Fréquenter une église est bon pour la santé. OK, on en fait quoi?

Fréquenter une église est bon pour la santé. OK, on en fait quoi?

Une nouvelle étude montre que fréquenter l’église est bon pour la santé. De nombreuses recherches lient spiritualité et santé. Mais de quelle nature est ce lien, et comment mettre en pratique cette découverte?

Photo: CC(by-nc-nd) Seth Drum

, RNS/Protestinter

Une étude publiée en mai par des chercheurs de l’Université Vanderbilt conclut que les adultes d’âge moyen qui ont fréquenté un service religieux au moins une fois dans l’année ont deux fois moins de chance de mourir prématurément que ceux qui ne l’ont pas fait.

Se basant sur les données de l’Examen national américain de la santé et de la nutrition qui ont été collectées par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, les chercheurs ont examiné dix indicateurs de stress biologique chez 5449 hommes et femmes âgés de 46 à 65 ans. Ils ont ensuite comparé ces indicateurs avec les déclarations des répondants sur leur fréquentation de services religieux. Ils ont trouvé une corrélation entre la fréquentation de services religieux, moins de stress et la longévité.

L’étude vient s’ajouter aux résultats scientifiques croissants sur ce sujet. Une autre étude, bien plus vaste, de 74’534 femmes, qui a été publiée l’année dernière a trouvé que le fait de fréquenter un service religieux plus d’une fois par semaine pouvait être associé à une mortalité de 33% en moins comparé aux femmes qui n’avaient jamais fréquenté de services religieux.

Un documentaire qui examine des résultats récents semblables a été diffusé tout dernièrement sur plusieurs chaînes de télévision américaines— un autre signe d’une prise de conscience croissante de l’importance de ces études, surtout pour les personnes plus âgées.

Prière miraculeuse ou mode de vie sain?

Mais alors que les études s’amoncellent et que la littérature semble concluante, on se pose encore beaucoup de questions sur le lien entre la fréquentation de services religieux et la santé.

D’abord, les gens participent à des services religieux pour toutes sortes de raisons. En quoi ces services apportent-ils une meilleure santé? Les prières? Les connexions sociales? Le café et les biscuits?

Ensuite, est-ce la fréquentation religieuse qui contribue à la longévité, ou autre chose? Se peut-il que les gens qui vont à l’église, la synagogue ou la mosquée mènent un style de vie plus sain? Peut-être sont-ils en général prédisposés à bien manger, faire plus d’exercice, pratiquer des rapports sexuels protégés ou boire de l’alcool en modération?

Et les gens qui se regroupent autour d’intérêts en commun comme le tricot ou le poker, ou les bénévoles dévoués dans les centres d’alphabétisation ou de sauvetage d’animaux? Quelqu’un a-t-il déjà fait une étude pour savoir si les membres de ces groupes-là ont des taux de mortalité plus bas?

Enfin, si, toutes ces preuves, telles la fréquentation religieuse peut être liée à des résultats de santé positifs, est-ce que cela signifie que les médecins devraient prescrire un service hebdomadaire à leurs patients?

La religion peut aussi être néfaste

«La religion est extrêmement complexe», répond Neal Krause, professeur retraité de la santé publique à l’Université du Michigan et chercheur principal dans une enquête historique sur la spiritualité et la santé. «Dire que fréquenter une église est bon pour la santé dit tout et rien en même temps. La question à se poser: “Que se passe-t-il réellement ici?”»

Neal Krause précise que la religion n’est pas toute bonne. Le dévouement religieux peut aussi avoir des conséquences négatives pour la santé si les gens décident d’aller à l’église par culpabilité, par exemple, ou s’ils ressentent que Dieu est en train de les punir par la maladie. En effet, des études ont montré que des motivations religieuses négatives peuvent être cause de détresse spirituelle qui peut mener à la dépression ou la mort prématurée.

Mais globalement, les chercheurs disent que le domaine de la spiritualité et de la santé— dans le cadre de nombreuses disciplines académiques, telles que la santé publique, les soins, le travail social, la sociologie, la psychologie et la médecine— s’améliore tandis que les spécialistes continuent à creuser et à dénicher des liens de causalité et à éliminer d’autres facteurs qui pourraient contribuer à des résultats d’une santé meilleure.

Pas de preuve scientifique des bienfaits de la prière

Une chose sur laquelle les chercheurs sont d’accord: les études qui analysent si la prière peut guérir la maladie semblent être méthodologiquement, éthiquement et théologiquement défectueuses. Outre la question de savoir si la prière est un sujet approprié pour une étude scientifique et le fait qu’il est impossible de quantifier le niveau de prière à un moment donné, il y avait également une foule de considérations éthiques: est-il éthique de ne pas prier pour quelqu’un, ou est-ce que Dieu guérit certains et pas d’autres?

La meilleure de ces études a montré que les prières faites par des étrangers— aussi appelé la prière d’intercession— n’avaient aucun effet sur la convalescence des personnes se faisant opérer.

Quelles conséquences pratiques?

La fréquentation religieuse, cependant, est le sujet auquel les chercheurs reviennent toujours. La question qui reste: quelles sont les implications pratiques que l’on peut tirer de ces études? Beaucoup de chercheurs sont d’accord que même si la fréquentation religieuse est meilleure pour la santé, il n’est pas approprié pour un médecin de dire à ses patients d’aller à l’église s’ils veulent vivre plus longtemps— de même qu’il ne serait pas approprié de dire à des patients qu’ils devraient se marier parce que des études disent que les couples mariés vivent plus longtemps.

Cela ne veut pas non plus dire que les médecins ne devraient pas s’informer des besoins spirituels de leurs patients. «Les médecins devraient connaître tout ce qui pourrait potentiellement impacter le bien-être d’un patient, que ce soit un régime, un engagement social, la possession d’une arme ou d’envoyer des SMS en conduisant», estime Richard Sloan, chercheur biomédical au Centre médical de l’Université Columbia. «Si des médecins tentaient de persuader les patients de s’engager dans des pratiques religieuses, cela relèverait de la coercition», objecte le scientifique. Il dit par exemple que ce ne serait pas éthique pour un médecin de tenter de convertir des patients à une foi spécifique ou de prier avec un patient.

De même, il n’est pas prouvé qu’aller à l’église pour améliorer ses chances de survie est une bonne idée. «Je ne voudrais pas avoir toute une congrégation de gens qui viennent seulement pour leur bien-être physique», remarque Daniel Sulmasy, généraliste et éthicien à l’Université de Georgetown et ancien frère franciscain. «En réalité, nous ne savons pas s’il y aurait toujours une corrélation entre pratique religieuse et santé si les gens venaient pour cette raison-là, plutôt que pour des raisons intrinsèques.»

Les bienfaits de l’aumônier

Mais il existe des études à l’intersection de la religion et de la santé qui pourraient aider les praticiens à mieux soigner leurs patients. Par exemple, des études ont montré que la visite d’un aumônier en milieu hospitalier peut être associée avec de meilleurs résultats de santé. C’est logique, disent les chercheurs; lorsque l’on répond aux besoins spirituels des patients, ils sont plus satisfaits en général de leur prise en charge médicale. Une autre étude suggère que les patients qui profitent de la visite de l’aumônier sont plus en paix et se sentent plus en contrôle de leur santé.

Nous devons encore faire beaucoup plus de recherches sur l’efficacité des visites d’aumôniers, annonce Christina Puchalski, professeure en médecine et directrice à l’Institut pour la spiritualité et la santé de l’Université de Washington. «Que pouvons-nous faire pour cette personne qui souffre?» se demande-t-elle. «Que faisons-nous pour qu’ils ne se sentent pas seuls? J’essaie d’accompagner les gens dans leur souffrance. C’est là que nous pouvons nous retrouver.»

Alors que les chercheurs tentent de démêler les facteurs médiateurs dans les services religieux qui pourraient contenir l’ingrédient secret pour la santé, il va sans dire que les groupes religieux ont leur poids. «Donnez-moi le nom d’une institution humaine qui vous donne le sens de la communauté, l’espoir, vous enseigne comment méditer, à tous ces genres de disciplines qui y sont liées», explique Daniel Sulmasy. «Si ce n’est pas une religion, ce sera proche de la religion.»