Le président de l’Église protestante d’Allemagne menacé de mort
La confidence n’est de loin pas passée inaperçue. Interrogé par le quotidien Augsburger Allgemeine sur le rôle des médias sociaux dans l’interaction sociale, le président du Conseil de l'Église protestante d'Allemagne (EKD) Heinrich Bedford-Strohm a révélé avoir reçu plusieurs menaces de mort suite à son engagement en faveur du sauvetage des migrants en mer Méditerranée. Ses déclarations, publiées samedi 4 janvier, ont déclenché une vague de réactions, tour à tour bien intentionnées, ou carrément incendiaires.
Sa revendication lors de cet entretien? Un appel à la mise en place de règles et autres normes sur Twitter, Facebook et les autres réseaux, afin d’éviter que ces plateformes ne deviennent le catalyseur d’une façon inacceptable de se traiter les uns et les autres. Or c’est surtout sa révélation concernant ces menaces de mort qui aura marqué les esprits. Et démontré par là même comment fonctionnent les réseaux sociaux. En effet, immédiatement après la mise en ligne de l’article, des commentaires en tout genre ont fusé sur la Toile.
«Cette phrase a déclenché une vague d’interactions, la plupart exprimant de la solidarité, d’autres un réel mépris», a réagi le pasteur depuis ses vacances – ce qu'il ne fait normalement pas, comme il l'a expliqué dans les médias sociaux. L'écho de l'interview l'a surpris, écrit-il. La question sur les menaces de mort n'était qu'une parmi tant d'autres. «Aujourd’hui, malheureusement, de telles menaces font presque partie de la normalité lorsqu’on est une personnalité publique, amenée à s’exprimer clairement sur certaines questions. Cela en affecte beaucoup d'autres également.» Et le théologien de souligner que «la brutalisation de la communication, en général, reste un problème public important.»
Politiciens et artistes, dont certains ont également reçu de telles menaces, ont réagi de manière positive. Le ministre des Affaires étrangères Heiko Maas (SPD) a déclaré sur Twitter qu'il est «insupportable que l'humanité et la miséricorde conduisent à des menaces de mort. Nous devons nous tenir aux côtés de tous ceux qui sont menacés parce qu'ils sont engagés dans notre société.» De son côté, le Vert Cem Özdemir a également condamné ces menaces: «Les extrémistes de droite sont ceux qui se dévoilent le mieux. Ils prétendent défendre l'Occident chrétien et menacent le pasteur de meurtre? Cela ne pourrait pas être plus stupide», a-t-il également écrit sur Twitter. Et plus loin: «Les auteurs ne veulent pas défendre les valeurs humaines, ils les méprisent. Solidarité avec Bedford-Strohm!» Le pianiste juif Igor Levit a également pris part au débat; il a qualifié le pasteur d’homme «qui fait véritablement preuve de courage, de cœur et d'empathie».
Dans l’entretien accordé au quotidien allemand, Heinrich Bedford-Strohm a exprimé qu'il ne prenait pas les menaces «très au sérieux», bien qu'elles soient «assez concrètes». Un porte-parole de l'EKD a confirmé au Service de presse protestant (epd) qu'il y avait eu plusieurs menaces, notamment une lettre reçue par le Bureau de l'Église le 17 septembre, qui contenait une poudre blanche initialement non identifiable.
Le président du Conseil s'est engagé depuis longtemps dans le sauvetage en mer. Sur l'initiative de l'EKD, l'alliance «United 4 Rescue» s'est formée dans le but d’envoyer son propre navire de sauvetage en Méditerranée. Une initiative qu’Heinrich Bedford-Strohm soutient vivement.
Le 4 janvier, le pasteur bavarois prenait la parole pour en appeler à une règlementation des médias sociaux. «Les réseaux sociaux sont devenus un refuge pour les agitateurs, cela ne peut pas être le cas», expliquait-il. «Il faut donc élaborer des règles qui commencent déjà par une "éthique des programmeurs" et qui prévoient également un renforcement de l'éducation aux médias et des organes de contrôle indépendants», préconise-t-il. Selon lui, il est du devoir de l'Église protestante de s'immiscer dans la discussion à ce sujet parce qu'il s'agit, là aussi, d'une question de dignité humaine.