Aux États-Unis, les Églises noires hésitent à rouvrir
Aux États-Unis, alors que de nombreuses congrégations ont repris les offices religieux en présentiel depuis des semaines voire des mois, en respectant le port du masque et la distanciation sociale, certains membres du clergé afro-américain continuent d’organiser exclusivement des services à distance. Quant aux fidèles, même si leur église à rouvert ils préfèrent regarder les offices en direct depuis chez eux.
«Chaque Église doit définir où elle situe sa ligne de sécurité», formule Howard-John Wesley, révérend d’une Église baptiste à Alexandria, en Virginie. «Dans notre cas, nous estimons que glorifier Dieu revient davantage à ne mettre personne en danger.»
Suite au décès d’un membre de la communauté âgé de 39 ans, cette Église baptiste a opté pour la prudence. Le révérend Howard-John Wesley estime que nombre de ses collègues ont adopté la même attitude : «Si certains chrétiens évangéliques blancs conservateur ont rouvert leurs églises et s’en remettent à leur foi en un Dieu qui les protégera, la perception est très différente au sein des communautés afro-américaines.»
Même son de cloche du côté de l’Église baptiste de Philadelphie, dirigée par la révérende Leslie Callahan, qui a choisi de proposer, en septembre, des services en plein-air limités à 50 personnes. Seuls 35 fidèles ont assisté au premier, 50 au second, tandis tandis que les autres membres regardaient en ligne.
«La pandémie a été plus dure pour nous», expose-t-elle en parlant des Afro-américains. Les centres américains de contrôle et de prévention des maladies ont en effet indiqué, début septembre, que les Noirs américains ont deux fois plus de risques de mourir du COVID-19 que les Américains blancs. Une conclusion également rapportée par l’organisation militant pour le respect des droits civiques National Urban League dans son rapport 2020.
Face aux chiffres, ainsi qu’à l’émergence de nouveaux variants du virus, la prudence est de mise, tant du côté des ministres que des fidèles. «Je voulais rouvrir en septembre, j'ai rencontré nos fidèles mais ils n'étaient pas prêts à revenir», raconte le révérend W. Franklyn Richardson, pasteur d’une Église baptiste à Mount Vernon, dans l'État de New York. Les débats autour de l’éventuelle nécessité d'une piqûre de rappel renforcent encore les inquiétudes liées aux différents variants. De fait, le révérend W. Franklyn Richardson a cessé d'envisager une ouverture en novembre et a repoussé ses plans de deux mois supplémentaires.
L‘Institut Pew Research Center a déjà pu observer le lent retour au culte en présence parmi les congrégations protestantes historiquement noires dans une enquête réalisée en mars 2021. Selon cette étude, plus d'un quart des Noirs (28%) qui assistent régulièrement à des services religieux ont déclaré que leur lieu de culte devrait rester fermée à cause de la pandémie, comparé à 9% du côté des fidèles blancs et 14% des Hispano-américains. De même, seulement 30% des fidèles afro-américains se disent «très confiants de pouvoir assister aux offices en toute sécurité», contre 36% des Hispaniques et 53% des Blancs.
Le clivage racial entre les méga-églises et les petites congrégations persisterait-il? «J'ai l'impression que les Églises traditionnelles sont plus hésitantes, de même que les Églises noires et latines qui ont été touchées de manière disproportionnée par le virus et ont eu moins accès aux vaccins», explique le sociologue des religions Scott Thumma.
«Même du côté des Églises qui sont passées à un format hybride, entre présentiel et virtuel, la majorité des fidèles sont encore en ligne», exprime, pour sa part, Kip Banks, pasteur à Washington. Et d’asséner: «L'Église doit s'adapter au culte en ligne. Il va perdurer.»
Si la majorité des Églises noires restent fermées pour le culte dominical, elles ont souvent maintenu d'autres rituels ou traditions. En Virginie, le révérend Wesley a déclaré avoir célébré une douzaine de mariages depuis le début de la pandémie, dans des lieux tels que des musées et des quartiers d'art. Son Église a également organisé quelques funérailles, en demandant aux familles de déterminer la liste des 50 personnes qui peuvent assister à l'office.
Dans l’État de New York, le révérend W. Franklyn Richardson a précisé qu’au plus fort de la pandémie, son Église avait distribué de la nourriture à 500 familles chaque semaine, transformant un de ses bâtiments en un lieu de stockage et de distribution. «Les églises afro-américaines ont été des centres de distribution de nourriture, de vaccination et de dépistage», souligne-t-il. Même dans une période où elles n'ont pas pu être ouvertes pour les services religieux, «elles sont devenues de véritables centres de services destiné à la communauté.»