«A Neuchâtel, nous avons appris à vivre avec un Etat laïc»

«A Neuchâtel, nous avons appris à vivre avec un Etat laïc»

Florian Schubert, titulaire de la Collégiale et conseiller synodal de l’Eglise réformée neuchâteloise, veut se faire élire à l’exécutif de la faîtière protestante de Suisse.

Il n’a pas peur du cumul de mandats. Florian Schubert, 38 ans, est l’actuel pasteur de la Collégiale. Il est également conseiller synodal (Exécutif) de l’Eglise évangélique réformée du canton de Neuchâtel (EREN). Père de quatre enfants et plus que jamais engagé pour l’Evangile, il sévit également à Berne, où il représente la Suisse romande en tant que vice-président du Bureau du Synode de l’Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS). Il est désormais sur les rangs, face à deux Suisses alémaniques, pour accéder au Conseil de l’EERS. Interview.

Vous vous présentez au Conseil de l’EERS, quelles sont vos motivations?

Ma première motivation est de représenter les Eglises romandes. Les cantons bilingues Berne et Fribourg y sont déjà présents, mais les problématiques des Eglises francophones (baisse du nombre de croyants, problèmes budgétaires) ne sont pas leur réalité – en tout cas pas de façon aussi aiguë. Je crois qu’il y a donc beaucoup à apprendre d’une Eglise comme l’EREN.

C’est-à-dire?

Il est surtout relevé que nous avons besoin d’argent. Mais nous avons aussi appris à vivre avec un Etat laïc, qui nous challenge davantage, et une population qui n’est pas forcément acquise à notre cause. Comme à Genève, l’exigence par rapport à notre travail est plus grande. Notre peu de moyens n’empêche pas notre talent. Et à terme, cette précarisation est l’horizon de toutes les Eglises réformées.

Les Eglises alémaniques ne se sentent-elles concernées par vos difficultés?

Il faudrait déjà qu’elles soient au courant! Et de toute façon, leur argent provenant de l’impôt cantonal ne peut être redistribué. Notre faîtière a donc une responsabilité morale à accompagner les trois Eglises historiques de Suisse romande (Genève, Neuchâtel et Vaud, ndlr.) en difficulté. Car si les Vaudois sont bien subventionnés par l’Etat, ils nous emboîtent le pas: leur nombre d’inscrits au catéchisme est, par exemple, préoccupant.

Ce printemps, l’EREN a défrayé la chronique en interdisant les cérémonies laïques. Quelles en ont été les conséquences?

On a en tout cas accéléré un processus. Mais nous avons manqué de tact en procédant au vote avant d’en parler aux Communes, qui en sont majoritairement les propriétaires. Pour autant, ce vote stipulait également l'ouverture des temples à toutes les confessions chrétiennes, preuve que nous ne voulions plus nous poser comme les seuls dépositaires de la foi chrétienne en nos terres. Cela n’a malheureusement pas été entendu.

Que penser des nombreuses démissions au sein des Exécutifs réformés (EERS, Genève, Vaud)?

Cela est évidemment impactant pour notre image, déjà fragilisée, mais cela a aussi une vertu, qui est de pousser des personnes moins axées sur la préservation des structures en place à se présenter.

Dans ce cadre, votre jeunesse est-elle un atout selon vous?

Siéger dans ce genre de Conseil est souvent une récompense de fin de carrière. Je pense justement qu’une personne qui exerce en tant que pasteur et conseiller synodal, et qui a une vie de famille par ailleurs, doit aussi avoir accès à cette position-là, pour y raconter ses réalités de terrain.

La juriste Lucernoise Lilian Bachmann a démissionné du Conseil pour cause de «divergences de vues sur la future orientation stratégique de l’EERS». La connaissez vous?

Non, ces objectifs seront communiqués début octobre. Mais j’avoue qu’à cause de ces déclarations, tout le monde est très impatient de les connaître. J’ai toutefois un peu de peine à imaginer ce qui a tant pu lui déplaire, les objectifs de notre faîtière n’étant jamais à ce point révolutionnaires et contraignants.

Et si ces orientations ne vous semblent pas adéquates, vous retirerez-vous?

Si elles sont catastrophiques et que je ne peux m’y inscrire, bien sûr. Mais, parfois, il faut être dans une position stratégique pour comprendre la nécessité d’un objectif.

Abus: «Aucune institution n’est au-dessus de tout soupçon»

Les scandales de l’Eglise catholique suisse représentent-ils un danger pour les Eglises réformées?

Avant de parler des dangers pour une institution ou pour une autre, je pense qu'il faut saluer le fait que les victimes parlent et que la honte change de camp. Bien sûr, cette actualité est aussi un risque pour les réformés. L’idée que la religion est un danger augmente. Par ailleurs, aucune institution, aucune Eglise, aucun club de sport ou famille n'est au-dessus de tout soupçon. Ce qui compte c'est de détruire les fonctionnements qui génèrent ces abus et au fond j'y vois un rôle de l'Eglise. Elle doit être un lieu de ressource et d'écoute pour les victimes. Pour les cas qui sont déjà arrivés, les réformés ont une autre gouvernance et donc une autre façon de gérer ces abus.

Les Eglises de Berne-Jura-Soleure viennent d’ailleurs de suspendre une personne accusée d’atteinte à l’intégrité personnelle…

Le fait de ne pas avoir de justice parallèle tel que le droit canonique est une chance. La collaboration avec les autorités civiles se fait de façon plus naturelle. Toutefois, le pastorat a aussi exercé en son temps une forme de pouvoir qui a pu générer des cas d’abus et une tendance à les minimiser. Les victimes, en l’occurrence, étaient plutôt des femmes … Nous avons donc nous aussi à opérer une révolution copernicienne sur ce point, à l’image de la société tout entière: un pasteur mis au ban de sa communauté parce qu’il a commis un abus n’est jamais à plaindre!