Qui inscrit encore son enfant au «caté»?

Qui inscrit encore son enfant au «caté»?

Il reste seulement quelques semaines aux parents romands pour inscrire leur enfant au catéchisme, dans les Eglises catholiques et réformées de leur canton. Mais pourquoi vouloir éveiller son enfant à la religion chrétienne dans le cadre de ses activités extrascolaires?

A l’instar de la fréquentation des Eglises le dimanche matin, les inscriptions aux leçons de catéchisme semblent se réduire inéluctablement d’année en année. Pour autant, un nombre significatif de parents – croyants ou non – restent convaincus de leur utilité. Mais qui sont ces irréductibles qui font encore le choix d’inscrire leur progéniture au «caté», en plus de leur cours de piano ou d’équitation? Et qu’en attendent-ils? Eléments de réponse aux quatre coins de la Suisse romande. 

La majorité des parents interrogés confient avoir la foi, même s’ils avouent s’être distancés de leur Eglise. «On est croyants, mais pas très pratiquants», s’amuse Danielle Wäcker, secrétaire domiciliée dans le Jura. Cette maman qui a inscrit ses cinq enfants au catéchisme chez les réformés a un parcours un peu particulier: «Je voulais que mes enfants aient une éducation religieuse parce j’ai une vraie foi personnelle, mais je souhaitais qu’elle ait lieu hors du milieu évangélique, que j’ai décidé de quitter», relate-t-elle, témoignant y avoir subi «certains pressions morales».

A Sierre, Agnès Zollinger, médecin élevée dans la tradition réformée et mariée à un ingénieur catholique, a décidé d’inscrire ses deux enfants au catéchisme dans l’Eglise réformée évangélique du Valais (EREV). Si elle a pris ses distances avec le milieu ecclésial, il lui importait de transmettre à ses enfants son «attachement sincère à la foi chrétienne».

«Nous avions fait baptiser nos filles, il était donc important pour nous qu’elles aient toutes trois une éducation religieuse, parce que nous avons des convictions personnelles, mais aussi par principe», exprime Catherine* (nom d’emprunt). Pour cette fleuriste et enseignante du secondaire domiciliée à Burtigny (VD) et mariée à un horticulteur, inscrire ses filles au catéchisme était un peu une évidence. «Nous n’allons pas au temple tous les dimanches, mais nous nous y sommes mariés et continuons d’y aller à Noël.»

«C’est sans doute par tradition que nous avons mis nos deux enfants au catéchisme», note également Danielle Allemann, secrétaire générale de la Chambre d’agriculture du Jura bernois. Pour elle et son mari chauffeur poids-lourd, «distancés bien qu’ayant la foi», le caté avait été l’occasion «de très bons moments, notamment grâce aux nombreux camps», ce qu’ils comptaient pouvoir offrir à leurs propres enfants.

La foi ou pas

D’après notre tour d’horizon, les parents affichant très clairement leur foi se retrouvent davantage du côté catholique, comme chez ces Lyonnais installés dans la région morgienne: «Nous sommes des pratiquants occasionnels», formule Christelle Cellier-Theron, mariée à un informaticien. Leurs deux filles de 12 et 8 ans ont été inscrites au catéchisme parce que «c’est une évidence, au même titre que de s’épouser entre catholiques», confie-t-elle. Et d’insister: «Nous avons également eu le souci de trouver la meilleure offre d’éducation religieuse pour nos enfants.» Ce qui a été possible au sein d’une paroisse catholique morgienne. De son côté, Maria Cardoso-Gil, agent d’entretien mariée à un maçon, a trouvé à Martigny de quoi combler les attentes qu’elle et son époux avaient pour les enfants. Ces trentenaires, catholiques pratiquants arrivés du Portugal il y a une dizaine d’années, ont inscrit leurs deux enfants dans une paroisse qu’eux-mêmes fréquentent très régulièrement. «Même si le cadre dans lequel mon mari et moi avons été élevés était plus strict, je crois que ce parcours est essentiel à faire vivre à nos enfants. On se pose toujours des questions sur ce qu’il y a au-dessus de nous, et on croit toujours à quelque chose. Alors autant aider les enfants à construire cela pour eux-mêmes.»

Plus surprenant, certains de ces parents affirment ne pas avoir du tout la foi, et le confessent aisément. Ainsi de Séverine Hediger, enseignante mariée à un ingénieur. Tous deux sont catholiques et domiciliés à Colombier (NE). Ils ont inscrit leurs trois enfants dans l’Eglise réformée de Neuchâtel (EREN), en raison des bons contacts établis avec la pasteure de leur village. «J’étais moi-même très investie dans l’Eglise catholique étant jeune, et j’y ai vécu des moments de partage que je souhaite de tout cœur à mes enfants.»

Valeurs de vie

Les attentes des parents ne sauraient donc se résumer aux seules connaissances bibliques. «Il y a aussi tout un arsenal de valeurs que porte la religion chrétienne et qu’il nous apparaissait important de faire connaître à nos enfants: le respect, l’attention à son prochain et le partage », souligne Catherine. Son de cloche identique chez Séverine Hediger, pour qui ces «valeurs peuvent être inculquées, même si au final on n’acquiert pas la foi».

Aux yeux de Magalie Ducommun, économiste réformée mariée à un économiste catholique, qui «les valeurs fortes évoquées dans certains épisodes bibliques sont essentielles». Pour cette habitante de Colombier (NE), «les enfants n’auraient pas l’occasion de les découvrir dans un autre cours extra-scolaire». Et d’ajouter que face aux «ravages des réseaux sociaux sur les jeunes», le caté peut justement être un endroit où «parler de ce qu’on ressent, de sa souffrance et de celles que nos semblables peuvent ressentir collectivement à notre époque».

Avoir le choix

Reste que si tous les parents s’accordent sur cette notion de valeurs, c’est avant tout un socle théologique, même rudimentaire, qu’ils recherchent pour leurs enfants. «Le credo à la maison, c’est ça: OK, vous avez le droit de rechigner un peu à y aller, mais on fera tout pour que vous soyez accompagnés sur ce chemin, afin que votre décision finale se fasse en connaissance de cause», relate Catherine. «Que nous ayons cette base de connaissances religieuses communes avec nos enfants était primordial», exprime encore Séverine Hediger. «Même si pour nous, cela n’a pas débouché sur une vie de foi, je voulais que nos enfants puissent avoir le choix, fondé sur des bases solides.» Danielle Allemann raconte enfin que son fils, un jour, lui avait posé cette question innocente: «Mais Maman, à quoi je crois, moi?» Une interrogation à laquelle la Jurassienne ne pouvait pas répondre sans envisager de lui offrir, au moyen d’une éducation religieuse, «de quoi pouvoir un jour y répondre tout seul».

Catéchisme aujourd’hui: éclairage des spécialistes

«Les enfants se posent souvent des questions existentielles auxquelles les parents ne savent pas toujours répondre», note Isabelle Jonveaux, responsable de l’antenne romande de l’Institut de sociologie pastorale (SPI). Pour cette spécialiste du catholicisme, le fait que des parents très distancés inscrivent encore leurs enfants au catéchisme viendrait du «souhait qu’une certaine culture leur soit transmise, dans une société toujours plus multiculturelle». Quant aux parents athées, «la question des valeurs demeure néanmoins importante. Car si les institutions religieuses perdent en crédibilité, les valeurs conservent leur actualité. Et on considère que l’école les transmet moins qu’avant».

Une observation que fait également Jörg Stolz, sociologue des religions à l’Université de Lausanne, spécialiste des réformés: «Beaucoup de parents veulent transmettre de bonnes valeurs à leurs enfants, et pensent que la religion chrétienne et les bonnes valeurs forment une unité.» Les connaissances bibliques jouent, selon lui, «souvent un rôle assez secondaire dans ces cours».

Selon Isabelle Jonveaux, la catéchisme doit en effet «adapter sa pédagogie, mais ce n’est pas pour autant que les jeunes se satisfont du simple"Jésus est ton copain". Ils souhaitent qu’on les prenne au sérieux dans leur quête de sens.» Et d’ajouter: «Ils sont de plus en plus nombreux à être confrontés tôt à des situations difficiles (divorces, familles recomposées). Ils ont donc besoin qu’on leur offre de vraies réponses à leur souffrance et leur malaise.»