Les réformés ne veulent plus de Kirill

Les réformés ne veulent plus de Kirill

Lors du Synode d’été de la faîtière des Églises réformées de Suisse, les délégués ont largement accepté une motion demandant que soit examinée la suspension de l’Église orthodoxe russe du Conseil œcuménique des Églises (COE).

Qui doutait encore de la dimension religieuse de la guerre en Ukraine? Selon Michel Müller, président de l’Église réformée zurichoise et auteur d’une motion anti-Kirill soumise au vote lors du dernier Synode (organe délibérant) de l’Église évangélique réformée de Suisse (EERS), qui s’est tenu à Sion entre les 12 et 14 juin derniers, l’attitude du patriarche de l’Église orthodoxe russe est «insupportable pour l’ensemble de l’œcuménisme».

Ayant récolté 44 «oui» contre 29 «non» et trois abstentions, la motion en question demandait à l’EERS, qui siège au comité central du Conseil œcuménique des Églises (COE), «d’examiner la suspension, voire l’exclusion, de l’Église orthodoxe russe du COE», qui fait partie des 352 Églises membres. La démarche, lancée par les Églises réformées de Zurich et du Tessin, et soutenue par celle de Neuchâtel, avait pour ambition que l’EERS, la faîtière des Églises réformées de Suisse, critique «la légitimation ecclésiale par le Patriarcat d’une guerre d’agression et de crimes de guerre présumés», comme le stipulait la motion. Pour Michel Müller, qui a longuement pris la parole ce lundi à Sion, voir son Église «rester membre d’une association dont l’un des autres membres soutient une guerre absolument brutale et cruelle représente une réelle souffrance», a-t-il notamment déclaré.

Genève, puis Karlsruhe

À l’approche de l’assemblée générale du COE, qui se tiendra cet automne à Karlsruhe, en Allemagne, l’adoption de cette motion pose la question d’une potentielle rupture de dialogue avec l’Église orthodoxe russe. Selon Heinz Fäh, délégué saint-gallois de l’EERS qui assistera à l’assemblée de Karlsruhe et qui a également pris la parole lundi à Sion, «il serait impossible de faire entendre raison à l’Église orthodoxe russe si elle ne s’asseyait plus à la table du COE». Toutefois, dans le texte de sa motion, Michel Müller renseignait sur le fait que «le simple objectif du maintien du dialogue ne saurait être déterminant, car il est possible de mener des échanges même avec un membre suspendu, pour autant que la position du COE soit claire».

Du côté du Conseil (exécutif) de l’EERS, un avis défavorable a été exprimé contre cette motion. La présidente des réformés, Rita Famos, a exprimé lundi qu’une suspension «creuserait un fossé avec le monde occidental». Pour Pierre-Philippe Blaser, président de l’Église évangélique réformée du canton de Fribourg et membre du Conseil de l’EERS, «cela reviendrait à donner de l’eau au moulin de Kirill, selon lequel l’Occident est en pleine décadence». Et d’ajouter que, «en restant membre du COE, l’Église orthodoxe russe ne risquera pas de se sentir autosuffisante». Mais le texte est largement passé, ce lundi. Aussi, Serge Fornerod, en charge des relations extérieures de l’EERS, a reçu le mandat de demander officiellement cette exclusion au COE. Son comité central se réunit actuellement à Genève, et ce jusqu’à samedi.