L’Église orthodoxe russe, grande absente de la Conférence des Églises européennes

L’Église orthodoxe russe, grande absente de la Conférence des Églises européennes

Malgré certaines tensions, les 85 Églises présentes à la Conférence des Églises européennes saluent un véritable esprit de coopération
Seule, l’absence de l’Église orthodoxe russe vient ternir cette communion.

Photo: Les participants à Novi Sad © Mladen Trkulja/CEC

, Novi Sad, Serbie (EPD/Protestinter)

Des représentants de 85 Églises venues de toute l’Europe se sont retrouvés pendant une semaine à Novi Sad du 31 mai au 6 juin, dans le cadre de la Conférence des Églises européennes (CEC). C’est l’une des plus importantes rencontres œcuméniques du continent. Au programme: des prières, des célébrations, des discussions et des débats sur des questions théologiques et politiques. Leur objectif a été de trouver des points de convergence dans l’œcuménisme, sans pour autant effacer leurs différences.

L’évêque orthodoxe serbe Irinej de Backa (où se trouve Novi Sad) n’a ainsi pas hésité à dénoncer la «décadence» morale de l’Europe actuelle. Les raisons à ses yeux sont «l’éloignement du mode de vie chrétien» et l’expulsion de la chrétienté de la sphère publique. Le vieil homme d’Église, drapé dans sa robe noire, déplore la multiplication de tels phénomènes «au nom des “droits de l’homme“». Il enchaîne immédiatement par une critique de la tendance à amoindrir ou à relativiser «la sainteté du mariage et de la famille» ou bien la claire séparation des rôles entre l’homme et la femme.

Lors de cette réunion, la jeune Allemande Lisa Schneider (27 ans) exprime pourtant une tout autre cause d’insatisfaction: les institutions religieuses où les décisions reviennent trop souvent à «des vieillards grisonnants». Il n’en faut pas plus pour le comprendre, ce sont de vraies visions du monde qui se confrontent là sur les rives du Danube. En coulisses aussi, les tensions sont nombreuses. Il n’est pas toujours facile de collaborer avec les orthodoxes, avoue-t-on à demi-mot. Plusieurs autres responsables confirment leur tendance à faire passer leurs positions en force, ou bien opter pour le blocage.

Mais malgré ces difficultés et ces fortes oppositions, on observe de nombreux points communs parmi les participants qui rassemblent toutes les grandes communautés chrétiennes d’Europe à l’exception de l’Église catholique romaine: protestants, orthodoxes, anglicans et vieux-catholiques.

Consensus sur la migration

Sur des sujets concrets touchant à l’Europe, la pasteure protestante Antje Heider-Rottwilm constate les signes d’un engagement constructif de toutes les parties, très loin des clichés qui renvoient dos à dos l’Est et l’Ouest ou les orthodoxes et les autres communautés. Cela est également vrai sur une question aussi délicate que celle des migrants; il n’y a eu là «absolument aucune» division, affirme la présidente de l’association Church and Peace, une organisation partenaire de la CEC. «En effet, beaucoup ici reçoivent des réfugiés dans leurs Églises et portent donc un regard très critique sur la politique européenne.»

Mgr Cleopas, le métropolite orthodoxe de Suède et de toute la Scandinavie, confirme lui aussi l’absence de tout fossé séparant les chrétiens orthodoxes et d’Europe de l’Est des autres. Lors d’un entretien avec le Service de presse protestant (EPD), il a constaté, malgré les divergences sur le fond, «un véritable esprit de coopération».

Petra Bosse-Huber, évêque en charge des questions internationales au sein de l’Église protestante d’Allemagne, a la même impression. Sur le sujet des migrants en particulier, tout a été question de «chercher ensemble un chemin» en dépit de situations très différentes, et le résultat a été «tout à fait prometteur», explique-t-elle. Sur d’autres «thèmes difficiles» tels que la finance et l’identité, la volonté «de provoquer le changement et de réaliser de vraies avancées» était également manifeste. En outre, la CEC est parvenue à s’entendre sur une révision de sa Constitution — un sujet juridiquement complexe qui avait dominé la dernière assemblée générale, organisée à Budapest.

Qui plus est, même les positions les plus antagonistes peuvent trouver des points de rencontre. Ainsi, l’évêque orthodoxe serbe Irinej de Backa comme le réformé français Christian Krieger, nouveau président de la CEC, souhaitent renforcer la voix du christianisme en Europe. La réaffirmation de tout ce que la chrétienté a à offrir au continent s’est trouvée au cœur du message commun exprimé en conclusion de l’assemblée générale.

Une blessure reste cependant bien vivace à Novi Sad: les relations avec l’Église orthodoxe russe. Le membre le plus important de la CEC s’abstient de toute participation depuis environ dix ans. À en croire le secrétariat de l’organisation, la raison principale en est un conflit interne à la religion orthodoxe, portant sur les rapports de différentes Églises avec le Patriarcat moscovite. De nombreuses voix se sont exprimées lors de l’assemblée générale pour inviter les Russes à se joindre de nouveau à la communauté — un an avant le 60e anniversaire de la Conférence des Églises européennes, fondée en 1959 pour jeter un pont entre Est et Ouest.