La sagesse des enfants face à la mort

La sagesse des enfants face à la mort

Protestinfo propose régulièrement des éditos rédigés par des membres des rédactions de Médias-pro.

La mort est-elle occultée dans notre société? Pour Joël Burri, un documentaire actuellement au cinéma remet en cause ce préjugé.

Photo: Tournage de «Et les Mistrals Gagnants» ©Nour films

«Dans notre monde la mort est tellement gênante que non seulement on la fait disparaître en faisant comme si elle n’existe pas ou en jouant avec elle, mais qui plus est on a comme projet de faire disparaître les morts», analyse le théologien orthodoxe Bertrand Vergely, dans une chronique publiée par Atlantico. Il réagit à l’émergence d’un nouvelle pratique funéraire consistant à dissoudre le corps du défunt. Une solution considérée comme verte puisque moins énergivore qu’une crémation. «Le lieu dans l’espace qu’est la tombe permet le recueillement», prévient le théologien. «Quand quelqu’un se fait brûler et que ses cendres sont dans une urne dans un casier dans un mur funéraire au milieu d’autres urnes, c’est déjà plus difficile. Avec la dissolution, si celle-ci se généralise, le recueillement va devenir tout bonnement impossible.»

La mort, est-elle vraiment en train de devenir un tabou absolu dans notre société? Dans «Evangile et liberté» de septembre 2015, le sociologue Martin Julien-Costes fait un autre constat: «utilisateur enthousiastes des outils numériques et d’internet, les jeunes s’en emparent volontiers lorsque l’un des leurs décèdes, généralement afin de s’assurer de leur soutien mutuel et de maintenir une continuité dans leur relation avec le défunt, là où prévaut justement un sentiment de rupture.» Le chercheur souligne en particulier l’usage des réseaux sociaux. Utilisée par des amis après un deuil, «le profil Facebook a la même fonction qu’une tombe, mais se situe dans un autre espace. Il individualise la perte à l’intérieur d’un espace collectif partagé, rendant ainsi le deuil public puisqu’il est possible d’y accéder.»

En y réfléchissant j’aurais tendance à penser que même dans la mort, nos contemporains semblent se désintéresser des offres proposées par les institutions. La mort échappe aux Eglises, elle n’en devient pas tabou pour autant.

Un regard d’enfant sur la maladie

Pas de tabou autour de la mort! C’est précisément l’impression que j’ai eu ce week-end en sortant de la projection du magnifique documentaire «Et les Mistrals gagnants», dans les salles romandes depuis le 2 mai. Cinq enfants de six à neufs, gravement malades, racontent leur vie. Sur le plateau du 12h45, la réalisatrice Anne-Dauphine Julliand explique qu’elle avait envie qu’ils racontent leur insouciance d’enfants. «J’ai eu envie que les enfants nous le disent. Comment est-ce qu’ils arrivent à vivre l’instant présent et à intégrer la maladie dans une vie, juste en la laissant à sa place, sans qu’elle contamine tous les aspects de la vie.»

Mais à aucun moment, cet hymne à la vie n’occulte la question de la mort. «Quand je serai mort, et bien je ne serai plus malade», déclare un petit gosse dans le documentaire. Alors qu’un autre héros du film explique: «On peut toujours être heureux, perdre quelqu’un qu’on aime, ça rend très triste d’abord, mais ensuite on peut encore être heureux.» Une sagesse partagée par chacun des protagonistes de ce reportage, malgré des origines culturelles et sociales très différentes.

«Il faut savoir tout d’abord qu’un enfant pense à la mort. Et les enfants malades sont confrontés à cette idée là encore plus tôt que les autres», prévient le pédopsychiatre Pierre Canoui sur France 2. «Et donc c’est vrai qu’il faut être capable de leur répondre, mais il faut laisser toujours une place à la vie, à l’espoir et même au miracle.» Et dans ce documentaire, ce sont souvent les enfants qui réconfortent leurs parents. «Avec beaucoup de simplicité, ils font comme leurs enfants et se disent «Et si au lieu de me projeter dans demain, ou de me réfugier dans hier, je vivais juste maintenant»», raconte Anne-Dauphine Julliand.

En interview, la réalisatrice déclare aussi, «C’est un film qui s’adresse aux adultes, c’est un film qui nous invite à retrouver notre âme d’enfant.» Une invitation universelle qui rend la question inhumation, crémation ou dissolution, bien secondaire, mais qui ne l’occulte à aucun moment.