La crèche de Noël n’est plus si culte

La crèche de Noël n’est plus si culte

A Neuchâtel l’an dernier, comme en France cette année, l’installation des crèches de Noël dans l’espace public fait débat. La crèche serait-elle devenue non grata!?

Photo: CC(by-nc-nd) Fr Lawrence Lew, O.P.

, «Réformés»

L’affaire du burkini cet été en France a eu des répercussions directes sur l’installation des crèches de Noël cet hiver. Laïcité oblige: si on interdit l’un, pourquoi ne pas interdire l’autre? Le 9 novembre dernier, le Conseil d’Etat français a tranché. L’installation d’une crèche dans un bâtiment public est autorisée, sous la condition qu’elle ne signifie pas «une reconnaissance d’un culte ou une préférence religieuse».

Un objet culturel

Un brin provocateur, Olivier Bauer, professeur de théologie pratique à l’Université de Lausanne, souligne que cette stigmatisation de la crèche peut étonner le théologien: «Pourquoi la crèche? Pourquoi pas le sapin? Et pourquoi continuer d’avoir congé à Noël? Pourquoi ne pas tout remettre à plat?»

Aujourd’hui, la crèche est davantage un objet culturel que cultuel. «C’est un artefact. Il n’y a qu’à voir les crèches de Provence, avec tous les santons. Cela n’a plus rien à voir avec la signification d’origine», constate Olivier Bauer. De même, David Payot, conseiller municipal de Lausanne en charge de l’enfance et des quartiers, relève que «la crèche a un fort contenu culturel et, si elle fait référence à un récit religieux, elle n’est pas un acte religieux en soi». De fait, une maison de quartier pourrait lui ouvrir une place. En effet, aucune plainte n’a été déposée auprès de la Police du commerce.

Une tradition laïcisée

Le débat sur les crèches dans les espaces publics a aussi agité Neuchâtel l’an dernier, quand une crèche fut mise à l’index. «En fait, il s’est agi d’un profond malentendu», explique Thomas Facchinetti, de la Direction de la Culture, du Sport et du Tourisme de la Ville de Neuchâtel. «Elle avait été placée sur un parking sans autorisation et sans que la municipalité soit avertie». C’était peu après les attentats de Paris et le temps que nous l’enlevions pour la déplacer, les réactions se sont faites vives. La Ville de Neuchâtel est constitutionnellement laïque, «mais ce n’est pas une laïcité qui vise à expurger les signes religieux. Depuis longtemps, il y a des crèches de Noël dans le jardin anglais, préparées par le Service des parcs et promenades. C’est normal, cela fait partie d’une tradition». La réalité, comme le souligne Thomas Facchinetti, est celle d’un patrimoine historique, empreint de chrétienté et de la Réforme.

«L’important est que chacun puisse vivre sa confession avec l’idée d’accepter celle des autres et d’échanger à ce sujet, insiste David Payot. On doit pouvoir passer devant une crèche sans être gêné.»

Dans cette perspective, aucune religion ne peut être ignorée. A l’instar de son confrère lausannois, Thomas Facchinetti privilégie la mise «à équidistance de toutes les expressions de la vie religieuse». Quant à une focalisation sur la crèche en tant que signe religieux, Olivier Bauer observe que «c’est la société laïque qui rajoute du religieux dans un symbole qui en a perdu au fil du temps». Le débat a encore de nombreux Avents devant lui.