Pour eux, chaque Noël est un nouveau défi

Pour eux, chaque Noël est un nouveau défi

Chaque année, les aumôniers engagés par les Eglises se retrouvent à devoir transmettre le message de Noël dans les situations les plus noires: derrière les barreaux des prisons, au chevet des mourants, dans la solitude des EMS, des hôpitaux psychiatriques ou auprès des sans-abris dans la rue. Enquête.

A Noël, ils rendront visite à ceux qui sont seuls. Engagés par les Eglises et mis à disposition des principales institutions publiques de Suisse romande, les aumôniers œuvrent afin que personne ne se sente abandonné à son sort, et ce même dans les circonstances les plus désespérantes. Au sein des hôpitaux ou des prisons, dans la solitude de la rue ou d’un EMS.

A l’occasion des fêtes de fin d’année, leur travail prend des allures de véritable challenge. «C’est vrai que Noël est une période particulièrement difficile pour certains détenus, surtout pour ceux qui ont des enfants», confie Christian Reist, aumônier réformé à la prison de Champ-Dollon et à l’Etablissement fermé Curabilis (GE). «En effet, après le compte-à-rebours qu'est l'Avent, on débouche sur cette fête principalement dédiée aux enfants et à la famille. Les personnes privées de liberté, surtout celles qui ont une longue peine à purger, ont donc à composer avec leurs souvenirs, elles qui resteront seules le soir de Noël.».

Les Fêtes de fin d’années sont rarement anodines, parfois même trop difficiles à vivre. «Les hôpitaux psychiatriques enregistrent une hausse significative du nombre de patients pendant la période des Fêtes», note Marianne Weymann, active au sein de l’hôpital psychiatrique de Villars-sur-Glâne (FR). Selon cette pasteure et aumônière réformée, «Noël génère un stress particulier, car cette fête concentre beaucoup d’attentes qui se retrouvent souvent contrariées, fragilisant donc d’autant plus les personnes présentant des troubles mentaux».

Se laisser visiter

Luis Velasquez, aumônier de l’Eglise protestante de Genève, travaille quant à lui au plus près des démunis, principalement des sans-abris, à l’Espace Solidaire Pâquis. «Environ 150 personnes très précaires viennent quotidiennement dans notre structure», témoigne-t-il. «A Noël, on essaie d'offrir un peu de convivialité, comme un air de famille, notamment autour de petites célébrations centrées sur les grandes valeurs chrétiennes.»

«C’est ça aussi, Noël. Savoir accueillir toute forme de visite, à l’image de celle de Dieu au sein de l’humanité en la personne de Jésus», formule Agnès Chavanne-Angiolini, aumônière catholique active dans des EMS jurassiens. Et d’ajouter: «Chaque année, il faut accepter des liens nouveaux. Et à chaque nouvelle rencontre, s’émerveiller.» Une vision qui, évidemment, résonne de la plus belle façon avec sa fonction d’aumônière. Spécialisée dans ce qu’elle appelle «le grand âge», elle précise que les aumôniers accompagnants spirituels sont de plus en plus invités et appelés à savoir interagir avec tous les profils de personnes. «Du migrant hospitalisé à la vieille dame désorientée en passant par le papa accidenté à moto.»

Une attention qui fait mouche

L’attention des aumôniers n’est d’ailleurs pas portée uniquement sur les chrétiens. «Le moment festif que représente Noël est à peu près universel», note David Kneubühler, qui travaille principalement auprès de personnes migrantes placées en détention dans le cadre d’une procédure d’expulsion du territoire suisse, et «majoritairement musulmanes», à la prison de Moutier (BE). «Toutes savent que c’est une période où l’on reçoit au moins quelques petits cadeaux. On essaie alors de leur offrir une petite attention qui puisse améliorer leur quotidien».

Mais qu’offrir, alors? Pour l’Abbé Giovanni, aumônier catholique des Hôpitaux universitaires genevois (HUG), si le cadeau financé par les dons de la population genevoise et l’opération des «Tirelires de Noël» est «presque toujours apprécié, c’est l’intention qui touche et réchauffe un peu, dans un moment où l’on ne devrait pas se retrouver loin des siens».

Du côté de la prison, Christian Reist propose depuis dix ans à l’Établissement fermé Curabilis «un concert, avec de vrais musiciens professionnels, qui est autant une sorte de cadeau qu’une façon de valoriser les détenus. Par ailleurs, il propose également un atelier djembé à quelques détenus, qui offrent alors une performance musicale lors de la célébration œcuménique de Noël. A cette occasion, l’aumônier dit encore quelques mots à propos de «la lumière pour tous les êtres», à l’imagine de la présence de Dieu à Noël. «C’est d’ailleurs ce que recherchent les personnes qui sont en prison. Et particulièrement durant l’hiver. Un rayon de lumière. Un peu de chaleur.»

Pour Sabine Pétermann-Burnat, la musique est aussi un moyen de rapprocher les êtres. L’aumônière réformée en soins palliatifs de la Fondation Rive-Neuve à Blonay (VD) choisit chaque année «un conte symbolique, qui peut parler à tout le monde» avant de convier les patients, à chanter «les tubes de Noël, qui vont forcément chercher en chacun quelque chose de l’enfance. Même s'il s'agit peut-être de leur dernier Noël, ce moment est avant tout tourné vers la vie. C'est un moment vécu ensemble, c'est ça le principal.»

Espérance

Quant au message de Noël, l’aumônière catholique Agnès Chavanne Angiolini estime que la transmission d’un certain message de Noël est plus facile auprès des personnages âgées, qui ont «toutes encore plus ou moins un certain ancrage chrétien», même s’il n’est parfois qu’esthétique ou culturel.

Pour les personnes en détention avant expulsion dont s’occupe David Kneubühler, «il ne reste souvent pas beaucoup d’espoir et elles attendent simplement le jour de leur expulsion». Pour autant, lors d’une «petite célébration très simple», l’aumônier bernois s’exprime sur «le renouveau que représente Noël. Comme l’hiver passe et laisse la place au printemps, Noël est une promesse de temps meilleurs, qu’il y a une vie après la détention». Même si les personnes à qui on parle ne fêtent pas véritablement Noël habituellement, ces quelques mots peuvent avoir un effet.» 

Pour Marianne Weymann, il s’agit surtout de dire aux patients de l’institution psychiatrique où elle est aumônière que «Noël c’est l’espérance. Celle de recevoir la paix, le courage, mais surtout la confiance: Dieu est à nos côtés».