Délivre-nous du mal

Délivre-nous du mal

Le pasteur Pierre Amey livre ses expériences et ses recherches dans une conférence sur la réalité, supposée ou non, des anges et des démons.

Le pasteur Pierre Amey livre ses expériences et ses recherches dans une conférence sur la réalité, supposée ou non, des anges et des démons.

Photo: Au Moyen Age, les gargouilles, comme cette figure de la Tour saint Jacques à Paris, avaient pour fonction de faire fuir les démons. CC(by-nc-nd)Philippe Leroyer

Par Myriam Bettens

L’Eglise a eu tendance à évacuer les questions liées aux êtres surnaturels, constate Pierre Amey ancien pasteur de l’Eglise réformée évangélique du canton de Neuchâtel (EREN). Elle l’a fait par opposition à certains mouvements charismatiques qui voient dans les manifestations démoniaques la réponse à tous les problèmes posés. Il sera l’orateur principal d’une conférence en deux volets, proposée au Landeron par la paroisse Entre-deux-Lacs de l’EREN les 1er et 8 février prochains.

Sans vouloir «voir le diable partout», il ne se considère pas comme un exorciste pratiquant la «délivrance à chaque culte». Pourtant, le pasteur tient pour acquis le fait qu’«il existe des phénomènes qui nous dépassent», auxquels il faut répondre. André Malraux avait certainement raison de dire que le XXIe siècle serait religieux, ou ne serait pas. Plus qu’un phénomène de mode, le regain d’intérêt pour les anges, paradoxalement aussi pour le Diable, révèle peut-être une volonté d’éliminer ce Dieu compris comme trop abstrait. Cet attrait manifeste probablement une soif de réenchanter le monde qui nous entoure. Une brèche dans laquelle le marketing spirituel, le new age et les courants ésotériques ont su s’engouffrer avec succès.

Lors de ces conférences, il ne sera pas question de fantastique ou de paranormal, mais plutôt d’un décryptage d’expériences vécues dans la région, explique l’orateur. Lorsqu’on parle de bruits de pas inexpliqués, de «présence» au pied d’un lit ou de coups frappés contre une paroi, cela a tendance à interpeler et même à effrayer. Face à des demandes répétées de responsables de paroisses et d’individus en réel désarroi, le pasteur Pierre Amey essaie d’apporter une réponse.

«S’il existe un monde spirituel, c’est qu’il existe aussi un monde ténébreux». C’est à cause de ce monde obscur que Pierre Amey recommande un principe de prudence. Il exhorte ceux qui «par jeu» s’essaient aux pratiques occultes à s’en tenir éloignés. Il préconise aussi la précaution à l’encontre des «charlatans» qui font commerce de la détresse dans laquelle sont plongées certaines personnes. Il met aussi en garde contre une propension à tout confondre, en rejetant la responsabilité de tous les maux qui accablent sur une puissance plus ou moins personnifiée plutôt que de chercher une cause psychique. De même, les phénomènes de «démonopathies», supposés ou avérés, ne sont peut-être pas tous à classer dans la case des cas psychiatriques. Ces situations demandent aussi parfois le «secours religieux».

Réformés prudents sur ce thème

A l’égard d’une telle souffrance, un travail d’écoute et d’accompagnement spirituel pourrait aider. Mais Daniel Pétremand, pasteur et aumônier au CHUV à Lausanne, parle plus volontiers «d’énergies positives ou négatives, empreintes de mystère» quand il aborde la difficile question de l’accompagnement de personnes aux prises avec leurs démons. Pour lui, le fait d’avoir recours aux figures angéliques ou démoniaques donne la possibilité d’exprimer des «tiraillements» intérieurs. Cela permet de trouver une sorte de responsable à une peur insurmontable que l’on garde. C’est aussi l’expression d’un désarroi qui correspond à une plus grande fragilité de l’être humain. Un sentiment de non-maîtrise de l’existence et une part de limite.

«L'Eglise réformée a toujours été très prudente sur ces thèmes», complète Cosette Odier, aumônière du CHUV retraitée. Elle donne comme exemple: «L'Eglise réformée a contribué à brûler les sorcières en son temps, mais n'a jamais eu d'exorciste officiel». Quant à l'accompagnement, la pasteure précise «il se fait d'habitude en collaboration avec un psychiatre. Ces phénomènes sont souvent associés à un trouble de la personnalité. Mais il faut du doigté pour respecter les croyances des personnes tout en essayant de l'aider à accueillir une autre image de Dieu, plutôt miséricordieux et compatissant qui protège du Mal. C'est souvent difficile et le mieux est parfois de se retirer pour ne pas exacerber des croyances qui font souffrir la personne.»