L’Église protestante de Genève face à de graves difficultés financières
Le constat est sans appel. «Les dons sont en recul de 40% par rapport à la moyenne des six dernières années», relève Joël Rochat, trésorier de l’Eglise protestante de Genève (EPG). «Et le fléchissement continue», pointe encore le responsable du dicastère financier du Conseil du Consistoire (exécutif). Laïcité genevoise oblige, l’EPG n’est financée que par les dons de ses membres et de fondations diverses, contrairement aux autres Eglises romandes, à l’exception de Neuchâtel. Rien que pour sa masse salariale, l’EPG a dépensé 9,1 millions de francs en 2021, soit les trois quarts de son budget, tandis que les dons, cette année, ne lui en rapportent plus que 8,7.
La cause du problème: «Nos paroissiens prennent de l’âge et sont toujours moins nombreux», relève Stefan Keller, secrétaire général. Ce qui, pour l’institution religieuse, implique «une dépendance plus forte aux grands donateurs, qui contribuent de manière substantielle au budget de l’EPG», souligne Joël Rochat, désignant par là les dons privés d’au moins 10 000 francs. L’EPG est-elle donc en crise? «Le problème ou la chance de cette baisse constante, c’est qu’elle va nous obliger à revoir la structure de notre Eglise», pose la présidente de l’institution, Eva Di Fortunato.
La chute des dons étant devenue dangereusement récurrente, le Conseil du Consistoire de l’EPG réfléchit à des solutions durables pour combler le manque à gagner. Et si la première piste consiste à dépenser moins, Eva Di Fortunato l’assure: «Il est exclu de licencier.» Cela d’autant qu’une prochaine vague de départs à la retraite chez les pasteurs risque de provoquer un sérieux manque d’effectifs, que la relève, actuellement trop faible, peinera à endiguer.
A la recherche de solutions, la présidente de l’EPG s’est lancée dans une tournée d’information auprès de la trentaine de paroisses du canton, dans le but de proposer un nouveau financement de la masse salariale de l’Eglise, à laquelle les paroisses ne participent pour l’heure que modestement. En clair: la possibilité de mettre en place un mécanisme à travers lequel les paroisses seraient appelées à contribuer. Pour l’heure, ces dernières ont consenti des prêts, effort qui se révèle insuffisant. «Une vraie solidarité n’est pas constituée de prêts!» commente la présidente.
Côté dépenses, l’EPG veut aussi revoir les «subventions et dotations allouées aux associations qui font partie du réseau ecclésial et les contributions qui se font dans le cadre de la coordination entre Eglises», renseigne Stefan Keller. «Il ne s’agit pas d’arrêter nos propres dons. Mais il est urgent d’opérer un ajustement sur certaines de ces sommes, qui n’ont jamais été remises en question», ajoute Eva Di Fortunato.
Une autre solution envisagée consiste à faire fructifier le parc immobilier de l’EPG. «Actuellement, les revenus immobiliers financent 10% de notre budget», explique Joël Rochat. «Nous avons pour objectif de doubler ce pourcentage dans les cinq ou six ans à venir. C’est ambitieux, mais réalisable», avance-t-il avant d’évoquer les trois projets en cours de réalisation. Restant encore discret sur le premier, qui attend une autorisation de construire imminente, Joël Rochat détaille les deux suivants: «A Veyrier, il s’agit de bâtir un immeuble d’habitation sur une de nos parcelles. A Champel, c’est un projet plus conséquent, avec un immeuble et un nouveau lieu de culte.» Et Stefan Keller d’ajouter que «l’EPG a déjà transformé et mis en location ses presbytères, qui servaient autrefois de logements de fonction». Et vendre? «L’EPG veut rester propriétaire de ses biens», déclare Joël Rochat.
Interrogé sur la possibilité d’intéresser de nouveaux membres, et donc de nouveaux contributeurs, le pasteur Emmanuel Rolland, responsable de la mission au sein de l’EPG, recadre: «Avant de demander à des personnes extérieures de venir financer notre Eglise, nous devons miser sur une prise de conscience de la part des protestants genevois.» Selon Eva Di Fortunato, il est urgent de rappeler à la société que l’Eglise est reconnue d’utilité publique, notamment grâce à son travail d’aumônerie en hôpital, les services funèbres et l’entretien de bâtiments historiques comme la cathédrale Saint-Pierre. La balle est donc dans le camp des protestants.