Une lecture progressiste de la Bible améliore le statut des femmes dans les institutions religieuses

Une lecture progressiste de la Bible améliore le statut des femmes dans les institutions religieuses

Quelle place occupent les femmes dans les postes à responsabilité des institutions religieuses au Rwanda? La chercheuse Joséphine Mukabera pose son regard d’expert sur une situation en voie d’évolution

Photo: Joséphine Mukabera

«On remarque un grand nombre de femmes impliquées dans les Églises, mais très peu ont accès à des postes de leadership. Et quand les femmes sont intégrées dans la gouvernance, elles ont régulièrement des places inférieures à celles des hommes», remarque Joséphine Mukabera, docteure en études de genre au Protestant institute of arts and social sciences (PIASS), à Huye au Rwanda. Mercredi 21 mars à l'Université de Genève, Joséphine Mukabera a présenté un des chapitres de sa thèse – consacrée au changement des relations de genre au Rwanda après le génocide – qui analyse le statut des femmes dans le leadership des institutions religieuses.

Après le génocide des Tutsis en 1994, le nouveau gouvernement rwandais a mis en place un programme d’égalité des genres dans ses priorités de développement, afin de réduire les inégalités liées au sexe et la pauvreté. Alors que ce pays comprend le pourcentage le plus élevé de femmes au parlement dans le monde, avec près de 64%, une partie de la population reste opposée à voir des femmes en position de pouvoir.

Joséphine Mukabera a mené sa recherche entre juin et juillet 2015 dans cinq districts représentant les quatre provinces du Rwanda ainsi que dans la ville de Kigali auprès de dix institutions religieuses. «Les résultats ont montré qu’il n’y avait pas de femmes à la tête de ces institutions», constate la chercheuse. Au niveau des conseils d’administration, les pourcentages sont variables: 34,8% pour l’Église de restauration, 30,8% chez les méthodistes, 24,1% dans l’Église anglicane, 27,7% chez les presbytériens et 16,6% dans la communauté musulmane. Dans d’autres institutions comme les Assemblées de Dieu et chez les baptistes, les femmes sont représentées par 11% et 10%. Par contre, aucune femme ne siège chez les adventistes, les pentecôtistes et les catholiques.

Transformer les normes éthiques

La chercheuse pointe trois principales raisons pour lesquelles les femmes n’ont pas accès à des postes de directions. Premièrement, les normes éthiques des Églises: «certains responsables religieux utilisent la Bible pour justifier le fait que les femmes ne peuvent pas avoir accès à des postes de direction». De plus, le niveau d’éducation joue un rôle important: «c’est très récent que les femmes puissent aller en faculté de théologie». Et finalement, la culture patriarcale du Rwanda a également des conséquences sur la place octroyée aux femmes dans les postes à responsabilités.

«Les Églises qui ont une interprétation moderne et contextuelle des textes religieux ont un niveau appréciable d’intégration des femmes. Par contre, celles qui gardent une interprétation traditionnelle ont peu de femmes dans les postes à responsabilités». Pour améliorer l’égalité entre les sexes, il faudrait promouvoir une politique de redistribution des postes aux femmes dans les Églises ainsi que la réinterprétation des textes sacrés. «Un changement individuel doit s’opérer. Il est très important de faire de la sensibilisation auprès des femmes qui ont parfois peur, elles restent silencieuses», relève Joséphine Mukabera qui souligne que la question du genre se pose également au sein des couples et dans la société en général.

Une question d’éducation

«Au niveau de l’éducation, il y a une telle différence entre filles et garçons. On nous apprend à baisser la tête. C’est très difficile pour une femme de prendre la parole en public», raconte une femme rwandaise dans le public. Joséphine Mukabera relève toutefois qu’elle a remarqué d’importants progrès dans ce domaine. «Une masculinité positive se développe amenant les garçons à aider les femmes dans les tâches ménagères. Je vois beaucoup de changements dans les familles éduquées et même à la campagne où les personnes n’ont pas forcément accès à des études, la situation s’améliore».

Selon la chercheuse, cette étude a permis aux Églises «progressistes» et plus «conservatrices» d’aborder ensemble la question des lois et des normes qui violent les droits des femmes.