Une zone tampon autour d'une clinique londonienne qui pratique l'avortement

Une zone tampon autour d'une clinique londonienne qui pratique l'avortement

Pour la première fois en Angleterre, une zone tampon pourrait être délimitée autour d’une clinique qui pratique l’avortement
En cause, les groupes de manifestants qui harcèlent les patientes.

Photo: La clinique © RNS/Google maps

, Londres, RNS/Protestinter

Le conseil municipal d’une banlieue de l'ouest de Londres a voté cette semaine l’autorisation d’une zone tampon de 100 mètresautour d'une clinique qui pratique l'avortement. Une première en Grande-Bretagne où l'avortement est légal depuis 50 ans. La décision a emballé les défenseurs des droits à l’avortement qui cherchent à créer davantage de ces zones dans tout le pays. Par contre, elle trouble les opposants qui affirment qu’elle viole leurs droits à la liberté d’expression.

Le débat, plutôt récent en Grande-Bretagne, a une longue histoire aux États-Unis, où les villes et les États traitent ces zones de manières différentes. Ces espaces ont été l’objet de plusieurs procès dans les tribunaux, puis à la Cour Suprême en 2014, qui a déclaré qu’ils étaient à priori illégaux.

À Ealing, la clinique est gérée par l'organisation Marie Stopes International. Depuis plus de 20 ans, elle accueillait ses patientes sans trop de problèmes. La plupart du temps, les personnes qui passaient devant l’hôpital étaient des pendulaires se rendant à la gare ou des gens qui promenaient leurs chiens dans le parc avoisinant. Devant la clinique, des veilleurs priaient silencieusement et récitaient le chapelet. Certains donnaient des dépliants aux femmes venant se faire avorter, leur proposant de l'assistance si elles choisissaient de poursuivre leur grossesse.

Un vrai champ de bataille

Mais ces dernières années, la zone est devenue un vrai champ de bataille. Ceux qui prient et proposent leur aide sont toujours là. Par contre, des manifestants contre l'avortement, plus bruyants et avec des pancartes montrant des foetus, se sont installés devant la clinique. Et plus récemment, des groupes pour le droit à l'avortement ont ajouté leurs voix - tout aussi fortes – provoquant de grands bruits devant la clinique.

Clare McCullough, de l'organisation catholique du Good counsel network (réseau de conseils), raconte que l'atmosphère s'est particulièrement détériorée cette dernière année. «Je pensais au début que chaque groupe pourrait se respecter, mais les choses sont devenues très agressives. Parfois, on nous a même arraché nos pancartes».

Entretemps, la clinique a entendu les plaintes de plusieurs patientes à qui les manifestants ont dit que Dieu allait les punir. D'autres se sont fait appeler «maman». Clare McCullough dément que son groupe a agi de manière agressive. Selon elle, plus de 500 femmes ont renoncé à avorter après que son organisation leur a proposé de l’aide.

Sister supporter (soutien entre soeurs), un groupe pour le droit à l'avortement qui manifeste devant la clinique, a souligné qu’il n’était pas anti-religion. Toutefois, il s’oppose aux manifestants contre l'avortement parmi lesquels on trouve des groupes religieux.

140 francs d’amendes

Lorsque la zone sera délimitée, quiconque l'enfreindra sera passible d'une amende de £100 (environ 140 francs suisses), une pénalité qui sera décuplée si elle n'est pas payée à temps.

Avant que le Conseil municipal d'Ealing ne vote pour la zone tampon, il s’est renseigné auprès des résidents par rapport à l'activité devant la clinique. Les réponses étaient variées: certains s'inquiétaient que les clientes soient harassées, d'autres que l'on ne donne pas assez d'alternatives à l'avortement, et d'autres encore que la zone tampon puisse entraver la liberté d'exprimer ses croyances religieuses. Le Conseil a rapporté que la plupart des résidents avaient souligné que les patientes avaient été victimes d'intimidations. Ils étaient donc d'accord de créer cette zone.

Le gouvernement britannique est en train d'identifier les différents types de protestations devant les cliniques d'avortement en récoltant des témoignages chez les forces de l'ordre, les services de soins et les conseils municipaux. Il pourra ensuite agir en créant de nouvelles forces policières pour protéger ceux qui se rendent ou travaillent dans les cliniques d'avortement.

Même si la Grande-Bretagne a un système de santé publique général, la plupart des avortements ont lieu dans des cliniques privées. Marie Stopes International, un nom en l’hommage d’une pionnière anglaise de la santé sexuelle, se décrit comme le principal fournisseur de services de santé sexuelle et reproductive au Royaume-Uni. Ses revenus pour cette dernière année fiscale se sont élevés à environ 402 millions de francs.