Dans les paroisses, on attend le retour de l’apéro
«Après la reprise de la cène, certains paroissiens m’ont dit que ce qui leur pèse le plus, ce n’était pas l’absence d’eucharistie, mais de collation», explique Nicolas Charrière, pasteur à Romainmôtier (VD). «Les mesures de distance physique entre les gens que l’on doit respecter aujourd’hui pèsent sur les fidèles. Elles donnent l’impression que l’autre est source de méfiance et de danger alors que dans une communauté l’autre devrait être source d’enrichissement et de partage», développe le ministre. «C’est vrai qu’il n’y a plus beaucoup de vie communautaire, mais ce qui lie la communauté c’est le culte», assure pour sa part Alice Duport, pasteure au Val-de-Ruz (NE). «Dans le fond, tout le monde joue le jeu dans un esprit bon enfant», assure-t-elle. «J’accueille les paroissiens à l’entrée et leur asperge les mains de solutions hydroalcooliques, ce qui donne souvent lieu à des plaisanteries!»
«La sainte cène se passe uniquement en défilé avec des gobelets individuels et du pain précoupé», rapporte Yves Bourquin, pasteur à la paroisse neuchâteloise du Joran (Bevaix – Boudry – Cortaillod). «Le sens fondamental de la cène protestante, qui est de former par un grand cercle le corps du Christ qu’est l’Eglise, ne peut plus se vivre symboliquement. Même si nos paroissiens préfèrent célébrer la cène plutôt que de ne pas la célébrer du tout. Ils sentent que son fondement spirituel est tronqué. Ils remarquent plus que jamais que la forme est au service du sens», analyse le pasteur. De nombreuses paroisses romandes ont, par ailleurs renoncé pour le moment à la cène. «Quand on refera la cène, ce sera la fête», se réjouit ainsi Liliane Gujer, pasteure à Grandval (BE). «Il y a ainsi une forme de promesse dans l’air!» Outre, les limitations imposées à la cène, de nombreuses paroisses ont dû renoncer aux petits lieux de culte et centraliser les célébrations dans le plus grand de leurs temples. Par ailleurs, certains plannings ont été bouleversés par le fait que des ministres faisant partie des groupes à risque n’ont pas pu reprendre le chemin des églises. «Ce qui est important, c’est que les paroissiens soient informés, qu’ils se sentent impliqués dans les décisions», a expérimenté Liliane Gujer. Ce qui n’est pas toujours facile, à en croire Emmanuelle Jacquat, pasteure à Chavornay: «Pour que les organistes, les lecteurs puissent s’organiser, pour que l’information soit dans Réformés, nous devons souvent préparer les agendas des mois en avance, ce qui a provoqué quelques incompréhensions avec des directives qui ont changé souvent très vite.» «Le vrai problème, ce sont les baptêmes. Avec les limitations d'accueil dans le temple, quand une famille vient à trente, il n’y a plus de place pour les paroissiens. Il faut inventer des solutions», explique Alice Duport. Les services funèbres posent des questions du même ordre.
«Nos paroissiens ont vraiment été, à l’image de la société, répartis en trois catégories. Ceux qui se demandaient où étaient les Saints François d’Assises qui embrassaient les lépreux, ceux qui étaient terrorisés par la pandémie, et ceux qui prenaient les précautions au sérieux, mais sans que cela ne les immobilise », explique Elisabeth Schenker, pasteure à Carouge (GE). «Il y a tout de même quelques personnes qui ont renoncé pour le moment à venir au culte, parce qu’elles ne s’y retrouvent pas dans ces conditions», note-t-elle. «Il y a peut-être plus de frustration du côté des pasteurs, qui sont freinés dans leurs projets», note Liliane Gujer. Carolina Costa, pasteure à Genève, abonde: «C’est peut-être l’occasion de se recentrer sur l’accompagnement plus spirituel de celles et ceux qui sont là. Je pense que l’on va en profiter pour développer la croissance intérieure.»