Sortir un esprit novateur de l’oubli
On doit à Sébastien Castellion la maxime «Tuer un homme, ce n’est pas défendre une idée, c’est tuer un homme», en réponse à Jean Calvin qui condamne Michel Servet au bûcher pour hérésie le 23 octobre 1553. Précurseur de la liberté d’opinion avant la conception moderne de la liberté de conscience, trop rarement cité, Castellion ouvrira la voie des grands penseurs de la tolérance au XVIIe siècle.
La réparation d’une injustice historiqueLe 500e a eu lieu en 2015 après les attentats contre Charlie Hebdo donnant une visibilité inédite à la maxime de Castellion dans les médias. Pour autant, sa paternité n’a que rarement été attribuée à son auteur, trop peu connu du grand public. Or on doit à ce régent du collège de Rive à Genève et prédicateur laïc à la paroisse de Vandoeuvres, un ouvrage posthume considérable. Bibliste avant l’heure, humaniste, défenseur de la conscience personnelle, ses considérations politiques en font un esprit novateur.
Deux ans après le colloque qui visait à sortir Castellion de l’oubli, les quatre conférences données par Marie-Christine Guéraut-Gomez, Max Engammare, Michel Grandjean et Philippe Fromont sont disponibles dans un ouvrage concis, publié par la Librairie Droz.
Une parution qui garde toute son actualitéCastellion s’érigera en partisan de la séparation entre l’Eglise et le magistrat civil, préfigurant ainsi le principe de la laïcité. Conseil à la France désolée, s’avérera un texte tristement prémonitoire rédigé à la veille des guerres de religion. La France est malade de ses conflits religieux, il faut y mettre une fin par une nouvelle organisation politique. Deux religions doivent coexister en un seul royaume, c’est au pouvoir politique de jouer le rôle d’arbitre.
Brûlante d’actualité la question de la régulation du religieux ne cesse de se penser. En pleine refonte de sa loi sur la laïcité, Genève devra se prononcer très prochainement sur un projet de loi déposé en 2015. Une question épineuse attend déjà le Grand Conseil en ce qui concerne l’article 8 qui stipule «l’interdiction du port de signes religieux dans l’espace public en cas de trouble». Controversé pour son flou, stigmatisant certaines communautés religieuses, il pourrait être amendé d’ici les délibérations en plénière. Les députés devront également se prononcer sur les subventions des aumôniers dans les prisons, les contributions fiscales ou la neutralité des fonctionnaires.
Gageons que Castellion en 2017 aurait sans doute défendu la liberté des différentes communautés religieuses au sein de l’espace public.
Castellion à Vandoeuvres (1515-2015)
Varia n° 116, Librairie Droz, 2017, 96 pages, broché, 22 fr.