«J’aimerais renforcer le rayonnement international de la Faculté de théologie de Genève»

«J’aimerais renforcer le rayonnement international de la Faculté de théologie de Genève»

Professeur de philosophie et d’éthique, Ghislain Waterlot est, depuis le 15 juillet, le nouveau doyen de la Faculté autonome de théologie protestante de l’Université de Genève. Interview

Photo: ©Université de Genève

Propos recueillis par Joël Burri

Etre doyen est une charge lourde, qu’est-ce qui vous a poussé à accepter cette fonction et quelle trace aimeriez-vous laisser?

Durant les quatre années du décanat de Jean-Daniel Macchi, la formation a été profondément rénovée. Le programme du bachelor a été mis à jour, le master à distance a été créé ainsi qu’un certificat de spécialisation. De mon côté, j’aimerais mettre un fort accent sur la recherche et le rayonnement international.

J’aimerais aussi favoriser toujours plus la collaboration interdisciplinaire au sein de la faculté. Pour moi, c’est vraiment une des richesses des études en théologie; les étudiants le sentent bien et nous le disent. Le plus souvent, dans un département ou une faculté, tout le monde travaille dans la même discipline, même si les spécialisations peuvent être très différentes. Dans une faculté de théologie, il y a des historiens, des exégètes, des philosophes, des systématiciens, de la théologie pratique, des collègues férus de littérature, des sociologues, etc. Il y a vraiment des différences fortes, et du coup il y a des interactions très riches. C’est ce que je voudrais valoriser.

Enfin, j’aimerais être attentif aux attentes des différentes Eglises. Aujourd’hui, Neuchâtel par exemple, n’a plus de faculté de théologie. Donc l’un de mes objectifs sera de maintenir nos liens étroits avec l’Eglise protestante de Genève et, en partenariat avec la Faculté de Lausanne, renforcer les relations avec l’ensemble des Eglises romandes.

Avez-vous un exemple de mesure qui pourrait favoriser le rayonnement international de la Faculté de Genève?

Nous allons développer à la fois des relations internationales et des conventions scientifiques pour booster la recherche qui est déjà très bonne à la Faculté. Nous avons des conventions fortes de partenariat scientifique avec l’Ecole normale supérieure de Lyon, l’Institut catholique de Lyon, l’Université de Lorraine et depuis peu l’Université Yonseï à Séoul en Corée du Sud.

Cette dernière convention a commencé il y a seulement un an, nous sommes allés en Corée en octobre. Les Coréens sont venus en juin. Il y a eu des colloques, et maintenant des publications en cours. Les relations ont été fructueuses. Au début, nous craignions que la Corée du Sud présente un protestantisme très identitaire, un peu fermé, mais ils sont, au contraire, très ouverts.

Une autre collaboration qui nous tient à cœur, c’est avec les facultés de théologie de Goma (République démocratique du Congo) et de Butare (Rwanda). Les étudiants de Genève et de Lausanne ont pu découvrir l’année dernière leurs collègues de ces deux institutions lors d’une «Winter School». L’expérience pourra être renouvelée. Par ailleurs, des enseignants genevois se rendent ponctuellement en Afrique pour proposer des formations intensives.

Nous voudrions à présent nous tourner vers l’Amérique du Nord (le Canada ou les Etats-Unis). Nous avons quelques contacts, notamment avec Princeton. Comme vous le savez peut-être, deux de nos dix professeurs ont des relations fortes avec l’Amérique du Nord. Christophe Chalamet a passé près de dix ans aux Etats-Unis; et Sarah Stewart-Kroeker qui vient de Montréal a été formée à Princeton.

Le but n’est pas d’organiser des colloques qui n’aboutissent qu’à des colloques, mais bien de tisser des liens internationaux dans le cadre de projets sur des thématiques particulières qui débouchent sur des publications communes et des cotutelles de thèses.

Quelles nouveautés sont prévues cette année?

Cette année, nous allons voir se déployer les effets de la modification de l’ensemble de notre formation. Le bachelor en présence a été révisé et surtout il a été harmonisé avec le bachelor à distance de façon à favoriser les ponts entre les deux cursus. Ensuite, le master à distance en est maintenant à sa deuxième année et il va prendre son plein régime. Le master en présence a aussi été profondément modifié.

De plus, cette année le «certificat de spécialisation» va entrer en vigueur. Il permet à ceux qui ont déjà un master de renouer avec le monde académique. Il s’agit de faire une recherche de portée mesurée sur un sujet qui tient à cœur. C’est-à-dire quelque chose qui n’est pas aussi long qu’une thèse. Un doctorat, c’est cinq ans de travail, c’est une longue plongée et nous nous sommes dit qu’il manquait quelque chose entre le master et le doctorat. Il s’agira d’un travail reconnu et validé par 30 crédits que les inscrits pourront réaliser dans un laps de temps allant de six mois à une année et demi, selon leurs obligations professionnelles. Il sera centré sur une recherche personnelle, mais sera accompagné de cours choisis d’entente avec un ou deux professeurs et le conseiller aux études.

Je signale aussi une nouveauté de l’année dernière: un enseignement de théologie catholique, à raison de deux heures hebdomadaires, qui permet aux étudiants qui le souhaitent d’avoir un aperçu de cette discipline. Elle s’intègre dans le cursus puisque, par exemple, un cours sur le Nouveau Testament sera donné au prochain semestre de printemps par un spécialiste de la théologie catholique.

Un cours d’introduction aux théologies de l’islam sera également proposé à nos étudiants, renforçant ainsi leurs compétences de base dans les trois monothéismes.

Vous êtes à la barre d’un paquebot qui semble un peu chahuté. D’un côté par les opposants à la présence du religieux dans l’espace public, de l’autre par certains croyants qui vous reprochent votre manque de lien à la foi, voire d’être carrément une «fabrique d’athées».

Si l’on considère ceux qui accusent la théologie en disant «pas de religion dans l’espace public», on s’aperçoit que l’objectif de la théologie, c’est de mieux connaître ce qu’est le religieux. Et ça, c’est socialement plus qu’utile. Donc cette accusation est en porte à faux.

Et d’un autre côté, ceux qui disent que nous sommes des athées qui ne s’occupent pas de la foi et de ses implications ont tort. Il s’agit non pas de transmettre la foi, mais de mieux la comprendre. Et tous sont concernés: ceux qui ont la foi, ceux qui doutent, ceux qui ne l’ont pas. Au fond, aujourd’hui, la meilleure manière de connaître le religieux, ce n’est pas d’être identitaire. Dans un monde qui est traversé par mille courants, la meilleure manière de rester soi-même, n’est pas de se replier sur soi-même.

La Faculté de théologie est d’ailleurs à nouveau dotée d’une chaire de théologie pratique, grâce à laquelle les Eglises classiques, et les Eglises nouvelles sont étudiées. La professeure Elisabeth Parmentier s’intéresse aux Eglises de la migration, souvent évangéliques, et qui s’installent à Genève et qu’elle étudie. Donc, dire que l’on tourne le dos à la foi vivante, c’est une allégation qui tombe dans le vide.

Un approfondissement de la foi n’est pas du tout interdit ou incompatible avec l’inscription à la Faculté de théologie, heureusement! A tous les étudiants qui le désirent, à tous les étudiants qui ont la foi, des lieux d’expression de leur foi sont proposés. Et il y en a une belle variété à Genève. Simplement, ils ne sont pas au sein de la formation. Il ne faut pas confondre un amphithéâtre et un temple: nous ne commençons pas les cours par une prière. Le cœur de la formation c’est connaître le fait religieux, la foi chrétienne et le protestantisme en particulier, avec à la fois la bienveillance de la compréhension et le sens critique. Les deux. Certains étudiants sont un peu secoués au début. Mais à la fin ils sont presque tous contents de la traversée.

Des mesures sont-elles prises pour augmenter les effectifs?

Pour commencer, j’aimerais rappeler que les bancs de la Faculté ne sont pas vides. Ce semestre de printemps, pas moins de sept doctorats ont été soutenus dans notre faculté. Nous avons pas loin de 200 étudiants, mais il ne faut pas oublier que nous sommes la plus petite des facultés. Si l’on calcule le taux d’encadrement, le rapport entre le nombre d’enseignants et le nombre d’étudiants, nous ne sommes pas si mal placés.

Evidemment, si vous demandez «combien d’étudiants en présence entrent en première année», la réponse sera 7 ou 8 les bonnes années, 4 ou 5 les autres. Oui, mais il y a l’enseignement à distance. C’est une trentaine d’étudiants qui commencent chaque année. C’est déjà d’autres chiffres! Ensuite, il y a des étudiants en master qui n’arrivent pas nécessairement tous du bachelor en théologie, des possibilités de raccords existent pour des étudiants venant d’autres formations. Pareil au niveau du doctorat. Il faut donc vraiment compter les trois étages de la fusée. Et l’on s’aperçoit alors que le nombre d’étudiants croît.

Ajoutons que la Faculté de théologie n’est pas enclavée. Elle rend des services à l’ensemble de l’Université. Certains cours, comme l’éthique interfacultaire, souvent donnés par des enseignants de la Faculté, sont suivis par 200 étudiants de toute l’Université.

Mais c’est vrai qu’il ne faut jamais cesser l’effort de communication pour faire mieux connaître les études de théologie. Cela se fait depuis des années. Andreas Dettwiller, puis Jean-Daniel Macchi ont tous les deux œuvré dans ce sens, mais je pense vraiment qu’il faut continuer.