L’intolérance religieuse, une histoire pas si récente

L’intolérance religieuse, une histoire pas si récente

Le Groupe suisse d’études patristiques propose, en partenariat avec l’Université de Fribourg, un cycle de conférences publiques sur la persistance et la diversité du discours anti-chrétien dans l’Antiquité.

L’actualité politique, les débats publics, les réseaux sociaux et même les médias nous donnent quotidiennement à voir la persistance et l’étendue de la discrimination religieuse. La tendance à affirmer qu’il en allait autrement par le passé est remise en cause par le colloque organisé par le Groupe suisse d’études patristiques. La polémique anti-chrétienne n’est finalement pas une histoire si récente. C’est sur ce chapitre particulier que des spécialistes suisses et européens réunis à Fribourg du 15 au 17 février prochain vont se pencher. Cette mise en perspective dévoilera, avec l’exemple des discours et des argumentaires anti-chrétiens, certains mécanismes de la polémique. Elle cherchera à tempérer le débat actuel sur la question de l’appartenance religieuse.

Au-delà de l’intérêt historique, il n’est pas inutile de rouvrir le volumineux dossier de la polémique religieuse dans l’Antiquité, car il constitue aussi l’arrière-fond des montées de violences contemporaines. Gregor Emmenegger, professeur titulaire en patristique et histoire du dogme à l’Université de Fribourg, explique que: «L’idée principale du colloque est la suivante: se juger soi-même est toujours difficile. Les conférences s’attacheront donc à présenter les positions des détracteurs du christianisme. Ces opposants ont, d’ailleurs, une idée bien plus claire de cette nouvelle religion que beaucoup de ses ardents défenseurs». Il ajoute encore: «Si ce colloque traite la polémique antichrétienne, on ne veut absolument pas dire qu’une polémique chrétienne n’existait pas— au contraire. Mais la polémique chrétienne dans l’antiquité est bien étudiée, beaucoup plus que la polémique antichrétienne». Un grand nombre d’écrits ont disparu, d’autres ont survécu, mais de manière très fragmentée. Certains nous sont parvenus de façon indirecte, sous forme de citations. Malgré tout, ces extraits nous donnent la possibilité de nous faire une idée du contenu, du ton et des arguments utilisés. Déjà au premier millénaire de notre ère, les enseignements du christianisme ont été décriés par des cercles d’érudits hellénistiques et des philosophes. Les premiers siècles de l’islam ne sont également pas en reste par l’appropriation de la polémique anti-chrétienne antérieure.

Gregor Emmenegger, propose un petit décryptage de la situation des premiers siècles du christianisme. Il mentionne que: «la polémique anti-chrétienne émerge en premier lieu pour souligner une identité différente de ses prédécesseurs, une frontière avec une ère révolue. Les chrétiens veulent se démarquer du peuple juif et attester qu’ils sont les vrais héritiers de Dieu». L’Empire romain, quant à lui, est tolérant envers les diverses croyances et divinités. La religion est comprise comme étant à la fois un temple et un culte, nul besoin de convictions personnelles. Les autres vénérations sont considérées comme utiles à la protection de l’empire et de l’empereur. Il en est tout autrement pour les chrétiens qui ne peuvent tirer un trait sur leurs convictions personnelles, intrinsèques à la pratique du christianisme. C’est la raison pour laquelle, selon le chercheur: «il s’ensuit une intolérance absolue envers les chrétiens, perçus comme des ennemis de la société et des traîtres à l’empereur». Un tournant s’opère sous le règne de Constantin, premier empereur chrétien. Tous ceux qui ne pratiquent pas le christianisme sont vus comme pouvant mettre en danger le bien de l’empire. Il en va autrement pour l’islam qui se considère comme étant une réformation du judaïsme puis du christianisme. Gregor Emmenegger précise que: «les chrétiens ne considèrent pas encore l’islam comme une nouvelle religion, mais seulement comme une hérésie.»

Même si la question de la polémique anti-chrétienne ne se pose plus dans les mêmes termes que dans l’Antiquité, elle reste tout de même très actuelle. Les sujets tels que: ce qui fonde l’identité d’une société, les valeurs différentes qui remettraient en cause le bien-vivre ensemble, ainsi que le fait de ne pas rester en dialogue. Toutes ces questions restent très présentes et se dressent comme un problème de taille. Gregor Emmenegger complète: «lorsque la question de la Vérité se pose, l’intolérance n’est jamais très loin». Il renchérit en disant encore: «la majorité n’a pas besoin d’être tolérante», puisqu'elle n'est menacée par personne. C’est peut-être aussi la raison pour laquelle le conseil de Denys l’Aréopagite, n’a rien perdu de son actualité. Denys, un moine syrien qui a vécu vers l’an 500 et auteur majeur de traités chrétiens de théologie mystique affirme qu’on ne peut savoir avec certitude qui est Dieu, c’est pourquoi il nous faut rester tolérants face à cette incertitude.

Les journées d'étude
Adversus Christianos: La littérature de polémique antichrétienne au cours du premier millénaire
Université de Fribourg, Miséricorde Auditoire 3118
Du mercredi 15 au vendredi 17 février 2017
Colloque scientifique, ouvert au public, entrée libre