Calendrier de l’avent: les adultes aussi veulent le leur!

Calendrier de l’avent: les adultes aussi veulent le leur!

Fini les simples découpages avec des images pieuses. Le calendrier de l’avent se diversifie et depuis peu, il n’est plus proposé aux seuls enfants.

Photo:Trois calendriers de l’avent. ©Aurore Dollfus

Pour faire plaisir à votre petit-neveu, n’achetez pas le premier calendrier venu. Car dans les commerces ce rayon s’est largement diversifié et vise désormais aussi un marché adulte. Outre Interdiscount qui propose un tel produit avec des gadgets électroniques pour la première fois, les rayons regorgent de produit avec un whisky, une bière, un accessoire de mode ou un jouet érotique pour chaque jour de l’avent. «De manière générale, nous pouvons confirmer une tendance à la hausse de la diversité des calendriers de l’avent. Ainsi, nous remarquons une demande grandissante pour des modèles proposant des alcools, des thés, des confitures ou des produits de beauté par exemple. Les retours que nous avons jusqu’à présent sont très positifs: le côté “dégustations et découvertes” des calendriers proposant des “surprises” alimentaires, par exemple, semble beaucoup plaire», reconnaît Alexandre Barras, porte-parole de Manor.

Décliné également en version érotique, le calendrier de l’avent est d’ores et déjà qualifié de «best-seller» de la période des fêtes. «C’est la deuxième année que nous proposons ce produit. L’année passée avait été un franc succès, nous étions en rupture de stock début novembre déjà. Cette année, nous avons prévu une plus grande quantité», dévoile Simon Jacquier du sex-shop en ligne KissKiss.ch. Et le vendeur spécialisé voit un autre avantage dans ce produit cadeau que les couples achètent peut-être plus facilement qu’un accessoire érotique: «c’est un produit d’initiation parfait pour les couples qui désirent mettre un peu de piment dans leur relation.»

«Noël et les traditions qui l’entourent ne sont plus un bien propre des chrétiens», note Olivier Bauer, professeur de théologie pratique à l’Université de Lausanne. «On ne vit plus ce moment comme une fête religieuse. Elle est devenue fête des enfants, puis fêtes des cadeaux et enfin fête de la générosité. Et contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, cela permet à cette célébration de se renforcer.»

«Je pense que la déchristianisation a déjà eu lieu!», abonde Christophe Monnot, professeur de sociologie des religions à Strasbourg. «Maintenant que Noël est une fête bien plus associée à la consommation festive qu’au religieux, il n’y a plus de limite pour que chaque “sous-symbole” (entendu, comme le calendrier de l’avent) puisse être réutilisé à des fins de marketing», écrit-il. «A mon avis, la multiplication des calendriers de l’avent pour adulte n’est pas à mettre du côté religieux. Je la mettrais en parallèle avec l’émergence du “Black Friday”, le vendredi de Thanks Giving qui est traditionnellement un jour de solde aux Etats-Unis et qui dope les ventes avant celles de décembre. On l’a vu apparaître en Europe avec de plus en plus de magasins offrant un solde spécial autour de cette date. Le calendrier de l’avent n’est qu’un autre avatar faisant monter les ventes en novembre en permettant de découvrir des produits.»

Il n’en demeure pas moins que des adultes s’adonnent à des activités réservées jusqu’alors aux enfants. «Cela me fait penser à Halloween», réagit Olivier Bauer. «Les adultes s’approprient une fête réservée aux enfants. Ils remplacent les bonbons par des “friandises pour adultes” telles qu’alcool et sexe.»

«Dans notre société, nous avons assisté à des changements sociaux qui ont provoqué une quasi-inversion de la hiérarchie familiale. Les adultes se soucient davantage des loisirs de leurs enfants que de leurs propres loisirs: les plus jeunes font du sport, du cheval, de la musique et de la danse alors que leurs parents ne font pas grand-chose en dehors du travail. Les adultes sont centrés sur l’enfant au point de mettre leur couple en péril. En contrepartie, un poids énorme repose sur l’enfant qui doit se montrer reconnaissant de tout cela par sa réussite et son bien-être», rappelle le psychologue Benoît Reverdin, directeur de l’Office protestant de consultations conjugales et familiales à Genève*. «Avec les calendriers de l’avent pour adultes, les parents se disent qu’ils peuvent aussi se faire un peu plaisir. C’est une sorte de deuxième retournement.»

Le psychologue poursuit: «en réalité, cela ne me choque pas qu’il y ait des calendriers de l’avent pour adultes. C’est un peu agaçant que cela se fasse toujours autour d’une logique commerciale, mais en réalité, ça met en lumière l’importance grandissante que prend Noël comme moment où l’on se retrouve ensemble. Dans notre société, c’est l’un des rares rituels qui est partagé par tout le monde, quelle que soit sa culture. Il est certes un peu dissocié des croyances spirituelles et religieuses qui sont à l’origine de cette fête. Mais mis à part Noël, les rites actuels sont très marqués par des appartenances sociales. Par exemple, la fête de fin d’études est réservée à une partie de la population qui a accès à une formation. Comme psychologue spécialisé en consultation familiale, je me réjouis de tout ce qui crée du rite. Car le rituel marque avant tout l’appartenance à un groupe, et cela, c’est très important.»

En images

Retrouvez 50 calendriers de l'avent pour les adultes dans notre diaporama.

Pour approfondir la question

* Un colloque est organisé le vendredi 1er décembre à Genève sur le thème «être enfant aujourd’hui».