Niet: Kirill ne reniera pas Poutine
Moscou exprime sans détours sa position, dans un courrier daté du 10 mars. Alors qu’il était sollicité par la communion des Églises pour intervenir auprès du Kremlin afin de mettre un terme au conflit actuel, le chef religieux de l’Église orthodoxe russe demande clairement au CEO de «rester une plate-forme de dialogue impartial, libre de toute préférence politique et de toute approche unilatérale».
Pour autant, le patriarche de Moscou n’en a pas moins exprimer son opinion personnelle quant aux origines du conflit. «Je suis fermement convaincu que ses initiateurs ne sont pas les peuples de Russie et d'Ukraine, qui sont sortis des mêmes fonts baptismaux de Kiev, sont unis par une foi commune, des saints et des prières communs, et partagent un destin historique commun. (...) Les origines de la confrontation se trouvent dans les relations entre l'Occident et la Russie.» Et de poursuivre: «Année après année, mois après mois, les États membres de l'OTAN ont renforcé leur présence militaire, sans tenir compte des préoccupations de la Russie, qui craint que ces armes ne soient un jour utilisées contre elle.»
Il accuse les pays occidentaux d’avoir «tenté de faire des peuples frères - Russes et Ukrainiens - des ennemis», «n’épargnant aucun effort ni fonds financiers» pour armer l’Ukraine. Et poursuivre: «Pourtant, le plus terrible n'est pas les armes, mais la tentative de "rééducation", de transformation mentale des Ukrainiens et des Russes vivant en Ukraine en ennemis de la Russie.» Des propos qui font écho à son homélie du 6 mars, où il pointait une lutte «métaphysique» contre le mode de vie occidental, pointant en particulier les parades de gay pride, signe d’appartenance manifeste, à ses yeux, à un monde «décadent» et «dénoncé par Dieu dans sa Parole». «Nous ne supporterons jamais ceux qui détruisent cette loi, en effaçant la ligne de démarcation entre la sainteté et le péché, et surtout ceux qui promeuvent le péché comme modèle ou comme modèle de comportement humain», avait-il encore proclamé.
Dans sa missive adressée au COE, Kirill de Moscou revient également à la question du Dombass jamais réglée, mais également au «schisme ecclésiastique créé par le patriarche Bartholomée de Constantinople en 2018», lorsque celui-ci a reconnu l’Église orthodoxe indépendante d’Ukraine. Et dénonce les sanctions économiques décidées contre son pays ainsi que «la russophobie qui se répand dans le monde occidental à un rythme sans précédent».
L’Église orthodoxe de Russie est membre du COE depuis 1961. Comme l’a rappelé dans une interview son directeur des Affaires internationales Peter Prove, «le rôle du COE est toujours d’être dans le dialogue et non la rupture», ne serait-ce que pour garder un canal de discussion au moins entre les Églises concernées.
Réaction au sein du patriarcat russe à Genève*
Archiprêtre mitré Emilien Pochinok, responsable administratif de la chancellerie de la Cathédrale de l’Exaltation de la Saite Croix à Genève.
Les regards se tournent aujourd'hui vers le patriarche Kirill pour qu'il dénonce l'invasion de l'Ukraine. Comment percevez-vous son rôle potentiel et son attitude dans la crise actuelle?
Aujourd'hui, on s'attend à ce que l'Église arbore des drapeaux qui signifieront son soutien à l'une ou l'autre des parties au conflit. Nous ne pouvons pas rester sous la bannière. La raison est simple: nous sommes avec le Christ!
C’est-à-dire, dans la situation actuelle?
On se pose souvent la question: avec qui est-il aujourd'hui? Il est avec les gens qui souffrent.
Il est avec ceux qui ont souffert avant et qui souffrent aujourd'hui. Avec ceux qui ont peur, il est avec les mères dont le cœur se brise pour les enfants, avec ceux qui ont perdu leur maison, avec ceux qui souffrent. Il est avec eux.
Et où se situe l’Église orthodoxe russe?
Eh bien, l'Église est là où Il est, et cette position est une position fondamentale. Nous sommes pour la paix de toutes les nations!
Plusieurs Églises orthodoxes russes ont écrit au patriarche Kirill. Êtes-vous inquiet pour l'unité de votre Église?
Nous souhaitons rester en dehors de la politique. Je vous remercierais de le comprendre.
Comment la situation actuelle impacte-t-elle votre communauté? Quels sont les retours de vos fidèles?
La Cathédrale de l’Exaltation Saite Croix Genève (ROCOR) est une paroisse multinationales et multi culturelle, centrée sur le respect et l’amour du prochain. C’est le trésor et la priorité de notre Église. Nous sommes tous différents, mais en même temps, nous nous retrouvons sur la volonté d’aider sont qui sont dans la souffrance et que la paix soit retrouvée.
*Cet entretien sur la situation actuelle a été engrangé avant la réponse de Kirill de Moscou au COE.