Une nuit étoilée de prédications

Une nuit étoilée de prédications

Le 30 septembre, la cathédrale Saint-Pierre accueillera pour la première fois une «Nuit de la prédication», où se succéderont une vingtaine d’orateurs et oratrices jusqu’au petit matin.

Le rendez-vous nocturne est lancé: ce vendredi 30 septembre, la cathédrale Saint-Pierre de Genève inaugure sa première «Nuit de la prédication». Une vingtaine de prédicateurs et prédicatrices, du bout du lac ou d’ailleurs, inviteront le public à tendre les oreilles vers les cieux jusqu’au bout de la nuit.

Le but d’un tel événement? «C’est une façon pour nous de proposer une expérience originale de la Parole pendant la nuit qui n'est généralement pas le temps de la prédication», formule Bruno Gérard, le pasteur de l'Eglise protestante de (EPG)  à l’origine de l’initiative avec sa consœur Sandrine Landeau. Et de pointer: «La prédication reste l'événement central dans la liturgie protestante réformée, surtout ici à Genève où a résonné une parole forte au XVIe siècle avec Jean Calvin. Notre Église, toujours en réforme, se doit de proposer, en plus du culte traditionnel, des temps extraordinaires pour rejoindre d'autres personnes que les habituées du lieu.»

Les prêches d’une quinzaine de minutes seront entrecoupés de moments musicaux emmenés par l’organiste titulaire de la paroisse, Vincent Thévenaz. Une plongée dans la riche pluralité protestante en matière de prédications, qui emmènera les plus courageux jusqu’à la table du petit-déjeuner offert par la paroisse. Une manifestation qui se veut grand public. Vraiment? «Notre foi et notre conviction restent que la Parole est toujours pertinente pour nos vies et qu'elle continue de nous porter dans nos quotidiens. C'est pour cela que nous nous employons à la diffuser de toutes les manières qui nous sont offertes», exprime encore Bruno Gérard. Avant de conclure: «Oserez-vous pousser la porte et vous joindre à nous, pour un moment ou pour toute la nuit?»

Nuit de la prédication, l’occasion idéale pour demander à deux prédicateurs de nous ouvrir la porte de leur atelier personnel et inspiré. Rencontres.

Philippe Golaz, pasteur de Meyrin

Comment vous vient l'idée d'une prédication?

J’aime fonctionner par série thématique ou par lecture continue. En ce moment je termine de prêcher sur l’épître aux Éphésiens, commencée au mois de janvier. Cela me permet de me confronter à des textes que j’aurais peut-être cherché à éviter autrement, comme celui d’Éphésiens 5, le fameux « femmes soyez soumises à vos maris».

Comment y travaillez-vous?

Cela peut varier. Je commence généralement par une étude inductive du texte, soit une lecture en plusieurs fois où je me pose certaines questions: quels sont les personnages, les lieux, les indications de temps? Y a-t-il des répétitions, des éléments de langage particulier? Tout cela afin d’essayer de dégager des premiers éléments de réponse à la grande question: que signifie ce texte dans son contexte? Puis je reprends la lecture en me demandant: que signifie ce texte pour moi, aujourd’hui, et à quoi m’invite-t-il? Après un petit passage par le grec ou l’hébreu, j’aborde la lecture de commentaires, et parfois aussi d’autres prédications. Enfin, j’élabore un premier squelette sur la base de mes découvertes et notes, auquel je donne ensuite de la teneur.

Vous-même qu'attendez-vous d'une prédication?

J’attends d’une prédication qu’elle réponde à deux questions essentielles: Que signifie ce texte dans son contexte? Et que signifie ce texte pour nous aujourd’hui? Elle ne doit également pas viser uniquement d’acquérir des connaissances factuelles, mais elle doit pouvoir nous mettre en route, nous édifier, nous encourager dans notre foi. Elle doit permettre de mieux nous connaître et de mieux connaître Dieu.

Y a-t-il eu prédication qui vous a marqué durablement?

En 2018 j’assistais à une conférence pour pasteurs en Pologne où Tim Keller enseignait. Il a prêché un jour sur le récit du Mont Carmel et l’affrontement entre Elie et les prophètes de Baal. Il a présenté le rôle de nos ministères comme étant ceux d’empiler le bois en attendant que Dieu envoie son feu. Cela m’a beaucoup encouragé à «travailler comme si tout dépendait de moi et à prier comme si tout dépendait de Dieu» pour reprendre la maxime attribuée à Martin Luther. Le ministère pastoral peut être exigeant, et peut sembler parfois voué à l’échec. Mais nous sommes bien loin d’être seuls. Et là où la tâche peut paraître impossible, nous découvrons alors qu’à Dieu rien n’est impossible.

 

Elise Cairus théologienne et autrice

Comment vous vient l'idée d'une prédication?

De deux manières distinctes, je dirais, soit parce qu'un texte biblique m'inspire une méditation et donc un message peut survenir, il faut donc lire et méditer la Bible, soit à travers ce que je vis ou entends dans ma vie de tous les jours à travers des rencontres ou des situations qui peuvent faire penser à tel ou tel texte biblique.

Comment y travaillez-vous?

D'abord en lisant et relisant le texte, aussi dans sa langue d'origine, hébreu pour l'Ancien Testament et grec pour le Nouveau. Cette étape est primordiale pour ne pas passer à côté de ce qu'a voulu transmettre le rédacteur. Cela implique une exégèse. Puis une interprétation du passage. Ensuite en méditant le texte, en priant, aussi, et souvent c'est un verset ou un extrait court qui retient l'attention et qui inspire le message qui doit être donné. Ensuite un premier jet, puis un retravail du texte et bien sûr un «entraînement» à l'oral puisqu'une prédication est destinée à être dite et non lue. Cela doit «sonner». C'est un travail sur plusieurs jours, pas des heures d'affilées, mais il faut la laisser naître dans le cœur et la tête. Idéalement la laisser reposer 1-2 jours ou deux avant l'échéance.

Qu'attendez-vous d'une prédication?

Une sorte de «guide» pour les jours à venir, voire pour un temps plus long. Rares sont les prédications dont on se souvient longtemps, je dois dire...

Une prédication qui m'a marquée durablement?

Oui, une seule! Celle du pasteur français Alain Houziaux à l'Assemblée du Désert de septembre 2007 qui parlait de la foi, à partir de Juges 6, 14: «Va avec la force que tu as, n'est-ce pas moi qui t'envoie?», dit Dieu à Gédéon. Cela nous a inspirés pour le verset de baptême de notre fille en 2010 et c'est un verset qui nous reste dans les moments difficiles de la vie. Le pasteur Houziaux avait aussi comparé la foi à un petit bouchon de liège qui flotte au-milieu des tempêtes, jamais submergé, c'est la seule chose qui ressort de l'eau, finalement. Un beau programme, difficile à suivre, somme toute!