La Bavière rend le crucifix obligatoire dans ses administrations

La Bavière rend le crucifix obligatoire dans ses administrations

Le Land allemand de Bavière a rendu obligatoire, à partir du 1er juin 2018, la présence d’un crucifix dans tous ses espaces administratifs
Des instances religieuses craignent une instrumentalisation de la religion à des fins identitaires.

Photo: CC (by) Thomas Kohler

, cath.ch

«La croix est le symbole fondateur de notre identité culturelle chrétienne et occidentale», a affirmé, le 24 avril 2018, le gouvernement régional de Bavière dans un communiqué. La décision d’accrocher des crucifix dans les halls d’entrées des bâtiments administratifs a été prise par le parti au pouvoir dans le Land, l’Union chrétienne-sociale en Bavière (CSU). La formation est la branche locale de l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (CDU), d’Angela Merkel. Le ministre-président de Bavière, Markus Söder, a ajouté que la croix était «la reconnaissance visible de l’adhésion aux valeurs de base et à l’ordre juridique et social de la Bavière».

Prendre la main sur le dossier identitaire

Selon la presse allemande, la mesure est à placer dans le contexte électoral tendu de cette riche et conservatrice région du sud du pays. Des élections législatives régionales cruciales s’y dérouleront le 14 octobre 2018. Or, la CSU, qui régnait sans partage depuis 1945, perd depuis quelques années des plumes face aux autres partis. Elle est notamment égratignée par la nouvelle formation d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD). Pour beaucoup d’observateurs, la mesure du gouvernement bavarois viserait donc à prendre la main sur le dossier identitaire.

«La croix n’est pas un signe d’identité»

La vision «culturaliste» de la croix affichée par la CSU rend perplexes un certain nombre de responsables religieux. Mgr Ludwig Schick, archevêque de Bamberg, au nord de la Bavière, a mis en garde contre une mauvaise compréhension du symbole. «La croix n’est pas un signe d’identité d’un pays ou d’un État», a déclaré le prélat le 25 avril sur les ondes de Kölner domradio.

Pour le prélat allemand, il s’agit plutôt d’un signe de Dieu destiné aux hommes, pour leur apprendre l’amour et la solidarité. «Lorsque nous voyons ces bras étendus, nous devrions nous comporter de la même manière et construire une civilisation de l’amour». L’archevêque de Bamberg a rappelé que la croix n’excluait pas, mais incluait. Cependant, si «la croix n’est pas un signe de religion, elle ne constitue pas non plus une violation du principe de neutralité», a souligné Mgr Schick. De son côté, l’Église protestante locale a dénoncé «l’instrumentalisation de symboles religieux à des fins politiques».

Rejet musulman, compréhension juive

Pour Mohamed Abu El-Qomsan, président du Conseil central des musulmans de Bavière, la croix est «naturellement» un symbole religieux. «Ni les Juifs, ni les athées, ni les musulmans ne s’y identifient», a-t-il souligné dans le quotidien allemand Die Welt. Il a ainsi appelé à une égalité de traitement entre les religions. «Si l’État bavarois autorise les symboles chrétiens dans les bâtiments administratifs, il devrait également autoriser le port du foulard dans le secteur public», a lancé le responsable musulman.

La réaction a été quelque peu différente du côté de la communauté juive de Munich et de Haute-Bavière, qui a affiché une approbation fondamentale de la mesure. Elle considère, notamment dans le contexte de la «gigantesque tâche de l’intégration», qu’il est «important et juste» de définir clairement les normes et les valeurs d’une société, ainsi que d’exiger leur reconnaissance. Un aspect qui serait, selon la présidente de la communauté Charlotte Knobloch, «indispensable à la coexistence». Cela impliquerait, pour la responsable juive, la mise en place d’un symbolisme, «pour démontrer l’identité et l’empreinte» d’une culture.