Rendre le mot «Dieu» davantage inclusif

Rendre le mot «Dieu» davantage inclusif

L’Église épiscopale a longuement débattu du sens de mot «Dieu»
Comment faire pour que tous les êtres se retrouvent dans la terminologie utilisée dans les livres de prières?

Photo: Les députés de l’Église épiscopale ©RNS/Episcopal News Service/ David Paulsen

, Austin, Texas, RNS/Protestinter

Pour certains observateurs, essentiellement sur internet, le débat de fonds de la Convention générale triennale de l'Église épiscopale semblait vouloir changer le sexe de Dieu. Les évêques, les prêtres et les délégués laïcs, réunis à Austin du 5 au 13 juillet, ont discuté d'une législation qui apporterait des changements au livre de prières communes, dans le but de supprimer certaines descriptions masculines de Dieu en faveur d'un langage plus «inclusif».

Pendant les différents débats, les délégués ont abordé la tradition, la théologie et ce que signifie «être accueillant». L'un d'eux a soutenu que les enfants de tous les sexes devraient entendre un langage qui leur permet de se sentir avoir été créés à l'image de Dieu. Un autre intervenant, un délégué d'une paroisse urbaine qui dessert les familles pauvres, a déclaré que la nature masculine de Dieu était cruciale pour les enfants qui grandissaient sans père.

«Les deux parties s'inquiètent tant de froisser les fidèles que de ne pas accueillir les personnes qui ne font pas encore partie de l’Église», a expliqué la révérende Cathy Tyndall Boyd, rectrice de l'Église épiscopale de Saint- Martin à Williamsburg, en Virginie. Certains délégués ont également des préoccupations pratiques. Les opposants à la révision estiment que le coût de développement de la langue serait d'environ 1,9 million de dollars, plus 8 millions de dollars pour imprimer et distribuer les nouveaux livres. Ils pensent que cet argent devrait plutôt servir à l'évangélisation, à la réconciliation raciale et à la formation de nouveaux responsables.

Un débat public

La discussion a également attiré l'attention à l'extérieur de l'Église épiscopale. Les chrétiens traditionalistes, y compris ceux dont les propres dénominations envisagent des changements similaires, s'inquiètent que des termes neutres pour parler Dieu sapent le concept de la Trinité. La révérende Ruth Meyers, professeur de liturgie à la Church Divinity School à Berkeley, en Californie, a souligné que la proposition ne devait pas être considérée comme une tentative de neutralisation de Dieu.

«Il ne s'agit pas d'éliminer le langage tel que ‘Dieu le Père’, à propos de ‘Jésus le Fils’. Il s'agit d'élargir le langage pour définir Dieu afin que chaque personne puisse voir et comprendre qu'elle est faite à son image.» En effet, de nombreux commentaires émanant de la salle de conférence ont montré que les préoccupations concernaient autre chose que strictement le genre.

Selon certains, le livre de prières a besoin d'un langage plus clair par rapport au salut, à la théologie de l'expiation et à la direction de la création. Une prière actuellement sur le pain et le vin pendant le sacrement de l'Eucharistie décrit l'humanité comme «les dirigeants de la création». Elle pourrait être changée en «intendants de la création».

Améliorer les perspectives culturelles

Les délégués ont également suggéré d'élargir les perspectives culturelles dans le livre de prières. Par exemple, une prière d'Action de grâce qui s'ouvre avec «Dieu tout-puissant, qui nous a donné cette terre en héritage» pourrait blesser les Amérindiens. Des inquiétudes ont également été soulevées au sujet du fait que certaines traductions sont inadéquates en espagnol, en français et en créole haïtien.

Les épiscopaliens ne sont pas la dénomination la plus progressiste en ce qui concerne la langue. Il y a vingt ans, ils ont publié un supplément au livre de prières incorporant un langage non sexiste. De son côté, l'Association unitarienne universaliste va faire en sorte, lors de son Assemblée générale cet été, que tous les termes des statuts de l'Église soient neutres. Quant à lui, le mouvement réformé du judaïsme utilise un langage non sexiste dans son livre de prières depuis 2007.

C’est peut-être parce que les épiscopaliens représentent un très large éventail de croyances et de théologies qu’ils considèrent le livre de prières comme le «principal symbole de leur unité». Publié à l'origine en 1549 après la rupture entre l'Angleterre et l'Église catholique romaine, le livre est utilisé dans diverses versions par la Communion anglicane mondiale. L'Église épiscopale a mis à jour le Livre de la prière commune en 1979, révisant la version de 1928 et y ajoutant le langage de la prière moderne et de nouveaux rites. Les changements ont inévitablement suscité l'indignation parmi les traditionalistes.

De très lents changements

Sensibles à ces différentes opinions, les délégués ont salué la teneur des débats, a précisé le révérend Samuel Candler, président du comité de la législation sur les livres de prières. «Le mouvement de l'esprit même se retrouve dans ces discussions». Si c'est bien le cas, l'esprit se déplace très lentement. Passer une résolution exige l'approbation des deux chambres de l'organe de direction de l'Église: la Chambre des Évêques et la Chambre des Députés, cette dernière étant composée de membres du clergé et de laïcs élus dans chaque diocèse.

Mercredi 11 juillet, la Chambre des députés a adopté la version amendée de la résolution des évêques, qui ne cherche pas à réviser le livre de prières, mais appelle à un groupe de travail pour étudier d'autres options liturgiques avec un langage neutre. Elle encourage également les évêques à s'engager avec leurs congrégations locales dans l'expérimentation du culte et de nouveaux textes liturgiques.

La révérende Susan Russell, une députée du comité chargé de la révision du livre de prières, a affirmé que le compromis ouvrait une voie intermédiaire: écouter ceux qui désiraient préserver la langue du livre de prières de 1979 et ceux qui aspirent à un langage plus inclusif. «C'est comme choisir d'ajouter quelque chose à une maison existante plutôt que de la remodeler entièrement».

Adapter le langage divin

De son côté, la révérende Mary Sulerud connaît bien les défis de la réadaptation du langage divin. Alors qu'elle fréquentait le Virginia Theological Seminary dans les années 1980, elle a participé à des essais de liturgies supplémentaires qui utilisaient des termes neutres pour parler de Dieu et qui soulignaient le rôle des femmes dans l'histoire de l'Église. Certaines de ces prières ont été utilisées dans «Enriching Our Worship», la ressource liturgique développée dans les années 1990 utilisée parallèlement au livre de prières. Devenue une référence pour le discernement et la vitalité dans la congrégation dans le diocèse du Maryland, ces essais avaient reçu dans les années 1990 un accueil mitigé, comme actuellement.