«Par pitié, Seigneur aide-moi à en sauver un de plus»

«Par pitié, Seigneur aide-moi à en sauver un de plus»

Tu ne tueras point de Mel Gibson retrace l’histoire du premier objecteur de conscience de l’armée américaine à avoir été décoré de la Médaille d’honneur pour sa bravoure durant la bataille d’Okinawa.

Le pilonnage sans répit des troupes ennemies s’est calmé, Desmond Doss interpelle Dieu sur la falaise de Maeda durant la bataille d’Okinawa. Cette ultime bataille à laquelle les ministres des Cultes catholiques, réformés et évangéliques de Suisse romande ont été conviés à participer par l’entremise d’une projection en avant-première du film de Mel Gibson. Un film qui sortira le 1er février sur les écrans romands et qui retrace le parcours de Desmond Doss, premier objecteur de conscience à avoir été décoré au combat. L’avant-première de Tu ne tueras point s’est déroulée sous les auspices de trois médias chrétiens de Suisse romande au cinéma Odéon de Morges, la projection s’est poursuivie par une table-ronde à laquelle était conviés trois intervenants: Le capitaine aumônier Jean-Marc Savary, John Graz qui dirige le Département des affaires publiques et de la liberté religieuse au sein de l’Eglise adventiste mondiale ainsi que Michael Mutzner, secrétaire général adjoint du Réseau évangélique suisse.

Tu ne tueras point nous plonge dans le quotidien des «oubliés» du front du Pacifique durant la bataille d’Okinawa. La Seconde Guerre mondiale a déjà officiellement pris fin sur le théâtre d’opérations militaires européennes en mai 1945 par la capitulation sans condition du Troisième Reich. Pourtant c’est la dernière nation de l’Axe, le Japon, qui connaitra la défaite et la reddition en septembre 1945 après les opérations menées sur l’île d’Okinawa. Le film de Mel Gibson n’épargne rien de la sauvagerie de cette guerre, mais nous propose aussi de découvrir un protagoniste, Desmond Doss, un adventiste du septième jour qui désire prendre part à ce conflit sans pour autant porter d’arme. Il sera qualifié par l’armée d’objecteur de conscience et devra faire face à de multiples oppositions sans pour autant trahir ses convictions; celles de servir son pays et de ne tuer quiconque. Or ce qui caractérise l’objecteur de conscience c’est la contrainte, celle d’être forcé d’agir contre sa conscience par une autorité et assortie d’une menace de sanction en cas de refus de s’y plier. Le cas de Desmond Doss est particulier, il est engagé volontaire et refuse le titre d’objecteur, se définissant lui-même comme un «coopérateur de conscience».

Desmond Doss a été décoré le 12 octobre 1945 par le président Harry Truman en personne, il a rendu hommage à «son extraordinaire bravoure et sa détermination à toute épreuve face au danger». Pourtant jusqu’au crépuscule de sa vie il a toujours refusé que son récit ne soit adapté par le septième art. Ce film pose la délicate question de savoir comment Dieu appelle chaque chrétien à être un chrétien qui fait sens et témoigne de sa foi au milieu de la fournaise. Le Capitaine Glover, un des protagonistes du film, dira à Desmond Doss: «La plupart de ces hommes ne croient pas comme vous. Mais ils croient beaucoup... à votre croyance. Ce que vous avez accompli tient du miracle et ils en veulent un bout.» La foi passe aussi par le témoignage et n’est certainement pas non plus étrangère à l’appel néo-testamentaire qui enjoint le chrétien à être un artisan de paix.

La guerre est une saloperie, qu’en faire comme chrétien?

«Comme chrétien, je crois que l’on ne doit pas se contenter d’attendre un Royaume de Dieu idéal. Il faut reconnaître que la violence existe. Et face au tragique de ce monde, il est, je crois, de notre devoir de croyant de chercher comment donner sens et comment donner témoignage», a déclaré Jean-Marc Savary, aumônier de l’armée Suisse à la suite de l’avant-première de Tu ne tueras point, organisée par Cath.ch, Christianisme aujourd’hui et Protestinfo et à laquelle avaient été invités les pasteurs, prêtre, diacre et animateurs de paroisse de Suisse romande. L’opinion du militaire était partagée par John Graz directeur du Département des affaires publiques et de la liberté religieuse au sein de l’Eglise adventiste mondiale: «La violence est là, l’injustice est là. Nous devons être des signes de la présence de Dieu!»

La tension entre réalité de la violence et le respect des convictions personnelles qui est thématisé dans ce film a aussi suscité des réflexions. «On voit dans le film, que durant la bataille, plusieurs soldats ont tiré pour protéger la vie de Desmond Doss. Dire que l’on va sur le front pour sauver des vies n’est pas aussi simple. Par ailleurs, nous sommes reconnaissants, aujourd’hui que des soldats ont donné leur vie pour protéger les valeurs qui sont les nôtres», a rappelé John Graz, expliquant que si l’Eglise adventiste recommande à ses membres de ne pas porter les armes, «elle sera toujours aux côtés tant des objecteurs que de ceux qui s’engagent dans l’armée. D’ailleurs, l’actuel chef des aumôniers de l’armée des Etats-Unis est un adventiste.»

Michael Mutzner, secrétaire général adjoint du Réseau évangélique suisse a souligné le sacrifice consentit par ses soldats. «Et je pense que dans notre situation actuelle, le sens du sacrifice existe encore.» Puis répondant à la question d’une personne du public, il a reconnu qu’un tel acte dans notre situation actuelle serait, par exemple, d’accueillir un migrant.

La violence crue de l’œuvre de Mel Gibson a également fait débat: «ce film a la vertu de montrer que la guerre est une saloperie, contrairement à beaucoup de films d’action, il ne l’idéalise pas», a commenté Jean-Marc Savary. Pour lui, ce film pourrait faire partie d’une animation de paroisse. «Mais je ne le conseillerais pas à un groupe d’ado, s’il ne s’inscrit pas dans une discussion sur ce thème.» D’ailleurs Christian Willi rédacteur en chef de Christianisme aujourd’hui a signalé l’existence d’un dossier d’animation autour de ce film.

JoB