Les Églises américaines se mobilisent contre le racisme
Après l’homicide de George Floyd par la police le 25 mai dernier à Minneapolis, les responsables religieux américains utilisent leurs réseaux pour soutenir les militants du mouvement «Black Lives Matter» (la vie des noirs compte) qui réclame une réforme de la police. «Je pense que la population regarde si les gens qui croient vraiment en Jésus suivent ses enseignements», a déclaré la pasteure Faith Romasco de l’Église évangélique, First Church of the Nazarene, à Pasadena, en Californie. «C'est le moment de choisir d'être un témoin crédible et fidèle à l'Évangile.»
«Quand toutes les Églises peuvent se rallier à une action concrète, cela nous permet de tirer parti de ce pouvoir et de ce potentiel pour apporter un réel changement», a-t-elle ajouté. Faith Romasco a fait partie des centaines de personnes et responsables religieux qui se sont réunis, dimanche 31 mai au soir, devant l'Hôtel de Ville de Pasadena pour une veillée à la bougie en souvenir de George Floyd, qui est mort après qu'un policier blanc de Minneapolis se soit agenouillé sur son cou pendant huit minutes.
Dimanche soir, les manifestants tenaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire «le racisme est un virus mortel» et «arrêtez de tuer des noirs», tout en scandant: «les vies noires, elles comptent aussi»! Ils ont produit un cri de lamentation de huit minutes représentant les huit minutes d’agonie de George Floyd. Les activistes et chefs religieux ont demandé à la ville de Pasadena de consacrer moins d’argent pour la police et l'incarcération au profit de programmes pour les jeunes et le logement. La police se trouvait à proximité du rassemblement.
La veillée a été organisée par LA Voice, un réseau de communautés multiconfessionnels, comprenant des juifs, des musulmans et des chrétiens. «Nous sommes ici, en ce jour de la Pentecôte, tous unis et déterminés. Certains d'entre nous sont consumés par la rage, d’autres par la colère et certains par la motivation», a déclaré l'artiste et organisateur, Andre Henry, s'adressant à la foule. Partout dans le monde, les gens disent «la vie des noirs compte», comme un vent de tempête. «Cela me donne de l'espoir, car lorsque nous sommes tous ensemble et si déterminés, il n'y a presque rien que nous ne puissions accomplir», a ajouté Andre Henry.
Le pasteur baptiste Zachary Hoover, directeur exécutif de LA Voice, a renchéri: «Si les croyants ne s'opposent pas aux politiques racistes, quel est notre but?» Et de préciser: «Je ne peux parler qu’au nom des chrétiens, mais nous croyons que Jésus nous parle littéralement et que ce que nous faisons à nos frères et sœurs, nous le faisons également à lui. La seule raison pour laquelle je fais encore partie du corps de l'Église, c’est pour pouvoir témoigner dans ce genre de situation. Quel est l'intérêt de l'Église si nous nous réunissons simplement le dimanche pour chanter? Quel est l'intérêt si nous n’agissons pas quand les gens souffrent et meurent?»
Le rassemblement du dimanche a eu lieu après une manifestation pacifique de «Black Lives Matter», à Los Angeles, le samedi. Dans la nuit, cette manifestation a dégénéré en affrontements policiers, en vandalisme et en pillages. Zachary Hoover a signalé que certains responsables religieux y étaient présents. Et alors que les gens se rassemblaient à Pasadena pour la veillée du dimanche, des pilleurs avaient déjà attaqué des commerces à Santa Monica. La veillée de Pasadena s'est terminée vers 20 heures, suivie par une deuxième nuit de couvre-feu.
Selon Zachary Hoover, l'idée de la veillée est venue, le vendredi, lorsque Barbara Walker de la First Baptist Church à Pasadena a organisé une rencontre avec les communautés de la région. En dix-huit heures, l'événement est passé de deux à vingt-six congrégations. LA Voice a choisi d’avertir la police de la mise en place de l'événement. «Nous avons certains privilèges en tant que responsables religieux, nous devons les utiliser correctement», a souligné le pasteur.
Samuel Lee, Coréen-Américain de 31 ans, était présent à la veillée. Il a déploré que la communauté asiatique soit restée trop longtemps silencieuse. «En tant que membre de la communauté chrétienne, nous avons fait du mal sans le savoir. Je pense qu’aux États-Unis, beaucoup de nos Églises chrétiennes sont liées à des valeurs politiques et patriotiques, mélangeant beaucoup de choses. Vous ne pouvez pas dire que vous êtes pro-vie, et ensuite détourner la tête quand quelqu’un se fait tuer. Il y a beaucoup d'hypocrisie», regrette Samuel Lee qui dit être aux prises avec sa foi. Le jeune homme s’interroge: «Pourquoi est-ce que je crois encore? Pourquoi est-ce que j’adhère encore à cette religion? J'ai encore de l'espoir. Je pense que nous pouvons faire mieux et cela va commencer avec nous.»
La révérende Sally Howard, rectrice de l'Église épiscopale All Saints de Pasadena, a affirmé que les actions des Églises face au meurtre de George Floyd représentaient des enjeux de taille. «Il y a beaucoup de racisme et beaucoup de suprématie blanche, malheureusement aussi dans les Églises. Si ceux d'entre nous qui connaissent Dieu d'une manière différente ne s'expriment pas, alors c'est ce visage de Dieu qui prendra le dessus dans le pays. Et il n'y aura plus de tranquillité, plus de barrières, plus de civilité.»