Malaise au Kirchentag autour du dieselgate

Malaise au Kirchentag autour du dieselgate

L’un des grands sponsors du grand rassemblement de l’Eglise allemande n’est autre que Volkswagen. Alors que la marque est empêtrée dans le scandale des fraudes aux émissions polluantes, des voix s’élèvent contre ce partenariat.

Photo: La remise des clés des voitures aux responsables du Kirchentag. ©Volkswagen

, RNS/Protestinter

Le scandale des gaz d’échappement de Volkswagen—qui a débuté quand on a découvert que les véhicules diesel «propres» de la marque étaient programmés pour tricher lors des tests d’émissions de gaz polluants— a provoqué une crise environnementale, commerciale et de relations publiques aux Etats-Unis pour le fabricant allemand de voitures. En Allemagne, les conséquences ont été identiques et même pires: VW est un symbole national dont l’influence s’exerce bien au-delà du monde de l’automobile. De façon inattendue, la crise touche aujourd’hui les Eglises protestantes du pays.

Mercredi 24, l’assemblée des Eglises protestante, qui se déroule tous les deux ans s’est ouverte à Berlin. Elle a attiré environ 140’000 personnes dans la capitale pour un long week-end de services religieux, discussions politiques et concerts. 200’000 personnes étaient attendues dimanche à Wittenberg, ville où Martin Luther avait affiché ses 95 thèses en 1517.

Et la question qui ressurgit est de savoir s’il est acceptable que l’assemblée—dans laquelle la sensibilité environnementale et pour le développement durable est largement partagée— soit transportée, ainsi que les orateurs, dans l’un des 239 véhicules mis à disposition par Volkswagen en tant que sponsor de l’évènement.

Pas d’indulgence pour les gaz d’échappement

Comme c’est l’année du jubilé des 500 ans de la Réforme protestante, une critique s’est fait entendre avec un slogan qui résonne avec les paroles de Martin Luther. «Kein Ablass für Abgas!» (Pas d’indulgence pour les gaz d’échappement), a écrit le pasteur Matthias Kaiser de Hambourg, dans un article où il demande si le fait d’avoir VW comme fournisseur officiel de voiture, bus et camions était compatible avec les valeurs chrétiennes. «Je ne voudrais pas savoir ce que Martin Luther aurait à dire aujourd’hui», déclare-t-il, faisant référence à la fameuse condamnation par le réformateur des indulgences que l’Eglise catholique de son temps vendait pour financer la construction de la Basilique Saint-Pierre au Vatican.

La rencontre connue même à l’étranger pas son nom allemand de «Kirchentag» donne traditionnellement lieu à des débats de haut niveau sur rôle des chrétiens dans les affaires publiques. Le festival connaît à chaque édition une large couverture médiatique. L’un des points forts de cette édition a eu lieu jeudi, jour de l’Ascension, quand une table ronde a réuni la chancelière Angela Merkel et l’ancien président des Etats-Unis Barack Obama sur le thème de la responsabilité et de la démocratie à la porte de Brandebourg. Le modérateur de cette rencontre était l’évêque Heinrich Bedford-Strohm, président de l’Eglise protestante en Allemagne (EKD), une faitière fédérant les Eglises protestantes historiques du pays.

Promesse de fin rapide du scandale

La question du dieselgate a été comme une tache d’huile que le Kirchentag, un évènement organisé par des laïcs depuis l’après-guerre pour explorer de nouvelles formes de témoignage chrétien, n’a pas pu nettoyer. Le Kirchentag et son pendant catholique Katholikentag comptent depuis longtemps Volkswagen parmi leurs principaux sponsors. Pour le constructeur automobile, avoir ses véhicules en représentation lors de ces évènements et tellement importants que la marque emploie un responsable des relations avec les communautés religieuses.

Quand le scandale a éclaté en 2015, les Eglises ont eu des discussions avec Volkswagen, mais elles ont décidé de poursuivre la collaboration avec la marque, car le fabricant s’est engagé à prendre des mesures pour mettre fin rapidement au scandale. Mais le scandale s’est ravivé en février en Allemagne quand l’entreprise a procédé à un rappel massif de véhicule pour corriger le problème des émissions. Gênant, un porte-parole de la marque a dû reconnaître qu’il n’était pas facile de rééquiper les véhicules pour que leurs émissions toxiques soient conformes aux niveaux légaux. «Nous leur faisions confiance pour toute cette histoire soit réglée», a déclaré Ellen Ueberschaer, secrétaire générale du Kirchentag. «Bien sûr, nous nous rendons compte aujourd’hui que tout cela prend davantage de temps que nous l’espérions que le problème est plus important que ce que nous pensions au début.» Elle ajoute: «chercher ce qui est juste et durable et comment nous gérons les ressources. Ces questions ont depuis longtemps été classiques pour les l’Eglise et pour le Kirchentag. Et elles doivent le rester.» Elle explique: «cela rend d’autant plus important que nous nous assurions que nos sponsors soutiennent clairement ses valeurs dans la forme et dans l’esprit.»

Des règles pour le sponsoring

Le Kirchentag n’est pas opposé au sponsoring, explique Ellen Ueberschaer, toutefois certaines compagnies, telles que les fabricants d’armes ou les pollueurs évidents ont toujours été exclus. «Nos contrats de sponsoring ont une close précisant que les partenaires doivent respecter les valeurs fondamentales du Kirchentag», explique-t-elle.

Lors de plusieurs interviewes, elle a donné des arguments pragmatiques pour conserver Volkswagen comme sponsor. Par exemple que lorsque le scandale a éclaté l’organisation du Kirchentag était déjà largement avancée ou qu’un boycott aurait des répercussions pour les chrétiens qui travaillent pour le constructeur.

Des arguments qui n’ont pas convaincu Matthias Kaiser. «Avoir des véhicules marqué “Volkswagen” est une énorme perte de crédibilité pour l’Eglise, dont le coût est bien supérieur à l’économie faite en pouvant utiliser gratuitement une flotte de véhicules.» Une enquête de la radio WDR a évalué la valeur de la mise à disposition des véhicules était de plus plusieurs millions d’euros.

Reinhard Benhöfer, délégué à l’environnement de l’Eglise luthérienne à Hanovre, n’est pas non plus convaincu par les explications du Kirchentag. Mais il reconnaît que les Eglises devaient lever des fonds ce qui, inévitablement, les a menés à faire certains compromis. «Nous faisons partie d’une société qui n’est pas du tout propre— nous sommes justes au centre de cette société», explique-t-il. Et comme tous les fabricants automobiles semblent avoir triché sur les standards d’émissions de gaz polluants, il ajoute «au moins pour un certain temps, nous devrions refuser tout cadeau de leur part. Prenons une petite pause!»

Un kirchentag trop proche de Volkswagen

Matthias Kaiser a déclaré avoir reçu un large support de ces collègues après la parution de son article dans un magazine protestant en début d’année, dans lequel il mettait le doigt sur la question éthique que posait le sponsoring de Volkswagen. «L’impression parmi eux est que le Kirchentag est très proche de Volkswagen», dit-il. «Le problème n’est pas résolu.»