboreraient pas avec ce nouveau lieu de formation. Selon elles, le cursus proposé par la filière ne laisserait pas de place, par exemple, à une lecture critique du texte biblique et défend certaines valeurs incompatibles avec une institution de droit public.
Début novembre, le vice-doyen de la FTSR est venu présenter les activités de la Faculté devant le Synode (organe délibérant) de l’EERV. Frédéric Amsler a fait part du point de désaccord: la HET-Pro est signataire de la convention de stage. Et c’est là que le bât blesse. Pour la Faculté, elle signifiait une tentative de reconnaissance institutionnelle d’un lieu de formation qui, selon le vice-doyen, «cherche par tous les moyens son accréditation en tant que Haute école spécialisée (HES)».
Du côté de l’EERV, l’objectif était de cadrer une pratique qui avait déjà cours sur le terrain, en la formalisant par une convention liant l’EERV, la HET-Pro et l’étudiant. «Cette convention permet de cadrer les stages dans notre Église pour mieux respecter nos obligations d’employeurs», expliquait alors Marie-Claude Ischer, présidente du Conseil synodal (exécutif). La communication initiale se voulait d’ailleurs claire: Les stages en question ont pour objectif de faire «découvrir la pratique des métiers d’Église en situation, ainsi que des contextes qui contrastent avec les lieux d’exercice du ministère» des communautés de ces étudiants. Rien de plus.
Si la FTSR s’est immiscée dans le débat, «c’est parce que la Faculté de théologie a des liens étroits avec l’EERV (représentants au Synode et à la Commission de consécration notamment), mais surtout parce qu’il y avait un accord entre le Décanat et le Conseil synodal selon lequel il n’y aurait pas de lien avec la HET-Pro, une école d'ailleurs que le Synode n'a pas non plus choisi de reconnaître à ce jour», rappelait Frédéric Amsler.
Avec deux étudiants inscrits en première année de théologie en 2021, pour la deuxième année consécutive, la Faculté craignait-elle de se voir voler la vedette? «Nous sommes préoccupés par la situation qui est surtout grave pour la relève des ministres, mais nous avons de bonnes volées de master et nous sommes depuis longtemps une faculté "de service" qui crédite surtout des étudiants qui suivent nos cours mais sont inscrits dans d’autres facultés», expliquait Frédéric Amsler. A en croire le vice-doyen, l’inquiétude porte plutôt sur la «stratégie des petits pas» qu’appliquerait la HET-Pro en vue de l’obtention d’une accréditation HES.
«Notre objectif est de proposer une formation professionnalisante permettant de développer progressivement des compétences personnelles, métiers et organisationnelles en Église à l’aune des diverses réalités du terrain. Selon les standards HES, l’étudiant doit effectuer des stages pratiques durant son cursus. En montrant que nos étudiants sont intégrés dans des milieux ecclésiaux différents, nous signifions qu’ils sont immergés dans des pratiques diverses. Cette diversité répond aux critères HES tout en rejoignant notre vision de départ», répond le recteur de la HET-Pro, Jean Decorvet.
Résultat: à la fin de l’année, la porte ne s’est pas refermée sur le nez des stagiaires, mais les modalités ont changé. Dans sa nouvelle mouture, la convention ne lie plus que l’EERV à l’étudiant en stage. «En réexaminant le contrat, nous nous sommes rendus compte que c’était mieux ainsi», réagit Marie-Claude Ischer. Et d’ajouter: «Ce qui compte pour nous, c’est de protéger le stagiaire.» «Tout est parti d’une bonne intention: le Conseil synodal souhaitait mettre de l’ordre dans ce qui se faisait sur le terrain mais la HET-Pro en a profité pour s'inviter», observe Frédéric Amsler, qui fait tout de même part du soulagement de la FTSR.
Enfin, côté HET-Pro, pas de rancœur. «Nous sommes satisfaits. Cette convention est le fruit d’un compromis basé sur des échanges productifs et bienveillants de la part du Conseil synodal», réagit Jean Decorvet. Y aura-t-il une incidence sur la demande d’accréditation HES? Pas selon le recteur. «Nous continuons à accompagner les étudiants pour que les stages soient conformes aux critères HES. Et sur le fond, la convention n’a pas changé. Il est pour nous essentiel de permettre à l’étudiant d’effectuer des stages et qu’ils se passent sereinement, afin que l’étudiant soit réellement accueilli et non pas juste toléré.»