L’Église réformée vaudoise lave son linge sale en famille

L’Église réformée vaudoise lave son linge sale en famille

Une majorité de l’organe exécutif de l’Église réformée imposerait une ligne sans s’entourer des responsables d’offices, de services ou de régions. La minorité du Conseil synodal serait quant à elle réduite au silence par le principe de collégialité. Une règle que le Conseiller synodal John Christin a fait voler en motivant longuement sa démission surprise, à un an de la fin de la législature.

Coup de théâtre au Synode (organe délibérant) de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud (EERV), réuni vendredi 15 et samedi 16 à Pully. Le premier jour, juste avant la pause, le membre du Conseil synodal (exécutif) John Christin demande la parole. Alors que tout le monde s’attend à une information pratique ou une annonce d’évènement, le conseiller visiblement ému, lit un long texte à la fin duquel il annonce sa démission avec effet immédiat faute de pouvoir «cautionner» les décisions récentes de l’exécutif. «Je regrette que cette discussion se passe dans ce cadre», a commenté la présidente du Synode Sylvie Arnaud, fâchée par ce procédé, après le départ du démissionnaire. Elle a ensuite proposé que les éléments soulevés par John Christin, en partie évoqués également par la commission de gestion dans son rapport, soient discutés le lendemain au moment du débat sur la gestion 2017. Un point pour lequel le bureau du Synode a finalement prononcé un huis clos excluant de la salle le public, les journalistes et les employés de l’administration centrale de l’EERV à l’exception du Conseil synodal.

Ainsi donc, selon John Christin deux visions s’affrontent en termes de gouvernance à la tête de l’EERV. «D’une part, certains défendent le principe d’un Conseil synodal fort, qui veut prendre des décisions préparées par un ou deux membres du collège qui en font part ensuite aux premiers collaborateurs qui peuvent faire ici ou là des remarques. Au nom de cette vision, il faudrait pouvoir contrôler et maîtriser tout ce qui se passe au sein de l’EERV. L’autre vision imagine une équipe élargie autour du Conseil synodal, responsable d’offices, coordinateurs de services et de régions qui planchent sur les dossiers principaux engageant notre Église.»

La goutte d’eau qui aurait fait déborder le vase est la décision de retirer à John Christin le dossier des ressources humaines pour le confier au président du Conseil synodal Xavier Paillard. Une décision que John Christin explique par le fait qu’il a défendu l’Office des ressources humaines (ORH) au sein de l’exécutif à une période où, à la suite des licenciements qui ont fait grand bruit, «le Conseil synodal a voulu se dégager de ses responsabilités en les mettant sur les seules épaules du responsable ORH.» Dans son discours, il explique: «j’étais en lien très étroit avec le responsable de l’ORH et je pouvais mieux mesurer que mes collègues l’investissement nécessaire pour accomplir ses tâches. L’éclairage que j’apportais en séance m’a dès lors été reproché, notamment par la bouche du président qui considérait que j’étais plutôt un défenseur de l’ORH et de son responsable, qu’un porte-parole du Conseil synodal.»

Dans son rapport, la commission de gestion constate plutôt que les crises de 2017 ont fait émerger une «divergence très forte au sein du Conseil synodal, divergence qui a mis en relief, de fait, deux visions qui président à leurs décisions. La première met en avant l’humain en mettant au second plan l’aspect des règles et procédures à respecter. La deuxième, bien que reconnaissant l’importance de l’humain, donne la priorité au respect des règles et procédures.»

Vendredi après la séance, Xavier Paillard avouait être en désaccord avec les arguments avancés par son ancien collègue. «Mais je ne vais pas entrer dans un jeu de ping-pong en reprenant chacun des points évoqués.» Quant à la question du changement de répondant de l’ORH au sein du Conseil synodal, le président explique «vu l’importance qu’a cet office, il est important que la courroie de transmission avec le Conseil synodal fonctionne bien.» Les autres arguments qu’il n’aura pas manqué de développer samedi sont frappés par le sceau du huis clos.

Durant cette session, les délégués ont également décidé d’octroyer une subvention annuelle de 275’000 francs à l’Espace culturel des Terreaux, pour les saisons 2019-2020 et 2020-2021. Une décision qui marque la volonté de faire perdurer cette interface entre culture et religion malgré le départ à la retraire de son fondateur Jean Chollet.

Les comptes 2017 ont été adoptés. Ils présentent un bénéfice de 931’000 francs alors qu’un déficit de 850’000 francs avait été budgété pour environ 43,5 millions de francs de charges. Le Synode a accepté de diminuer la contribution des régions et des paroisses à la caisse cantonale.

Commentaire

Une sérénité bien chère payée

«Pour pouvoir débattre de ces questions dans la sérénité, le bureau du Synode a décidé de déclarer le huis clos pour ce point», a déclaré samedi la présidente du Synode Sylvie Arnaud avant de parler de la gestion. Mais la sérénité de qui? J’imagine les délégués régionaux et paroissiaux de retour de la session dire dans leurs lieux d’Église: «le Conseil synodal est en crise, d’ailleurs l’un de ses membres a démissionné. Mais il ne faut pas vous inquiéter. Je n’ai pas le droit de vous dire pourquoi, car ce point a été traité en huis clos.» Au vu des motions, postulat et demande de consultations plus larges ayant été déposés au Synode ces dernières années, je n’ai pas l’impression que le capital confiance de l’exécutif de l’Église est au plus haut. Un huis clos n’arrange rien.

Mais on pourrait se demander qui était visé par cette mesure: les journalistes présents. Peut-être. Mais force est de constater que le responsable de sono, le rédacteur du communiqué de presse, la secrétaire du Conseil synodal ont également été priés de rentrer chez eux avant la fin de la séance. Il est tentant de penser que le Conseil synodal voulait pouvoir donner sa version de l’ambiance au Chemin des Cèdres 7 en l’absence de ceux qui bien que privé de droit de parole auraient pu contester une vision des faits par leur langage non verbal.

Ce qui est sûr, c’est que la seule version des faits aujourd’hui publique est celle de John Christin. Et alors que l’on savait que les relations entre Synode et Conseil synodal n’étaient pas au beau fixe, le démissionnaire nous apprend que le Conseil synodal n’est pas seulement en crise avec l’organe délibérant, mais qu’il l’est également avec son administration et qu’il est désuni. Cette dernière année de légilsature va être bien longue.

Joël Burri