L’Inde reconnaît le statut de religion à une tradition vieille de huit siècles

L’Inde reconnaît le statut de religion à une tradition vieille de huit siècles

Un état de l’Inde reconnaît un statut de religion à un groupe jusqu’alors rattaché à l’hindouisme. Ce mouvement théiste revendique ce statut de longue date et espère étendre cette reconnaissance à l’entier du pays.

Photo: Le drapeau des lingayats durant une manifestation. Via @Lingayatas/Twitter

Par Bhavya Dore, Mumbai, RNS/Protestinter

Durant des décennies, les adeptes du lingayatisme, une tradition ancienne de 800 ans qui ressemble un peu à l’hindouisme, ont réclamé au gouvernement indien d’être reconnus comme une religion séparée de la foi dominante sur le sous-continent. La semaine passée, le Parti du Congrès qui gouverne l’État du Karnataka — où les lingayats sont les plus concentrés — leur a accordé le statut de religion minoritaire.

«Cette religion a commencé comme une protestation contre l’orthodoxie hindoue», explique S.M. Jamdar, secrétaire général du Jagatik Lingayat Mahasabha, l’un des principaux groupes défendant le statut de la minorité. «Le mouvement s’est élevé contre tout ce qui est hindou. C’est donc une religion séparée!» Selon lui, les adeptes du lingayat dharma à travers l’état étaient euphoriques lorsqu’ils ont appris la nouvelle reconnaissance pour laquelle ils ont organisé pendant des mois des rassemblements regroupant des milliers de personnes.

Les lingayats espèrent également étendre à toute l’Inde leur victoire de l’État du Karnataka, qui se trouve dans la partie sud du pays. Mais le succès national est plus qu’incertain. Il nécessiterait un geste de la part du BJP, le parti qui contrôle le plus grand nombre de sièges au Parlement indien et qui est aligné avec les nationalistes hindous.

Certains analystes politiques affirment que l’octroi du statut de religion minoritaire aux lingayats est une tentative du Parti du Congrès de courtiser la communauté en prévision des élections prévues pour la fin de cette année au Karnataka. Après des années de soutien à ce parti, les lingayats ont eu tendance, ces dernières années à voter pour le BJP. Selon les estimations, les lingayats représentent entre 10 et 17% de la population du Karnataka, soit un million de personnes.

Le statut officiel de minorité religieuse — également étendu à un sous-groupe de lingayats, les veerashaiva lingayats — leur offrira au Karnataka les mêmes avantages que ceux accordés aux musulmans, chrétiens et jaïns. Davantage de liberté pour gérer leurs écoles et la possibilité de réserver la moitié des places dans ces écoles aux membres de la communauté. Cela améliorera également leur accès aux bourses d’études.

Jusqu’en 1871, les lingayats ont été comptés comme une religion distincte lors des recensements, puis plus récemment, ils ont été dénombrés comme des hindous. Mais ces disciples de Basavanna, un philosophe et réformateur social du XIIe siècle ne se reconnaissent pas comme tels. Entre autres différences, ils adorent un dieu unique qu’ils ne vénèrent pas dans les temples et ils rejettent le système des castes.

«L’idée qu’il s’agit d’une religion séparée existe depuis très longtemps dans les milieux intellectuels», rappelle Chandan Gowda, professeur de sociologie à l’Université Azim Premji de Bangalore, la capitale de l’État. «Il y a toujours eu un fort sentiment idéologique d’être séparé de l’hindouisme», précise-t-il. Le statut de religion minoritaire offre certes quelques avantages pratiques, «mais le cœur de leur demande est bien le désir d’être différencié religieusement.»