Pour échapper aux mariages forcés, de nombreux chrétiens pakistanais se convertissent à l’islam

Pour échapper aux mariages forcés, de nombreux chrétiens pakistanais se convertissent à l’islam

Le droit du mariage n’est pas le même pour les musulmans et pour les chrétiens du Pakistan. Complètement rétrograde, le texte chrétien rend pour ainsi dire impossible tout divorce. Une réforme est proposée, mais elle est combattue par l’Eglise catholique.

Photo: une marée devant une église presbytérienne à Lahore. RNS

Lahore, Pakistan, RNS/Protestinter

Deux options tout aussi mauvaises que de rester mariée s’offrent à une chrétienne pakistanaise qui souhaite divorcer de son mari abusif. «Je dois prouver qu’il a commis l’adultère», explique Shameela Masih âgée de 34 ans et mère de deux enfants et qui se trouve dans cette situation. «Sinon l’autre option est de me convertir à l’islam». La jeune femme a récemment demandé le divorce d’un mari qui, selon ses dires, «la bat régulièrement» et dont la belle-mère lui a brûlé la jambe avec du charbon.

Mais sous les lois majoritairement musulmanes du pays, elle doit présenter un témoin qui avouerait avoir commis l’adultère avec son mari. En conséquence, elle a hâte de renoncer à sa foi. «La conversion est la solution la plus simple», a-t-elle souligné. «Ma famille me dit qu’elle me reniera si je me convertis, mais je n’ai pas le choix». Shameela Masih fait partie des milliers de chrétiennes au Pakistan qui se sont converties à l’islam pour pouvoir divorcer en vertu de lois issues de la période coloniale britannique, établies selon des règles traditionnelles.

Actuellement, les autorités pakistanaises envisagent de réviser la loi afin de faciliter la séparation des couples. «Il y a tellement de choses dans la Loi sur le mariage chrétien datant du XIXe siècle qui doivent être révisées et mises à jour pour empêcher l’exploitation des personnes et protéger les droits de l’homme», a déclaré Kamran Michael, le ministre fédéral des droits de l’homme, à l’origine d’une révision de la législation.

La loi accorde des divorces aux couples chrétiens selon quatre motifs: l’adultère, la conversion, le mariage à quelqu’un d’autre ou la cruauté. Mais prouver l’adultère ou la cruauté est très difficile, surtout au Pakistan, où l’adultère est un crime, et la condamnation de la violence familiale particulièrement faible dans de nombreuses régions du pays. Les chrétiens représentent moins de 2% de la population pakistanaise qui s’élève à 189 millions d’individus.

A l’inverse, les musulmans peuvent facilement obtenir un divorce pour diverses raisons, y compris des différences irréconciliables.

Auparavant, les lois du Pakistan étaient calquées sur celles de la Grande-Bretagne, mais au début des années 1980, le dictateur militaire Muhammad Zia-ul-Haq a restauré les anciennes lois de la période coloniale qui s’appliquait aux chrétiens divorcés. Pour les musulmans, il a laissé les lois révisées depuis les années 1960 intactes. «La loi actuelle sur le divorce chrétien porte atteinte à la dignité des femmes», dénonce Fauzia Viqar, qui préside la Commission du Punjab sur la condition de la femme. «Beaucoup de femmes chrétiennes sont laissées dans des mariages où ils subissent la cruauté par les maris sans aucune aide de l’Etat.»

La loi met également une pression inutile sur les couples souhaitant divorcer. «Je veux divorcer de ma femme à l’amiable sans devoir l’accuser d’adultère», explique par exemple Emanuel Anthony, vendeur ambulant chrétien de 29 ans, à Lahore. Il est marié depuis cinq ans. «Elle est la mère de mon enfant. Pourquoi devrais-je assassiner son personnage en public?» Sa femme, Nabila, est d’accord. «Nous sommes séparés depuis un an maintenant. Nous pensons que nous ne sommes pas compatibles et que nous attendons des choses différentes de la vie», explique la chrétienne de 25 ans qui enseigne les mathématiques dans une école catholique. «Tout cela n’a pas de sens. Pourquoi une loi devrait régir mon droit au divorce?».

La nouvelle loi sera dévoilée au Parlement dans les prochaines semaines. Elle élargira les motifs du divorce qui ne seraient plus liés à la religion chrétienne. Si le texte est adopté, les couples pourront se marier en s’inscrivant auprès du gouvernement et ensuite choisir s’ils désirent célébrer leurs noces à L’Eglise expliquent les responsables du ministère des Droits de l’homme. «Les couples pakistanais chrétiens pourraient divorcer à l’amiable sans devoir recourir aux accusations d’adultère ou à la conversion à une autre religion», a déclaré Haroon Sulaiman, un avocat de famille à Lahore. «Cela serait un petit soulagement pour cette minorité persécutée.»

Mais l’Eglise catholique s’est opposée aux changements. «Dans le christianisme, le mariage est une union permanente et indissoluble pour le meilleur comme pour le pire vous ne pouvez pas simplement modifier les lois de Dieu», a déclaré l’évêque James Mathew. «Le mariage est un sacrement, pas un contrat. Un tel changement serait une diffamation de notre religion et soutenir de telles modifications serait contraire au message de la Bible.»

Pour Shameela Masih, les leaders chrétiens comme James Mathew n’ont aucune attention pour elle et pour les autres femmes, car ils ne sont pas mariés. «Personne ne se soucie des femmes. Nous sommes laissées à la merci tant des musulmans que des chrétiens», dénonce-t-elle. «Une fois au pouvoir, ils ne font rien pour nous. Les dirigeants chrétiens s’inquiètent davantage de la politique interne de l’Eglise que de venir en aide à de pauvres gens comme nous.»