Bénédiction pour tous: l’Eglise réformée de Neuchâtel assume sa diversité
Depuis l’été 2022, il est possible de célébrer une union de personnes de même sexe au sein de l’Eglise réformée évangélique du canton de Neuchâtel (EREN). Mais comment? Et sur quelles bases théologiques? Afin de répondre à ces interrogations, un groupe de travail, mandaté par le Conseil synodal de l’EREN, a remis en mars un rapport à l’Exécutif ecclésial neuchâtelois. Présenté publiquement lors du synode d’été de l’EREN, qui s’est tenu mercredi 7 juin aux Geneveys-sur-Coffrane (Val-de-Ruz), ce document est le «fruit d’un travail long et laborieux», comme l’a souligné Florian Schubert, conseiller synodal. Toutefois s’il donne des pistes historiques, juridiques et linguistiques et théologiques, ce rapport ne contient pas de proposition liturgique dédiée.
«Ce travail expose avant tout deux libertés fondamentales qui doivent perdurer dans notre Eglise: celle de bénir tous les couples souhaitant se marier, et celle, pour un pasteur, de pouvoir refuser de célébrer une union entre deux personnes de même sexe», a encore commenté Florian Schubert. En effet, si l’EREN «refuse l’homophobie et les extrêmes», une pluralité d’opinions est exposée dans ce rapport. «Nous y sommes d’accord sur des points essentiels, bien qu’il n’y a ait pas de position unique.»
Parmi les points où le groupe de travail s’accorde figure notamment l’option «d’une seule bénédiction de mariage pour toutes et tous». Cela dit, le rapport suggère de la décliner «sous des formes diverses», afin de «différencier sans discriminer». En cause notamment, la conception partagée par une partie du groupe de travail, selon laquelle une union devant Dieu célébrerait «l’altérité homme-femme» au sein d’un couple.
Pour Julien von Allmen, président du conseil paroissial des Hautes Joux, «une montagne a accouché d’une souris». Selon lui, ce «consensus» servirait «plus à alimenter le débat qu’autre chose». Côté pratique, Julien von Allmen regrette encore que ce rapport ne propose pas de marche à suivre «pour tout pasteur en désaccord avec l’idée de marier deux personnes de même sexe». Une manque également pointé par la députée laïque Christine Landry: «Qui faudra-t-il contacter si un pasteur ne souhaite pas entrer en matière?». La pasteure Esther Berger, présidente du Synode, propose de choisir «le bon sens»: «Ce n’est pas forcément compliqué. Si un ministre ne peut pas assumer un acte ecclésiastique, il en parle à ses collègues, et trouve un remplaçant».
Une autre question centrale de ce rapport est celle de savoir «si la bénédiction s’adresse à ces personnes en tant qu’individus ou en tant que couple uni par le mariage». En effet, la bénédiction d’une alliance hétérosexuelle peut aussi être destinée «aux enfants à naître et non pas aux mariés». Sans trancher, le rapport fait comprendre que bénir les personnes plutôt que les alliances permettrait de toujours moins différencier les unions homo et hétérosensibles. «Privilégier la bénédiction de personnes aurait été l’occasion de renforcer notre unité et de ne pas laisser les choses en plan», commente la députée laïque Miriame Schneeberger. Selon cette dernière, «l’Eglise serait bien en peine de refuser à un chrétien ou une chrétienne la bénédiction individuelle de son Dieu».
Soulevant la possibilité d’établir «une liste de pasteurs qui souhaiteraient célébrer ces unions», le pasteur et président du Conseil synodal Yves Bourquin relève enfin qu’un «plan de base sur l’accompagnement de ces couples» pourrait être conçu «s’il y a demande». Car pour l’heure, aucun couple de personnes de même sexe n’aurait approché l’EREN en ce sens, malgré un partenariat avec l’association chrétienne et LGBTIQ+ Arc-en-ciel, «interface privilégiée» des réformés neuchâtelois «avec les membres de ces communautés». Si un «livret de liturgie» doit encore être élaboré par un autre groupe de travail, le Conseil synodal estime donc qu’un «moratoire est nécessaire pour accueillir les demandes concrètes sur le terrain». A suivre.