Venu d’Equateur, le pasteur genevois à l’écoute de la rue
Devant lui, deux portables. Un pour la vie privée et l’autre pour sa vie de pasteur. «Je suis atteignable à n’importe quelle heure. Et il arrive parfois qu’on m’appelle après minuit», confie Luis Velasquez. Ce jeune quadragénaire au grand cœur, qui croit à «l’écoute et la bienveillance», est co-responsable depuis deux ans de l’Espace Pâquis, lieu qui héberge trois entités: Eglise ouverte, Evangile et travail et Espace solidaire Pâquis, une structure d’accueil de jour.
Située au sous-sol de la Paroisse protestante Rive Droite, cette triple association, financée par la Ville de Genève et l’Eglise protestante de Genève (EPG), propose notamment un service d’écrivain public, une permanence juridique ou encore un repas à midi pour des bénéficiaires que l’association a surnommé «les passants». Pourquoi? «Ici viennent des migrants, des sans-abris… Ces mots sont trop connotés. Les passants, c’est moins catégorisant», explicite Luis Velasquez. Pour ces personnes en situation de grande précarité, le pasteur se démène, afin notamment de leur trouver des solutions d’hébergement d’urgence auprès d’associations partenaires. «Il y aurait environ 800 personnes à la rue à Genève, pour seulement 500 places prévues dans les différentes associations du canton», déplore-t-il.
Arrivé en Suisse à 18 ans, Luis Velasquez, qui a fait toutes ses études de théologie en Suisse, se sent d’ailleurs très proche des personnes qui foulent le seuil de l’Espace Pâquis. «La majorité d’entre elles sont étrangères. Le plus souvent sans autorisation de séjour», relève celui pour qui l’intégration en Suisse s’est faite sans trop de difficultés, malgré un départ un peu douloureux de son Equateur natal.
«Mes parents ont fui la crise économique quand j’étais adolescent. Moi, je n’étais pas prêt à être déraciné, alors je suis resté encore quelques années», se souvient-il. Il rejoindra alors ses parents au moment de sa majorité: «Malgré mon cercle amical sur place, je me sentais seul. Quand j’étais malade, personne n’était là pour s’occuper de moi. J’ai donc décidé de rejoindre ma famille».
A son arrivée à Genève, il intègre une communauté évangélique hispanophone. Il y fera même venir ses parents. Mais le pasteur en place se met à avoir des propos problématiques. «Il était très misogyne. Et quand j’ai souhaité entreprendre mon cursus universitaire afin de devenir pasteur à mon tour, il m’a demandé de choisir entre son Eglise et la faculté», se souvient Luis Velasquez.
Il démarre alors sa formation, se partageant entre les universités de Genève et Lausanne. «Nous étions une dizaine au départ, mais ne sommes que deux à avoir terminé notre cursus», relève-t-il en évoquant alors un genre de parcours du combattant de plus d’une dizaine d’années, pour enfin arriver à devenir pasteur. Toutefois, après la reddition d’un travail de mémoire sur «la théologie de la migration», son année de stage à l’Aumônerie genevoise œcuménique auprès des requérants d’asile et des réfugiés (AGORA) va le marquer durablement.
A l’époque, il est notamment actif dans la zone de transit de l’aéroport de Cointrin. Il se souvient, entres autres situations désarmantes, de ce jeune homme camerounais passé par la Roumanie et à qui on avait fait croire qu’il était sélectionné dans une équipe de football européenne. «Sa mère s’était endettée pour qu’il puisse prendre l’avion. Beaucoup de gens se font arnaquer et sont facilement crédules tant ils espèrent une vie meilleure…»
Père de deux petits garçons, respectivement nés en 2013 et 2019, Luis Velasquez est en couple et vit avec sa compagne dans le quartier de la Servette, après un passage à la Jonction. Luis Velasquez a également trois frères qui travaillent dans le domaine médical et la métallurgie, et une sœur qui a fait des études d’économie.
Et point de vue loisirs? «Un jour, au marché aux puces de Plainpalais, j’ai découvert mon amour pour les timbres et… les cartes postales de chiens anciennes.» Membre du Club philatélique de Meyrin, Luis Velasquez y a trouvé une bande d’amis, dont deux retraitées avec qui il est parti en week-end à Paris afin d’assister à un salon de philatélie. «Ce fut une très jolie aventure.»
Revenant sur l’Espace Pâquis, il raconte le réel succès que représente pour lui la mise en place d’une célébration «Tous les quinze jours, j’organise avec deux collègues un espace consacré à la spiritualité auquel une trentaine de personnes prennent part», se réjouit-il. Avant les «repas solidaires» du vendredi, le pasteur propose également «une courte méditation qui se termine par une prière», et à laquelle participe une quarantaine de personnes de toutes confessions confondues. «On peut ainsi faire du bien aux autres par l’accueil et la chaleur, mais aussi grâce à un moment de spiritualité.»