Sauver la nature! Vraiment?

Sauver la nature! Vraiment?

Protestinfo laisse régulièrement carte blanche à des personnalités réformées.

Jean-François Ramelet, pasteur, responsable de «l’esprit-sainf — une oasis dans la ville» à Lausanne prend position sur la révision de la Loi fédérale sur l’énergie soumise au vote le 21 mai prochain (Stratégie énergétique 2050)

Photo: CC(by) Thomas Kohler

Dans la nuit du 18 au 19 avril dernier, un épisode de gel noir décime le vignoble en Valais. De nombreux arboriculteurs sont également touchés et des vignobles vaudois ne sont pas épargnés. La féerie des images des bougies allumées sur les coteaux nous ferait presque oublier l’ampleur du drame. Des hommes ont tout perdu en quelques heures.

En songeant à cet épisode, je repense à l’interview de Philippe Roch publiée dans le quotidien 24heures du 13 avril. L’ancien directeur de l’Office fédéral de l’environnement y fait son «coming out»: il votera «non» à la stratégie énergétique 2050, arguant que c’est une mauvaise loi et souligne l’ineptie du développement de l’éolien en Suisse.

Son discours m’a exaspéré. A de nombreuses reprises, Philippe Roch tient un discours quasi mystique sur un prétendu combat entre la nature (le bien) et l’énergie (le mal); en d’autres termes entre la nature et la culture et entre la nature et l’homme. Il dénonce une nouvelle idolâtrie: le culte du dieu «énergie» et conclut: «on ne peut pas sacrifier la nature sur l’autel de l’énergie».

Monsieur Roch ferait-il donc partie de ces courants écologiques extrêmes qui estiment qu’au nom de la préservation de la nature, il faudrait éradiquer l’homme? N’avait-il pas soutenu «Ecopop»? L’homme ne serait-il qu’un être malfaisant, un prédateur de la pire espèce? Je ne conteste pas que l’homme porte une large part de responsabilité dans la crise climatique et écologique actuelle. Une responsabilité qui trouve son origine dans la fameuse «convoitise» biblique.

A cet égard, les opposants à la stratégie énergétique 2050 font preuve d’une affligeante pauvreté intellectuelle, lorsqu’ils écrivent: «… les conséquences de cette politique peuvent aussi être l’interdiction de manger de la viande, des bananes et des ananas, l’interdiction des lampes chauffantes, des pompes pour les aquariums, des filtres de piscines, voire interdiction des décorations lumineuses de Noël». Des bananes et des jeux, si ce sont là nos principales préoccupations en ce monde, nous n’allons pas aller très loin!

Je ne ferai pas l’affront de prétendre que Philippe Roch cautionne cet argumentaire. Il n’empêche: il lui apporte son soutien «à l’insu de son plein gré». Contrairement à Philippe Roch, j’estime que les effets du naufrage écologique annoncé menacent d’abord la durabilité de l’humain plus que celle de la nature.

Je conteste vigoureusement la quasi-divinisation de «dame nature» auquel il cède. Philippe Roch, tel le messie, nous dit «nous avons plus que jamais besoin de défenseurs de la nature», et moi je vous dis: «c’est de défenseurs de l’humain dont nous avons besoin». Ne nous y trompons pas, c’est l’humain qui est en danger, plus que la nature.

La force de vie qui caractérise la nature est puissante: elle développe des stratégies pour s’adapter aux phénomènes les plus hostiles. Dans la zone de Tchernobyl, les forêts de pin repoussent et les animaux reviennent. L’humain est bien plus vulnérable; il n’est pas doué de la même résilience et son temps d’adaptation est moins réactif.

L’impuissance des vignerons et des arboriculteurs affrontant le gel noir avec des bougies de paraffine en témoigne. L’homme sera toujours petit et mal équipé pour faire face aux phénomènes de la nature dont on annonce qu’ils vont devenir de plus en plus extrêmes.

Philippe Roch accuse la stratégie énergétique 2050 d’être vendue aux lobbies de l’éolien et dénonce les atteintes irrémédiables au paysage. Là où les éoliennes présentent un danger pour la santé de l’homme, il faut y renoncer, c’est évident. Mais pour le reste, n’abandonnons pas cette source d’énergie (transitoire) sous prétexte qu’elle nuirait au paysage.

Ne confondons pas nature et paysage. Le paysage, ce n’est plus de la nature brute (existe-t-elle?), mais c’est une nature domestiquée, disciplinée par l’homme. Le paysage est «un point de vue» de l’homme. Ne peut-on pas accepter une altération provisoire de ce paysage s’il nous permet de diminuer notre dépendance actuelle aux énergies fossiles si nocives pour notre monde et pour l’humain?

Viendra probablement le jour où cette source d’énergie sera superflue. Nous savons que le démantèlement d’un site éolien coûtera alors infiniment moins cher que celui d’une centrale nucléaire, y compris la renaturation des chemins d’accès que l’on aura dû bétonner.

De grâce, il ne s’agit pas d’opposer «nature» et «énergie renouvelable»; mais bien de faire des choix pour préserver des conditions de vie durable pour l’humain, concrètement les conditions de vie de nos enfants et petits-enfants.

Je voterai «oui» le 21 mai prochain: il est temps de s’émanciper et du nucléaire et des énergies fossiles!

Nous avons plus que jamais besoin de défenseurs de l’humain.

Les Eglises appellent à voter «oui»

«En acceptant la stratégie énergétique 2050, la Suisse apportera sa contribution à la lutte contre les changements climatiques. Le Conseil fédéral et le Parlement tentent pour la première fois d’abaisser la consommation globale d’énergie à l’aide de réglementations et de mesures qui augmentent l’efficacité énergétique et, grâce à des mesures d’encouragement, accroissent la part des énergies renouvelables», écrit le Conseil synodal de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud dans une prise de position. Dans la foulée, le Conseil de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) et de l’Eglise réformée évangélique du canton de Neuchâtel ont également adopté cette prise de position.

Le groupe œco Eglise et environnement et les femmes protestantes de Suisse recommandent également le «oui», tout comme la commission Justice et Paix de la Conférence des évêques catholiques romains de Suisse